La ville d’Al-Hoceïma, qui fut l’épicentre de plusieurs mois d’une contestation populaire dans le nord du Maroc, a commémoré sous haute surveillance ce week-end la mort tragique il y a un an d’un vendeur de poisson de 31 ans.
« Le mois (d’octobre) a été calme, mais il y a eu des contestations hier (samedi) dans le centre », a déclaré à l’AFP un commerçant de 45 ans, qui accepte de parler sous condition d’anonymat dans une ville très surveillée par les autorités.
Le 28 octobre 2016, la mort effroyable de Mouhcine Fikri –broyé dans une benne à ordures en tentant de récupérer sa marchandise confisquée par les autorités– avait suscité une indignation populaire profonde, suivie de plusieurs mois de manifestations.
Les contestataires dénonçaient la « marginalisation » de la région du Rif.
Une vague d’arrestations avait suivi tandis que les autorités promettaient parallèlement de relancer les projets de développement et sanctionnaient des responsables accusés d’avoir entravé certains projets.
« Les protestations sont moins importantes qu’avant », assure un commerçant d’Al-Hoceïma qui « ne sort plus » lui-même depuis plusieurs semaines.
– Escarmouches –
Samedi, dans cette ville balnéaire bouclée par les forces de l’ordre, le jour-anniversaire de la mort du vendeur de poissons a cependant été marqué par quelques escarmouches et arrestations.
Les partisans du mouvement de contestation « ont essayé de manifester mais la police les a empêchés de se rassembler », explique un jeune homme de 19 ans sous couvert d’anonymat.
Dimanche, le centre-ville était complètement calme et le dispositif des forces de l’ordre avait été allégé.
Le comité de soutien des prisonniers du Hirak –la mouvance, le nom donné localement au mouvement de contestation– avait appelé à manifester en mémoire de Mouhcine Fikri et pour la libération des détenus.
Entre 200 et 300 militants du Hirak ont été arrêtés ces derniers mois, selon les sources. Certains ont déjà été condamnés à de lourdes peines de prison, d’autres attendent leur procès.
Les autorités locales avaient interdit toutes les manifestations parce qu’elles « interviennent après le retour de la sécurité et de la quiétude dans la province », selon leur communiqué officiel. Elles ont aussi affirmé que les manifestations annoncées ne « respectaient pas les procédures légales ».
Vendredi, le père du vendeur de poisson avait aussi fait part de son « rejet catégorique de l’exploitation du décès de son fils à des fins suspectes », dans un communiqué relayé par l’agence de presse officielle marocaine MAP.
Sa déclaration était intervenue trois jours après la décision du roi du Maroc Mohammed VI de limoger plusieurs ministres et hauts responsables, après un rapport énumérant des « dysfonctionnements » dans le programme de développement destiné à Al-Hoceïma, un des motifs de colère des contestataires du Rif.
« Les choses ont l’air de s’arranger », estime Mohamed, 65 ans, quincailler et père de sept enfants qui veut « rester optimiste » et « voit le futur positivement ».
« Pour l’instant rien n’a changé: il nous faut des hôpitaux, du travail et la liberté », tempère un homme de 29 ans qui survit grâce à des petits boulots.
« Le limogeage des ministres est une bonne chose (…) Le futur dépendra du prochain gouvernement, soit ça s’arrange, soit ça empire », avertit pour sa part le jeune homme de 19 ans, qui contrairement à beaucoup à Al-Hoceïma est tout à fait prêt à parler « politique ». Mais sous couvert d’anonymat.