La prison aménagée à la fin du 17e siècle sur les ruines d’une antique citadelle romaine a abrité l’un des détenus les plus célèbres de l’histoire de France. Il s’agit du Masque de fer, objet de nombreux films et romans, devenu sous la plume de Voltaire le symbole de l’absolutisme monarchique de Louis XIV.
En face de la très célèbre Croisette qui voit défiler chaque année les plus grandes stars du monde, le Fort Royal, se trouve sur l’Île Sainte-Marguerite, à 1,3 km de Cannes. L’île, quasiment inhabitée, attire néanmoins des dizaines de touristes tous les jours. Les plans installés un peu partout pour les guider signalent l’existence de « cimetières historiques », désigné pour l’un d’entre eux par un croissant vert.
Tout près du Fort Royal, au dessus des eaux turquoises de la mer où les visiteurs étalent leur nonchalance, et cachées sous une forêt de pins d’Alep et d’eucalyptus, se trouvent les deux nécropoles. Il y a un petit cimetière, fleuri bien encadré, avec de vraies stèles, dédié aux soldats morts à la guerre de Crimée. Le jouxtant et sans aucune protection, des centaines de tombes anonymes sous la forme de cercles de pierre, sur une surface d’un millier de M2.
A l’entrée, un petit panneau en trois langues (français, anglais allemand) explique: à partir de 1840, le Fort servit de résidence surveillée pour les insurgés capturés lors de la conquête de l’Algérie. Les plus nombreux furent les membres de la Smala d’Abdelkader prise en 1843.
Les prisonniers décédés pendant la détention sont enterrés dans ce cimetière.
La prise de la Smala s’était conclue par la captivité de nombreux fidèles de l’émir. Des centaines d’entre eux furent déportés par familles entières.
Sur les lieux, rien n’indique aujourd’hui un éventuel passage des autorités algériennes. Rien ne témoigne de leur intérêt pour ce lieu de mémoire.
Au milieu du cimetière, un détail curieux attire l’attention. C’est une stèle en pierre qui rend hommage « à nos frères musulmans pour la France ». De la simple ignorance? E tout cas, cela induit une erreur.
Au point qu’au début des années 2000 un militant franco-sénégalais, convaincu qu’il s’agissait de tirailleurs sénégalais enterrés sur le lieu avait entrepris des démarches. Il a dû attendre des années pour recevoir les explications du ministère de la Défense.
D’autres ont pensé à des mamelouks, soldats africains de l’armée napoléonienne. Aujourd’hui, des associations de harkis demandent à faire du cimetière « un lieu de recueillement et de mémoire ». Encore un péripétie dans la guerre des mémoires ?