Parallèlement aux arrestations qui se poursuivent, de nombreux manifestants et activistes du hirak sont condamnés par la justice, parfois lourdement. Ce jeudi 10 octobre, c’est le président de l’association RAJ, Abdelouahab Fersaoui, qui a été arrêté alors qu’il participait à un rassemblement de soutien aux détenus du hirak devant le Tribunal de Sidi M’hamed à Alger.
L’association RAJ, très impliquée dans le hirak, a déjà vu cinq de ses membres placés en détention, dimanche 6 octobre, pour « incitation à attroupement et atteinte à la sécurité de l’Etat ».
Hier, mercredi 9 octobre, le tribunal de Constantine a condamné Semmani Amazigh à une année de prison ferme pour « profanation du drapeau national ». Le cas d’Amazigh Semmani est assez particulier puisqu’il n’a pas été arrêté lors d’une manifestation publique, mais au cours d’une visite touristiques dans la ville des Ponts. Son tort était de prendre des photos avec le drapeau amazigh.
Le même jour, un activiste de Djelfa a écopé de la même peine pour avoir perturbé l’installation de l’antenne locale de l’autorité électorale.
Toujours mercredi, Farouk Kadiri, Abdelali Benamar et Lakram Chebrou, trois jeunes connus pour leur implication dans le mouvement populaire ont été placés en détention provisoire par le juge d’instruction du tribunal d’El Oued.
A Alger, six manifestants, arrêtés la veille lors de la 33e marche des étudiants, ont été placés sous contrôle judiciaire pour « attroupement non armé, désobéissance et atteinte à l’ordre public ».
Quatorze personnes ont en outre été placées sous mandat de dépôt à M’sila pour avoir participé dans la nuit de dimanche à lundi à une manifestation pour réclamer des logements sociaux.
Cette vague d’arrestations et d’incarcérations intervient au lendemain de la tentative de la police d’empêcher les marches des étudiants à Alger, une première depuis le début du mouvement populaire en février.
Mardi 8 octobre, les étudiants ont été empêchés de poursuivre leur marche hebdomadaire. Une centaine de personnes, dont des journalistes, ont été interpellées avant d’être relâchées pour la plupart dans la soirée. Le jour même, le Comité national pour la libération des détenus (CNLD) avait dévoilé une nouvelle liste de manifestants et activistes encore détenus, comprenant 81 personnes, dont certains incarcérés depuis juin et ne sont toujours pas jugés.
Vives préoccupations
Lundi 7 octobre, un collectif d’avocats avait tiré la sonnette d’alarme sur la situation des détenus et les multiples atteintes aux libertés et principes du droit. Ils ont particulièrement dénoncé le recours « abusif » à la détention provisoire et annoncé l’intention de certains détenus de recourir à la grève de la faim, dont le moudjahid Lakhdar Bouregaâ, en prison depuis le 30 juin.
Zoubida Assoul et Mustapha Bouchachi, avocats du porte-parole de l’UDS, Karim Tabbou, ont annoncé mercredi la décision du collectif de défense de boycotter les plaidoiries devant la Chambre d’accusation de la Cour d’Alger qui doit examiner l’appel de mise sous mandat de dépôt du militant politique.
« Il sert à quoi d’aller plaider devant une chambre d’accusation qui n’écoute pas et qui ne met pas une halte à toutes ces violations de la procédure, qui ne respecte pas un citoyen dans ses droits constitutionnels et légaux ? », s’est interrogée Me Assoul, dénonçant au passage les conditions de l’arrestation et de la détention de M. Tabbou. « Il a été violenté lors de son interrogatoire, insulté et injurié. Il est placé seul dans une cellule individuelle dans un quartier qui s’appelle El Hofra où il n’y a à l’étage que des condamnés à mort. Même quand il sort dans la cour, il est seul », a-t-elle témoigné.
A l’étranger, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (FIDH-OMCT) a dénoncé hier mercredi une « répression généralisée » du mouvement de protestation en Algérie. « Dans un contexte de répression croissante des manifestations pacifiques par les forces de l’ordre algériennes, des centaines de personnes ont été arbitrairement arrêtées depuis début septembre, dont de nombreux défenseurs des droits humains », écrit l’Observatoire dans un communiqué indiquant que « les libertés d’expression, de réunion et de manifestation doivent être rétablies au plus vite à travers le pays ».