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Au Maroc, le secteur agricole est dévasté par la sécheresse

Au Maroc, le secteur agricole est dévasté par la sécheresse

Maroc Par M.studio-min
Sécheresse au Maroc

Pour la 6ème année consécutive, la sécheresse frappe le Maroc réduisant d’autant l’activité agricole et aggravant le chômage dans un secteur traditionnellement fortement employeur de main d’œuvre et qui représente un des piliers de l’économie du royaume.

La sécheresse n’est pas la seule cause, le modèle agricolemarocain qui est tourné vers l’exportation implique l’utilisation des rares ressources en eau du pays.

Cette sécheresse a eu un impact considérable sur les surfaces cultivées qui ont diminué à 2,5 millions d’hectares au lieu de 4 millions pour une saison normale. Cette baisse a lourdement impacté l’emploi dans le secteur agricole.

Au Maroc, le taux de chômage est passé de 12,9% à 13,7% au premier trimestre de 2024 par rapport à 2023, selon le Haut-commissariat marocain au plan (HCP). Durant la même période, 159.000 emplois ont été perdus, portant le nombre de chômeurs dans le royaume à 1,6 million sur une population de 37 millions.

« La situation du marché de travail continue de subir l’effet de la sécheresse », alerte le HCP. Plus de 300.000 emplois ont été perdus dans l’agriculture marocaine l’année passée.

Maroc : une politique agricole hydrovore 

Le Plan Maroc Vert (PMV) et le Generation Green 2023 qui a suivi privilégient l’exportation de fruits et légumes marocains vers l’Union Européenne (UE). Celle-ci s’en accommode d’autant plus que depuis longtemps le Maroc est le débouché naturel pour les céréales et oléagineux européens.

Cependant, la sécheresse est venue contrecarrer cette stratégie d’autant plus que la culture des fruits et légumes exportées vers l’UE requièrent de fortes quantités d’eau. 

À plusieurs reprises, les experts marocains dont Mohamed Tahar Sraïri ont dénoncé, dans la presse locale, une politique agricole grande consommatrice d’eau : « La promotion d’un modèle d’agriculture marchande, en grande partie destinée à l’exportation des biens de contre-saison, a reposé sur l’intensification de l’irrigation ».

Et de citer le développement de la culture d’agrumes dans des zones avec un niveau annuel de 200 mm de pluie quand les arbres ont besoin de 1.200 mm ce qui a nécessité « la mobilisation des eaux souterraines, d’autant que la fourniture d’eau à partir des barrages est très réduite » avec pour conséquences des nappes phréatiques « en grande partie épuisées ».

Cet expert s’étonne que dans le Gharb, où la pluviométrie n’est que de 600 mm, des avocatiers ayant besoin de 1.600 mm aient été plantés. Même constat avec la plantation de palmiers dattiers dans des régions ne recevant que 50 mm de pluie alors qu’ils nécessitent 1.200 mm.

Le cas de la culture de tomate illustre les conséquences de cette stratégie sur l’emploi agricole. Dans la région d’Agadir qui représente 85% de la production du pays de tomates, le niveau des nappes d’eau est au plus bas, ce qui a amené les autorités à recourir au dessalement de l’eau de mer.

Une eau dix fois plus chère que celle actuellement utilisée et dont l’utilisation laisse sceptique les maraichers alors qu’il en faut 200 litres pour produire un seul kilo de tomates.

La production de dattes est actuellement insuffisante pour couvrir la demande locale, aussi a-t-il été décidé la construction sur l’oued Guir du barrage de Kaddoussa à proximité de la frontière algéro-marocaine. La production attendue vise à créer jusqu’à 7.000 emplois et faire du Maroc un pays exportateur de dattes.

À l’occasion d’un bilan d’étape, l’Agence Française du Développement qui participe au financement du projet, s’inquiète cependant de la réalisation de cet objectif et insiste sur « la bonne gestion de la ressource en eau pour assurer son exploitation durable ».

Crise de l’emploi chez les producteurs d’oignons

Dans la région d’El Hadjeb et de celle de Fès-Meknès, principal bassin national de production de l’oignon, le marasme est grand. C’est une superficie de près de 12.000 hectares qui produit 62% de la production nationale qui est menacée par le manque d’eau.

Ce manque a grandement affecté les surfaces plantées en oignons et donc l’emploi. La demande en main d’œuvre habituellement employée au repiquage manuel des plants, à la récolte ou à la conservation traditionnelle des oignons en silos sur soubassement de pierres s’est tarie.

Habituellement, dès l’aube, camions et camionnettes emmènent vers les champs la main d’œuvre qui se rassemble sur la place des villages, une main d’œuvre en partie féminine.

La situation est identique dans les champs de blé où du fait de la sécheresse de nombreuses parcelles sinistrées dès le printemps ont dû être abandonnées aux moutons.

L’AFP rapporte le cas de Mustapha Loubaoui qui confie avoir parcouru 280 km depuis son douar de Dar Bel Amri, dans la province de Sidi Slimane, pour offrir les services de sa moissonneuse-batteuse mais sans succès. En cause le manque d’eau : « Le travail s’est raréfié à cause de la sécheresse », confie-t-il.

À Zaïou (Nodor), le manque d’eau est tel qu’il a entraîné le dessèchement des arbres fruitiers anéantissant l’activité agricole et l’emploi local. A chaque fois, c’est le revenu des familles rurales qui se trouve fragilisé.

Crise de l’emploi chez les producteurs de tomates cerise

La production de tomate cerise est une des productions qui emploie une part importante de main d’œuvre pour effeuiller les plants puis chaque jour récolter à la main des tomates de la taille d’une olive. Cette filière se trouve particulièrement impactée par le manque d’eau.

Une partie des grandes exploitations ont su s’adapter en adoptant la culture hors-sol au niveau de serres ultra-modernes avec récupération de l’eau d’irrigation en excès. En mai 2023 à Agadir Mohamed Sadiki, le ministre marocain de l’agriculture a exhorté la profession à aller dans ce sens. Une adaptation qui nécessite d’importants investissements.

L’augmentation du chômage au Maroc est également liée à la faiblesse du secteur industriel. Selon les déclarations en mai du ministre de l’Industrie, Ryad Mezzour, ce secteur ne crée  que 90.000 emplois annuellement quand 330.000 nouveaux demandeurs d’emploi arrivent annuellement sur le marché. « L’emploi est le point faible du système économique », a-t-il concédé.

Pour Mohamed Khachani, auteur d’une étude sur le phénomène migratoire au Maroc,  « émigrer dans l’imaginaire de la jeunesse marocaine est synonyme de délivrance ». 

Dans la continuité du PMV, le plan « Generation green » prévoit de doubler les exportations agricoles au mépris des réserves en eau et … de l’emploi agricole.

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