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Au procès du journaliste Saïd Chitour : « Il a été trahi par les forces de l’ordre »

Au procès du journaliste Saïd Chitour : « Il a été trahi par les forces de l’ordre »

C’est un procès sans témoins, ni partie civile et donc sans victimes, qui s’est tenu, ce dimanche 11 novembre, au tribunal de Dar El Beida. Dans le box des accusés, le journaliste-fixeur Hadj Said Chitour, accusé de « collecte d’informations au profit d’intérêts étrangers, dans le but de nuire à la sûreté nationale », il est incarcéré depuis 16 mois à la prison d’El Harrach.

Dans une salle clairsemée où beaucoup de confrères ont brillé par leur absence, le journaliste est apparu fatigué, amaigri. Depuis quelques jours, son état de santé s’est dégradé, avec l’apparition d’un kyste important, visible à l’arrière de la tête. « Ça s’est aggravé depuis sa détention », affirme son frère Mohand Ali, une casquette à la main, cherchant une occasion pour la lui remettre, en vain. « Je ne veux pas qu’on le voit avec cette tête », explique le frère au bord de l’épuisement.

Entouré de trois ténors du Barreau, Miloud Brahimi, Mustapha Bouchachi et Khaled Bourayou, Saïd Chitour, polo bleu, a réfuté toutes les accusations. Accusé d’avoir transmis des informations à des puissances étrangères ? « Je n’ai fait que reprendre des articles déjà parus dans des quotidiens, que je traduisais en anglais. Je n’avais ni scoop, ni exclusivités. Mes infos, je les obtenais par la presse », se défend-il. Ses relations de travail ? « Ce n’était qu’une mise en relations d’affaires, rien de plus », affirme-t-il. « J’ai toujours informé les services de sécurité de mes déplacements et de mes rencontres, car j’ai toujours porté l’intérêt du pays au-dessus de tout », balance Saïd Chitour dans un grand silence.

Le représentant du ministère public demande une peine de cinq ans de prison contre le journaliste. Mais l’accusation d’espionnage est par la suite démontée par Me Miloud Brahimi. « S’il s’agissait d’une affaire d’espionnage, comment se fait-il que l’État n’a pas expulsé ceux qui étaient en contact avec mon client, comme cela est le cas dans ce genre d’affaire ? », s’est exclamé l’avocat. « Quelles sont ces informations qui peuvent justifier cette accusation et qui touchent aux intérêts du pays ? », demande encore Me Brahimi. Pour lui, l’autre victime dans cette affaire est la justice algérienne qui « ne sort pas grandie par ce procès ».

« Il a été trahi par les forces de l’ordre », accuse son autre défenseur, Me Khaled Bourayou, au bord des larmes et voix chevrotante lors de sa plaidoirie. « La justice doit être au service du justifiable et non pas au service de l’État », affirme-t-il avant de laisser Me Mustapha Bouchachi donner l’estocade. « Est-ce les plans de l’ANP ou de ceux des réserves du gaz de schiste que mon client a transmis ? », se demande le troisième défenseur de Saïd Chitour. « Va-t-on jeter en prison tous ceux qui ont des relations avec des étrangers ? », tonne l’avocat, avant que le président du tribunal ne lève l’audience pour délibérer.

Pour les avocats, la remise en liberté est pratiquement acquise, après la peine réclamée par le procureur. « Ils vont le condamner à une peine avec sursis », parie Me Miloud Brahimi. « Ils l’ont détruit, maintenant il faut qu’ils le laissent se soigner », juge Me Khaled Bourayou.

50 minutes plus tard, le verdict tombe : 16 mois ferme et une année avec sursis. Dans la salle, c’est l’explosion de joie de la famille, mais les avocats font grise mine et annoncent vouloir faire appel de la décision. « On considère que les faits reprochés ne constituent pas un délit criminel », affirme Me Bouchachi. « L’essentiel c’est qu’il dort avec nous ce soir, pour le reste on verra plus tard », résume la sœur du journaliste qui a tout  juste le temps d’échanger quelques mots avec son frère alors qu’il est escorté par des policiers à l’extérieur du tribunal. Mohand Ali, le jeune frère, regard hagard, s’approche d’un groupe pour savoir ce qui se passe. « Ton frère est libre », lui répond un journaliste.

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