Les tensions entre l’Algérie et le Maroc ont été portées à leur paroxysme par l’attaque qui a coûté la vie à trois chauffeurs de camion algériens aux frontières de la Mauritanie et du Sahara occidental et que l’Algérie a imputée aux forces d’occupation marocaines.
L’attentat a eu lieu lundi 1er novembre et confirmé officiellement par la présidence de la République mercredi 3 novembre. Dans son communiqué, la présidence algérienne a dénoncé « un lâche assassinat », commis avec « un armement sophistiqué » et promis qu’il « ne restera pas impuni ».
| Lire aussi : Sahara occidental : le jeu dangereux du Maroc
On n’assiste néanmoins pas aux réactions qu’appelle la gravité de la situation, que ce soit de la part de la partie incriminée, des grandes puissances, des Etats arabes ou des institutions internationales.
A Rabat, c’est énigmatiquement presque le silence radio. C’est d’abord une « source anonyme » qui est chargée de réagir à une accusation directe et grave de la plus haute institution d’un Etat étranger.
Dans une déclaration faite à l’Agence France presse (AFP) le 3 novembre, cette source n’a ni démentie, ni confirmée l’attaque, se contentant d’indiquer que les victimes se trouvaient dans une zone empruntée par troupes du Front Polisario et que le Maroc ne souhaite pas l’escalade avec son voisin.
Le lendemain, le porte-parole du gouvernement marocain a éludé le sujet au cours de sa conférence de presse hebdomadaire. Interrogé sur les accusations de l’Algérie, il a répondu que son pays tenait au « principe de bon voisinage ». Il n’a pas même adressé un message de condoléances aux familles des victimes. Le roi du Mohamed VI qui prononcera ce samedi un discours à l’occasion de ce que le Maroc appelle la « Marche verte », va-t-il s’exprimer sur le sujet ?
De son côté, l’Algérie a saisi les institutions internationales dont elle est membre, dans une offensive diplomatique pour prendre à témoin l’opinion internationale sur les agissements du royaume du Maroc.
Jeudi 4 novembre, le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a informé officiellement de ce qui s’est passé le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, le président de la Commission de l’Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, le secrétaire général de la Ligue des Etats arabes, Ahmed Aboul Gheit, et le secrétaire général de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), Youssef Ben Ahmed Al-Othaimeen.
Les Etats arabes et l’union africaine dans l’expectative
Dans son message, Ramtane Lamamra a souligné « la gravité extrême » de cet acte de « terrorisme d’Etat » « porteur de risques imminents pour la sécurité et la stabilité au Sahara Occidental et dans toute la région » et fait part de « la volonté et la capacité de l’Algérie d’assumer ses responsabilités en matière de protection de ses ressortissants ». Le même discours a été tenu à plusieurs ambassadeurs accrédités à Alger, reçu au siège du ministère.
Jusque-là, seul le porte-parole du secrétaire général de l’ONU a réagi dans son briefing quotidien, appelant au « dialogue pour s’assurer que ces tensions s’apaisent ».
La Minurso, chargée de surveiller le cessez-le-feu dans les territoires sahraouis, a dépêché des observateurs sur les lieux de l’attaque mais son porte-parole n’a pas souhaité divulguer les premières constatations, encore moins faire un commentaire sur la situation.
En outre, aucune des grandes puissances qui viennent de renouveler le mandat de la Minurso par une résolution adoptée le 29 octobre par le Conseil de sécurité de l’ONU, n’a réagi à ce qui se passe entre l’Algérie et le Maroc.
Le silence le plus énigmatique est celui des Etats arabes, d’habitude prompts à proposer leurs bons offices pour désamorcer les crises entres Etats de la région.
Lorsque l’Algérie a annoncé la rupture des relations diplomatiques avec son voisin le 24 août dernier, on a assisté à des appels à la retenue et même à des tentatives de médiation, émanant notamment de l’Arabie Saoudite et d’autre pays arabes.
Si leur réticence à condamner l’attaque du 1er novembre est compréhensible du fait de leur alignement franc sur les thèses du Maroc, leur silence total devant les tensions en cours ainsi que celui de l’Union africaine, le sont moins.