Auditionné, mercredi 13 mars, par une commission d’enquête parlementaire sur l’octroi des fréquences des chaînes TNT, le milliardaire français Vincent Bolloré a répondu aux accusations de racisme antimusulman.
Les députés n’ont pas manqué d’interpeller l’homme d’affaires breton sur les contenus et l’orientation idéologique de certaines chaînes de télévision qu’il contrôle. Les réactions suscitées par ses propos laissent déduire que sur les accusations de racisme antimusulman, Bolloré s’est mal défendu.
Si les parlementaires ont soulevé la question, ce n’est pas sans raison. Sur les chaînes contrôlées par Vincent Bolloré, notamment CNews, sévissent de nombreuses voix au discours ouvertement raciste, xénophobe et anti-musulman.
« Ce n’est pas moi qui ai mis Éric Zemmour à l’antenne », s’est défendu d’emblée l’homme d’affaires, expliquant qu’à l’époque, tout le monde voulait faire venir le polémiste d’extrême-droite, car « c’était quelqu’un qui vendait des centaines de milliers de livres et qui était recherché par toutes les chaînes ».
« J’ai déjeuné avec lui et j’ai vu que c’était quelqu’un qui avait des idées très claires et compréhensibles pour les gens de la télévision », a tout juste concédé celui qui contrôle également le bouquet Canal+, C8 et CStar ainsi que de nombreux journaux.
Se définissant comme un « chrétien démocrate », Vincent Bolloré a assuré qu’il n’a « aucun projet idéologique ».
Aux soupçons de racisme antimusulmans, il a rétorqué en rappelant sa « proximité » avec la famille royale marocaine, passant à côté du véritable sujet qui est les excès des journalistes et des chroniqueurs passés et actuels de ses médias.
Au milieu des années 1950, raconte-t-il, le roi du Maroc Mohammed V, « commandeur des croyants et descendant du Prophète », qui a été exilé par la France qui occupait le royaume, « ne savait pas où aller ».
Vincent Bolloré : son argumentaire ne passe pas auprès de la diaspora algérienne de France
« Il est venu chez nous, il a habité dans notre propriété de Garches Vaucresson en novembre 1955, et nous sommes restés extrêmement amis avec cette famille et ce descendant du Prophète, puis son fils et maintenant le fils de son fils qui est sur le trône », a assuré le milliardaire.
Sur les réseaux sociaux, la réponse de Bolloré ne passe pas auprès d’une partie de la classe politique et de la diaspora algérienne en France.
Pour beaucoup de Franco-Algériens, cette rengaine est vieille comme le racisme lui-même. Elle est comparable à la formule éculée « j’ai des amis noirs, donc je ne suis pas raciste » ou encore « je ne suis pas raciste parce que je mange du couscous ».
« On est à ce niveau-là encore ? Tout le monde le voit et le dit, mais impossible de l’assumer », a réagi sur LinkedIn l’entrepreneur franco-algérien, Raibed Tahri.
« Pas une micro seconde de croire cet homme », écrit Fathi Bouchareb sur le même réseau social.
Pour Imad Hadj, l’argumentaire de Vincent Bolloré est « bidon à l’image de ses chaînes de télévision » et « montre le niveau intellectuel et la bassesse d’esprit de ce colonialiste à la mise d’époque ».
« Ce propos n’a rien à faire dans une commission d’enquête parlementaire », a jugé pour sa part le chroniqueur et élu local Amine Saha sur X, estimant que « cet homme est en roue libre totale et semble jouir d’un sentiment d’impunité qui interroge ».
La journaliste et écrivaine Nora Bouazzouni dit hésiter entre « rire, pleurer et tout cramer » en entendant ces propos, tandis que Saïd Boudil ironise en rappelant aux Marocains et aux musulmans qu’ils ont « une dette envers la famille Bolloré ».
Shéhérazade Saber, de SOS racisme, n’hésite pas à qualifier le milliardaire de « Nadine Morano version 2023, en plus masculin ». Un avis que partage le député de gauche, François Ruffin, pour qui Vincent Bolloré est le « Nadine Morano des riches », en référence aux incohérences de l’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy.
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