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Au Venezuela, le système-D face au manque d’argent liquide

Au Venezuela, le système-D face au manque d’argent liquide

Le moteur de la barque s’arrête. D’une glacière bleue, Nancy sort son terminal de paiement et des cartes de crédit: cette restauratrice vénézuélienne vient de trouver du réseau en pleine mer pour facturer poissons et bières à ses clients.

A Chichiriviche de la Costa, village de la côte qui vit du tourisme, à 70 kms de Caracas, on fait face à la pénurie de liquidité, véritable casse-tête pour les Vénézuéliens.

Quatre fois par jour, Nancy Rodriguez, 43 ans, est obligé de prendre sa barque pour atteindre une zone située à 2 kms de la côte, où l’on capte le réseau téléphonique Catia La Mar, ville située à quelque 35 kms.

Une fois sur place, pas de temps à perdre: avec célérité, elle rentre le numéro de carte d’identité, le montant et -chose impensable ailleurs- compose le code secret de chacun de ses clients. Tout est noté sur des petits bouts de papier qui enveloppent une douzaine de cartes de paiement.

« Certains se méfient, d’autres non. Ceux qui ont faim doivent nous faire confiance », raconte tout sourire à l’AFP cette métisse aux formes arrondies.

Le Venezuela, pays aux plus grandes réserves pétrolières de la planète, est confronté à une pénurie généralisée, des aliments aux médicaments en passant par les matières premières ou les pièces détachées.

Les billets aussi font terriblement défaut: les Vénézuéliens doivent faire de longues files d’attente et courir les distributeurs, qui n’autorisent à retirer que  10.000 bolivars par jour, soit le prix d’un paquet de gâteaux dans une économie à l’inflation galopante. La hausse des prix est attendue à 2.350% en 2018, selon le FMI.

Dans cette bataille contre le manque de liquidité, le « punto » (point), comme est surnommé le terminal de paiement, est le meilleur allié pour commerçants et consommateurs. Mais ces derniers temps, à Chichiriviche, les choses se sont corsées.

– ‘C’est infernal!’ –

Depuis le mois d’août, il n’y a plus d’internet dans le village car, disent les habitants, des câbles et des composants de l’antenne située sur les hauteurs ont été dérobés.

L’alternative à la virée en mer est de grimper sur la colline, à moto ou en voiture, pour capter le réseau de Catia La Mar.

« On espère que la situation va changer, car ce n’est pas tenable », se plaint Maria Victoria Garcia, propriétaire d’un des centres de plongé du village.

Installée depuis 2008, elle accueillait jusqu’à 500 plongeurs par week-end. « Actuellement, ça tourne autour d’une centaine », regrette-t-elle.

A l’instar des autres commerçants, elle est obligée de faire confiance à ses clients. Nombre d’entre eux paient par virement bancaire en rentrant chez eux.

La plupart des habitants n’ayant pas de compte bancaire, Mme Garcia doit, pour payer ses quatre employés, verser des commissions de 15% à des particuliers qui lui échangent au noir une montagne de billets contre un virement bancaire.

A l’image de Nancy la restauratrice, Pedro Vielma, qui tient l’auberge La Quilla, utilise le peu de liquide dont il dispose pour payer les pécheurs. Il peut ainsi donner à dîner à ses quelques pensionnaires. « La roue est bloquée », juge-t-il.

Gilet fluo et sifflet autour du cou, « Hojilla », qui surveille les voitures sur la plage, se dit affecté également: « Ils m’ont tous dit aujourd’hui: +on n’a plus de liquide+ ».

« On me donne parfois une bière, une cigarette ou un sandwich », raconte à l’AFP cet homme de 49 ans, qui ne perd pas son sourire.

Les clients souffrent aussi des conséquences de cette pénurie. « Viens avec moi, tu vas comprendre », lance Nancy à Isaac Reyes, un commerçant de Caracas de 36 ans, qui peste après avoir attendu une heure pour payer ses bières.

« Merde, c’est infernal (ce système)! Je suis venu de Caracas pour me reposer, sans téléphone, ni internet, mais avec tout ça, le stress revient », se plaint-il.

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