C’est à un déni de 67 ans qu’Emmanuel Macron a mis fin ce vendredi 1er novembre. Le président français a reconnu officiellement que le héros de la Guerre délibération nationale, Larbi Ben M’hidi, a été assassiné par des militaires français, tordant le cou définitivement à la version officielle qui soutenait jusque-là que Ben M’hidi s’était suicidé dans sa cellule après son arrestation par les parachutistes de l’armée française.
La reconnaissance survient symboliquement le jour même de la célébration du 70e anniversaire du déclenchement de la révolution algérienne le 1er novembre 1954.
Le président de la République “reconnaît ce jour que Larbi Ben M’hidi, héros national pour l’Algérie et l’un des six dirigeants du FLN qui lancèrent l’insurrection du 1er novembre 1954, a été assassiné par des militaires français placés sous le commandement du général Aussaresses”, indique un communiqué de l’Elysée rendu public ce vendredi.
Les aveux du général Paul Aussaresses
La vérité historique n’a toutefois pas attendu cette reconnaissance au plus haut niveau de l’Etat français pour être rétablie. Le général Aussaresses avait avoué publiquement en 2000 le meurtre du résistant algérien.
Larbi Ben M’hidi était l’un des principaux chefs du Front de libération nationale. Il fait partie des “six historiques” qui ont préparé le déclenchement la guerre de Libération. Arrêté en février 1957 pendant la Bataille d’Alger par les parachutistes du 3e RPC du colonel Bigeard, Ben M’hidi a été assassiné le 4 mars dans une ferme de la Mitidja. Son meurtre a été maquillé en suicide.
En 2000, le général Paul Aussaresses, commandant au moment des faits, a tout reconnu dans un entretien au Monde et dans son livre “services spéciaux Algérie 1955-1957”. Il a avoué que ce sont ses hommes qui ont pendu le héros algérien dans une ferme de la Mitidja, près d’Alger, appartenant à un colon. Aussaresses n’a jamais été jugé pour ce crime.
Avant lui, le colonel Bigeard avait rendu hommage au courage et à la bravoure de Ben M’hidi et avait assuré dans les années 1980 à Drifa Ben M’hidi que son frère ne s’était pas suicidé.
Après Audin et Boumendjel, Macron reconnaît que Larbi Ben M’hidi a été assassiné par l’armée française
Avant Ben M’hidi, Emmanuel Macron avait reconnu la responsabilité de l’armée française dans la mort de deux autres résistants algériens.
En septembre 2018, le président français avait reconnu que Maurice Audin est mort sous la torture des militaires français en juin 1957, toujours pendant la bataille d’Alger. En mars 2021, il en a fait de même pour la mort de l’avocat Ali Boumendjel, torturé et tué par l’armée française en mars 1957 à Alger.
La reconnaissance officielle de l’assassinat de Larbi Ben M’hidi était dans l’air depuis que l’historien Benjamin Stora, très proche du président Macron, a vendu la mèche fin septembre dernier. Stora avait révélé au journal Le point avoirinterpellé le chef de l’Etat sur une éventuelle reconnaissance de ce crime d’Etat et que Macron lui a répondu : “Nous verrons bien comment nous allons avancer”.
Ces multiples gestes d’Emmanuel Macron entrent dans le cadre de son initiative de réconciliation des mémoires de la colonisation et de la guerre d’Algérie et son entreprise de règlement du litige mémoriel avec l’Algérie.
Crise politique avec l’Algérie
En dépit de la nouvelle crise politique entre les deux pays qu’il a lui-même déclenchée par sa reconnaissance de “la marocanité” du Sahara occidental fin juillet dernier, le président français a réitéré, le 19 septembre, sa “détermination” à poursuivre le travail de “mémoire, de vérité et de réconciliation” sur le passé colonial de la France en Algérie, Macron s’exprimait à l’issue d’une rencontre avec les membres français de la commission mixte d’historiens “Histoire et mémoire”.
Selon l’AFP, Macron avait “appelé de ses vœux” à ce que le travail entamé puisse aboutir et que puissent être concrétisées les “propositions concrètes formulées”.
“La question de la mémoire a besoin d’un nouveau souffle de courage et d’intégrité pour se débarrasser du complexe du passé colonial et se tourner vers un avenir où il n’y a pas de place pour les semeurs de haine, parmi ceux qui restent prisonniers d’une pensée coloniale obsolète”, a rétorqué le 17 octobre dernier le président algérien Abdelmadjid Tebboune, en allusion à l’action néfaste de l’extrême-droite et des nostalgiques de l’Algérie française.