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Au Québec, l’immigration fait débat malgré la pénurie de main-d’oeuvre

Au Québec, l’immigration fait débat malgré la pénurie de main-d’oeuvre

L’immigration a occupé une place centrale dans la campagne pour les législatives au Québec, au moment où la seule province majoritairement francophone du Canada connaît une pénurie de main-d’oeuvre.

Toujours en tête dans les sondages à quelques jours du scrutin de lundi, le chef du troisième parti de la province, François Legault, de la Coalition Avenir Québec (CAQ, droite), a imposé le thème, l’associant à la défense de l’identité québécoise.

Dénonçant « l’échec » du Parti libéral du Premier ministre sortant Philippe Couillard dans « l’intégration » et la « francisation » des immigrants au Québec, M. Legault a promis de réduire « temporairement » de plus 20% leur nombre à partir de 2019.

Il s’engage aussi à faire passer des tests de « valeurs québécoises » et de français aux immigrés après trois ans de séjour dans la province, sous peine de les « expulser » en cas d’échec.

Accusé par le Premier ministre de faire « peur » aux Québécois et d’être « prêt à briser des familles », M. Legault a en partie fait volte-face, assurant qu' »il n’est pas question d’expulser » qui que ce soit.

Depuis 2015, le Québec a accueilli chaque année environ 50.000 immigrants et réfugiés, qu’il sélectionne pour près des deux tiers, en vertu d’un accord avec le gouvernement fédéral canadien.

Or le pourcentage des immigrants économiques connaissant le français à leur arrivée au Québec est passé de 56% en 2015 à seulement 42% en 2017, selon une étude récente de l’Institut du Québec. Et certains mettent en cause « le manque de volonté politique » du gouvernement en la matière.

« Si ces gens-là n’apprennent pas le français (…) quand ils arrivent, et qu’ils s’installent tous à Montréal, il y a un risque », a averti M. Legault, disant craindre « que nos petits-enfants ne parlent plus français ».

Des propos jugés alarmistes par des commentateurs qui soulignent que 100% des enfants des immigrants sont scolarisés en français. Mais des propos qui traduisent la hantise de l’assimilation linguistique chez une bonne partie des francophones dans une Amérique du Nord anglo-saxonne.

– Situation économique enviable –

Premier parti d’opposition, le Parti Québécois (PQ) propose de son côté de limiter l’immigration aux seuls candidats qui parlent français ou auraient commencé à apprendre cette langue avant d’arriver au Québec, quitte à les y aider financièrement.

Les milieux économiques, particulièrement les PME des régions en périphérie des grands centres, redoutent toute réduction des seuils d’immigration, sur laquelle ils comptent pour combler une partie des quelque 100.000 postes de travail à pourvoir dans tout le Québec.

Le Québec connaît une situation économique enviable avec un taux de chômage de 5,6% — et  pratiquement inexistant dans plusieurs régions — en raison de l’exode des jeunes vers les grands centres et du vieillissement accéléré de la population.

Ce débat a permis au Premier ministre libéral de remettre sa campagne en selle et de revenir au coude-à-coude avec la CAQ dans les sondages, au moment où l’électorat, exaspéré par les ratés du système de santé et d’autres problèmes, semble enclin au changement après 15 années quasi-ininterrompues de pouvoir libéral.

Les Québécois sont divisés sur la question de l’immigration, 48% la considérant comme un atout, contre 38% qui y voient plutôt un problème, selon un sondage récent de l’institut Léger pour le HuffPost.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump en janvier 2017, plus de 35.000 migrants ont fui les Etats-Unis en franchissant illégalement la frontière avec le Canada, le Québec accueillant la majorité d’entre eux.

Les partis se servent de ce débat « comme d’un instrument » pour « attirer une clientèle électorale de leur côté », dit à l’AFP Yves Carrière, démographe à l’université de Montréal.

Pendant « qu’on parle de francisation et de pénurie de main-d’oeuvre, on n’est pas en train de parler d’intégration des immigrants », déplore Marie-Thérèse Chicha, professeur de relations industrielles à l’université de Montréal, pointant la non reconnaissance des diplômes des étrangers déjà installés au Québec qui sont forcés d’occuper des emplois sous-payés pour lesquels ils sont surqualifiés.

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