Lundi 6 mai. Premier jour de Ramadan. Il est bientôt midi, mais les rues du centre d’Alger sont plus vides qu’à l’accoutumée. Certains ont déjà les bras chargés de courses quand d’autres préfèrent se mettre en retrait pour feuilleter les journaux. À la Une, l’arrestation, la veille, de Saïd Bouteflika et des généraux Athmane Tartag et Mohamed Mediène, dit Toufik. Mais aussi le maintien de l’élection présidentielle du 4 juillet annoncé par le président par intérim Abdelkader Bensalah.
Dans la rue, ceux qui acceptent de nous faire part de leur réaction sur cette actualité chargée ne sont pas nombreux. Mais tous les témoignages récoltés affluent dans le même sens.
Ainsi une femme croisée rue Larbi Ben M’hidi et souhaitant garder l’anonymat évoque des « manœuvres ambiguës ». Elle poursuit : « C’est un véritable labyrinthe, rien n’est clair dans les décisions prises par le pouvoir. On dirait un jeu, un règlement de comptes entre eux. S’ils limogeaient le gouvernement, à la rigueur, mais là… »
Le maintien du premier tour de l’élection présidentielle au 4 juillet ? « De la provocation », fustige-t-elle. « Ou alors ils testent l’opinion algérienne. Car autrement ça ne tient pas. La campagne va débuter quand ? Les inscriptions sur les listes électorales vont se faire quand ? »
Billel, lui, évoque un « scénario fabriqué, afin d’absorber la détermination du peuple algérien, pour décrire l’arrestation de Saïd Bouteflika, Tertag et Toufik. Ils sont prêts à sacrifier certaines figures rien que pour sauver le système de 62 », commente-t-il.
« Nous vivons dans le mensonge depuis 62 »
« Pour moi, c’est une mise en scène. Je ne crois à rien. Nous vivons dans le mensonge depuis 1962. Tout ça, c’est pour tenter de calmer le Hirak », assure Karim, 63 ans. Nous lui demandons s’il a l’intention de se rendre aux urnes, le 4 juillet. « Je ne sais pas. (Il marque un temps de pause). Il faudrait au moins six mois, si ce n’est pas un an pour organiser de vraies élections ».
Installé à proximité de la Grande Poste, un fleuriste de 78 ans, qui se décrit comme un « enfant de la révolution de 1962 », confie, lui aussi, ne pas comprendre le maintien de l’élection au 4 juillet prochain. « C’est un choix illogique. Où sont les représentants du peuple ? On ne fait pas campagne en un mois. » Face à ceux qui misent sur l’essoufflement du mouvement pendant le mois sacré, le septuagénaire se montre en tout cas optimiste. « Aujourd’hui notre peuple est mûr. L’État a peur de notre jeunesse. Alors je sais que ça s’arrangera ».