Économie

Assurances catastrophes naturelles : « Il y a des solutions alternatives »

De violents incendies ont frappé le nord-est de l’Algérie le mercredi 17 août, faisant 43 morts à El Tarf, Souk Ahras et Sétif. Des habitants de ces régions ont tout perdu. Ces feux de forêts relancent le débat sur la question de l’assurance contre les incendies et les catastrophes naturelles.

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Dans cet entretien,  Hassen Khelifati, vice-président de l’Union algérienne des sociétés d’assurance et de réassurance (UAR ) et PDG de la compagnie Alliance Assurances, plaide pour la mise en place de nouveaux mécanismes “plus objectifs et plus économiques” qui permettront de convaincre les Algériens de la nécessité de respecter le caractère obligatoire de l’assurance contre les effets des catastrophes naturelles (Cat-Nat).

Malgré son caractère obligatoire, l’assurance contre les effets des catastrophes naturelles (Cat-Nat) en Algérie est loin de couvrir tous les biens immobiliers détenus par les particuliers. Pourquoi cette assurance peine-t-elle à se généraliser ?

Il est vrai que cette assurance peine à se généraliser. C’est un constat que nous faisons chaque année. Cela est dû à plusieurs raisons, à commencer probablement par l’image de l’assureur chez le consommateur.

Le consommateur, de son côté, est conscient qu’en cas de catastrophe, l’Etat, dans le cadre de ses responsabilités juridiques et politiques, est de son côté et sera toujours présent. Cela s’est toujours vérifié. Il y a donc cette idée de pouvoir compter sur l’Etat.

Depuis des années, l’Union des assureurs algériens (UAR) propose au gouvernement d’adopter une autre approche, plus économique et plus objective, pour introduire la culture de l’assurance chez le consommateur, et instaurer une obligation de façon à ce que les personnes non assurées ne soient pas indemnisées, quel que soit la situation.

Mais cela doit se faire avec une triangulaire. Les assureurs doivent faire des efforts pour améliorer la qualité de leurs services, de leurs produits et de leurs tarifs.

L’État, de son côté,  pourra subventionner une partie de la prime d’assurance, tandis que l’assuré paiera une partie.

Cela permettra de ne pas solliciter le budget de l’Etat en cas de catastrophes naturelles. En cas de catastrophe, ce seront les assureurs qui enverront les experts pour évaluer l’ampleur des sinistres.

Mais il ne faudrait pas que cela crée de nouveaux monopoles pour les entreprises publiques. L’UAR voudrait que cela soit ouvert à toutes les compagnies, qu’il n’y ait pas de discrimination et que les compagnies publiques ne soient pas privilégiées.

Il y a d’autres méthodes que l’on pourrait tester en Algérie pour essayer d’optimiser et généraliser l’assurance des catastrophes naturelles.

En Algérie, peu de personnes sont assurées contre les incendies, les intempéries et les autres catastrophes naturelles, alors que ce sont des choses qui surviennent chaque année.

Le Premier ministre a annoncé l’année dernière que sur les quinze dernières années, cinq milliard de dollars ont été indemnisés sur le budget de l’Etat. L’Etat ne peut pas continuer à assumer des charges aussi lourdes et aussi imprévues chaque année.

Comment convaincre le citoyen algérien de l’intérêt d’assurer son bien et de souscrire à l’assurance Cat-Nat?

En changeant de mécanique, d’approche et en passant par la communication. A la première catastrophe, l’Algérien verra le changement. A titre d’exemple, l’année dernière, lorsqu’il y a eu les incendies en été,  l’agence de micro crédit s’est retrouvée avec un nombre impressionnant de crédits perdus qui n’étaient pas assurés.

En tant qu’union des assureurs, nous avons proposé de faire en sorte que chaque crédit, avant qu’il ne soit octroyé, ait une assurance systématique sur la période.

L’année dernière, les services de l’Etat n’avaient pas beaucoup de moyens pour vérifier la véracité des déclarations de ceux qui avaient déclaré avoir perdu leur capital crédit.

Nous avons proposé au ministère de la Solidarité d’adopter un nouveau système, mais cela n’a pas encore été fait. Il y a eu 1,07 million de crédits octroyés qui n’étaient pas assurés. C’est de l’argent public. Il faut trouver un moyen de le protéger.

Il faut convaincre le citoyen algérien par un nouveau dispositif. On ne peut pas le convaincre avec des campagnes de sensibilisation seulement, sans changer de méthode.

On ne peut pas reconduire les mêmes méthodes et s’attendre à de nouveaux résultats. En tant qu’union des assureurs, nous avons proposé des solutions alternatives.

A titre d’exemple, l’assurance agricole ne représente que 2 % du chiffre d’affaires du marché, alors qu’ailleurs, elle peut représenter jusqu’à 20 ou 30 %  du marché, parce que le système actuel n’est pas bon. Il y a quelque chose à changer.

Nous sommes disposés à proposer aux pouvoirs publics de nouveaux mécanismes. Cela prendra peut-être du temps, mais l’Etat peut se désengager petit à petit et laisser le système des assurances jouer son rôle de protection du patrimoine.

En cas de catastrophe, l’Etat interviendra dans les situations d’urgence, dans les premières heures, pour protéger la population, mais ce sont les mécaniques d’assurance qui interviendront ensuite pour l’indemnisation des populations, si le système de souscription change bien entendu.

Dans les incendies qui ont touché le nord du pays la semaine dernière, des citoyens ont tout perdu : maisons, élevages, vergers etc. Certains n’étaient pas assurés. Cela pose la question de leur indemnisation et la poursuite de leur activité qui représente leur principal gain de pain…

Ce n’est pas les assureurs qui vont intervenir, ou bien très peu. Les assureurs qui ont des contrats vont certainement les honorer et envoyer des experts pour évaluer les dégâts, selon les déclarations et les capitaux assurés.

Le Premier ministre a déclaré que les services de l’Etat, des wilayas et du ministère de l’Intérieur vont intervenir. Comme l’année passée, il y aura certainement des indemnisations en nature. Le problème de ce système est qu’il n’est pas basé sur des capitaux déjà connus. Il n’est pas satisfaisant pour tout le monde

L’Etat va intervenir avec différents mécanismes institutionnels pour indemniser, mais avec la méthode utilisée, il y aura toujours des indus bénéficiaires ou des mécontents.

Mais il faut souligner que l’Etat fait un effort colossal pour prendre en charge cela sur son budget. Il faut rendre hommage au président de la République et au Premier ministre pour avoir intervenu très rapidement pour rassurer et venir en aide à la population.

Ceci étant dit, cette situation nous interpelle sur la nécessité d’essayer d’autres méthodes qui ont donné des résultats ailleurs, telle que la subvention des assurances pour les agriculteurs et les petites bourses. C’est une méthode utilisée dans les pays les plus libéraux, comme le  Canada ou les Etats-Unis.

Dans un entretien à TSA au mois de juin dernier, vous avez mis l’accent sur l’impératif d’une profonde réforme du secteur des assurances. La concertation est-elle engagée avec les pouvoirs publics ?

Il y a eu des réunions au mois de juillet dernier avec le représentant du ministère des Finances et des représentants de l’UAR. Nous avons bien avancé.

D’ici le mois de septembre, nous allons finaliser le document et le remettre aux autorités publiques, pour qu’il soit  finalisé au niveau du SGG (secrétariat général du gouvernement) et être soumis au Conseil des ministres et au Parlement.

Nous avons avancé sur plusieurs points, notamment la nécessité d’une réforme de la régulation pour qu’elle soit indépendante, mais aussi sur la numérisation, et sur le volet de la vente à crédit de l’assurance.

Actuellement, il y a plusieurs points de consensus entre les différentes parties concernées, CNA (Conseil national des assurances), l’UAR et les représentants du ministère des Finances.

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