CONTRIBUTION. Les événements de ces derniers jours résument précisément la situation à laquelle fait face le peuple algérien. D’un côté, le parlement européen adopte une résolution qui, par complicité ou par ignorance, a rendu un service opportun au régime algérien. Puisque, ce dernier s’est tenu prêt à exploiter le spectre de l’ingérence étrangère pour tenter de mobiliser ses foules habituelles en faveur des élections présidentielles.
De l’autre côté, un ministre de la République insulte publiquement une partie du peuple avec des propos qui révèlent l’insalubrité des esprits de ceux qui nous gouvernent. L’avenir du peuple algérien se retrouve ainsi prisonnier entre des forces étrangères impatientes de maintenir le statu quo favorable à ses intérêts, et un régime obsolète dénué de toute décence ou intelligence.
L’intérêt des élections présidentielles pour le régime n’est pas de se créer une légitimité qu’il sait irréversiblement perdue. Leur intérêt est tout d’abord de servir de prétexte pour les puissances étrangères pour maintenir leur soutien au régime. Le second intérêt est d’essayer de projeter un sentiment de fatalité, une illusion de défaite au sein des manifestants, en faisant croire qu’il y a un avant et un après le 12 décembre 2019.
En vérité, l’élection du 12 décembre est un non-événement. Qu’elles se fassent ou pas, que le taux de participation officiel soit de 5 % ou enflé à 99 %, que le vainqueur déclaré soit issu du FLN or du RND, que le nouveau président se présente en héros en libérant les détenus d’opinion le lendemain de son élection, tout cela ne relève d’aucune importance pour le peuple. Le seul intérêt que ces élections ont pour le peuple algérien est de démontrer définitivement que le régime en place est incapable de faire partie de la solution, et que les forces patriotiques et les forces de la liberté doivent dorénavant poursuivre un agenda politique indépendant de celui du régime.
Alors que la crise politique focalise notre attention, il est profondément préoccupant d’observer le glissement progressif de l’Algérie vers une crise économique périlleuse. Il est naïf de croire qu’une élection forcée d’un président changera le cours actuel de l’économie algérienne. Les crises économiques ne sont généralement que le symptôme d’une grave crise de confiance, et par conséquent, elles ne peuvent être résolues sans l’adhésion du peuple. L’Algérie est dans une crise de gouvernance sans précédent, dont l’issue ne peut être que le changement du régime ou la faillite progressive de l’Etat par un gouvernement illégitime. Les exemples récents de tels destins sont abondants.
Le peuple algérien continue à remplir pleinement et admirablement son rôle en occupant pacifiquement l’espace public. Devant la nécessité de reprendre l’initiative politique, et au lieu de continuer à réagir aux annonces du régime, j’appelle les forces de la société civile et toutes les forces politiques patriotiques à poursuivre un agenda politique indépendant de celui du régime. J’associe aussi ma voix à tous ceux qui appellent à établir une plateforme présidentielle unificatrice, fondée sur les valeurs communes et les espérances partagées du peuple algérien, sans aucune orientation idéologique. Il y a un socle commun à tous les Algériens qu’ils soient laïques ou islamistes, conservateurs ou progressistes, libéraux ou socialistes. Ce minimum commun sera la feuille de route essentielle de toute structure ou personnalités amenés à diriger une période de transition démocratique vers une vraie première république souveraine et prospère.
L’élite algérienne où qu’elle se trouve est prête à aider à construire ce consensus et à mettre ses compétences au service du peuple. J’ai la ferme conviction que cette révolution politique, si elle continue dans sa persistance, son unité et son pacifisme, aboutira non seulement à la libération totale du peuple mais aussi mettra inexorablement l’Algérie dans la voie d’une révolution économique, scientifique et culturelle.
*Abdennour Abbas est Professeur à l’Université du Minnesota (USA)
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