La crise économique que connait l’Algérie commence à avoir des effets sur les produits disponibles à la consommation. Certains sont introuvables quand d’autres ont vu leur prix monter en flèche alors que le pouvoir d’achat des ménages diminue. Avant la mise en place de la planche à billets et ses conséquences néfastes sur les prix, la crise est déjà là.
Dépréciation du dinar et restrictions sur les importations
La baisse de la valeur du dinar couplée aux restrictions sur les importations impacte l’économie algérienne. Ces trois derniers mois, l’euro s’est apprécié de 8,90% par rapport à la monnaie nationale alors que le dollar, qui était jusque-là stable, gagne 2,90% (taux officiels). Sur le marché noir des devises, la dégringolade du dinar face à l’euro et au dollar ne s’arrête pas. La tendance devrait persister avec le mécanisme de la planche à billets que le gouvernement s’apprête à mettre en place.
Pour les consommateurs, la baisse de la valeur du dinar se traduit notamment par une augmentation des prix des biens importés. D’ailleurs, les autorités ont décidé de limiter les importations en imposant des restrictions sur certains produits afin de baisser la facture des importations et limiter les dépenses en devises.
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Hausse des prix à la consommation
Selon l’Office national des statistiques (ONS), la croissance des prix à la consommation s’est établie à 4,1% entre les mois de juin 2016 et 2017 avec un rythme d’inflation annuel situé à 6,5% alors que dans sa loi de Finances 2017, le gouvernement prévoyait un taux de 4%.
En mars déjà, une étude relative aux prix à la consommation des produits alimentaires effectuée par le ministère du Commerce révélait que la tendance était à la hausse comparée à mars 2016.
Parmi les produits touchés, on retrouvait notamment l’ail et les pommes d’importations ainsi que la fameuse banane… Lorsqu’ils sont disponibles sur les étals, les prix de ces produits sont exorbitants même s’ils sont produits localement, ce qui est le cas pour la pomme. En cause ? Les spéculateurs qui en profitent pour stocker certains fruits et légumes afin de les revendre plus chers. Une situation que dénonce Mustapha Zebdi, président de l’Association algérienne de la protection du consommateur (Apoce).
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« Nous avons un marché irrégulier qui n’est pas seulement soumis à la loi de l’offre et de la demande. Tant qu’il n’y a pas de traçabilité des produits, la mise en place du décret sur le bon de transaction commerciale et de marchés de proximité, alors ce problème persistera et personne ne pourra donner des prévisions sur la fluctuation des prix des produits », indique-t-il.
Un gérant d’une grande superette d’Alger-Centre confirme qu’il a dû revoir les prix à la hausse à cause de la spéculation. « Il y a eu un dire comme quoi ils allaient arrêter l’importation des produits, comme la biscuiterie et la chocolaterie par exemple. Les importateurs ont tout de suite saisi cette opportunité pour augmenter les prix. Le marché est perturbé et dès qu’il y a une augmentation ou une rumeur quelconque sur n’importe quel produit, alors tous les prix augmentent. Le consommateur n’est pas content du tout car au final c’est lui qui paie les frais ».
Il détaille ensuite : « Nous, par exemple, nous avons l’habitude d’acheter un produit à 100 dinars, aujourd’hui avec les rumeurs sur les importations, nous le payons à 120 dinars. On ajoute notre marge et il arrive à 135 dinars sur les étals. Tout cela c’est purement de la spéculation ». Selon lui, tant que les intermédiaires ne seront pas supprimés, le consommateur continuera à en payer les conséquences.
Idem chez les vendeurs de cosmétiques qui ont augmenté les tarifs de certains produits, surtout les shampoings d’importation, de 20 à 30 dinars l’unité. Pour eux, le problème ne vient pas tant de la pénurie mais plutôt des grossistes chez qui ils s’approvisionnent. Pour l’heure, les stocks permettent encore d’amortir le choc et de tenir quelques mois, nous dira aussi un marchand de meubles d’importation qui affirme que ses prix n’ont pas augmenté puisqu’il a encore des produits à écouler.
Production automobile et textile
Ces dernières années, le marché de l’automobile algérien a connu beaucoup de remous avec des quotas sur les importations suite à la mise en place de licences. L’État mise sur le développement de la filière en Algérie avec, depuis 2014, l’installation de plusieurs constructeurs dans le pays. Sauf que le taux d’intégration actuel et la faiblesse de la production ne permettent pas encore de faire baisser le prix des véhicules. La baisse de l’offre couplée à une demande forte a induit une forte hausse des prix des véhicules de tous les modèles.
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Dans le domaine du textile, des produits de base manquent également. Ce qui impacte l’activité des industriels du secteur. « Il y a deux jours, nous avons reçu une réclamation d’un producteur de tapis. La matière première est interdite d’accès et il risque de fermer son usine et de laisser 400 familles sans entrées d’argent. Il faut revoir ces interdictions selon la nécessité et la disponibilité. Nous jugeons qu’il y a eu une certaine précipitation dans l’établissement des listes d’interdiction d’importation », estime Mustapha Zebdi.
Échelonner les subventions
Plusieurs économistes s’accordent pour dire que les subventions énormes sur l’énergie (gaz, électricité, carburant) sont néfastes pour les finances du pays. D’autant plus que cette politique est inégalitaire car elle bénéficie plus aux riches qu’aux pauvres.
« Les couches défavorisées vont continuer à payer le prix subventionné mais les riches doivent payer le juste prix », déclarait à la fin du mois d’août, Mustapaha Guitouni, ministre de l’Énergie ajoutant que « pour le moment, il n’y a aucune décision concernant l’augmentation du prix de l’électricité ou de l’énergie en général ».
Des paroles qui ne sont pas suivies de mesures concrètes. Voilà justement ce que reproche Mustapha Zebdi aux responsables politiques successifs.
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« Il y a une nécessité économique et sociale à revoir le système de subventions. Nous sommes pour la subvention directe de familles et non la subvention de produits mais cela nécessite un travail de fond qui peut s’étaler sur deux ans. Le travail qui doit se faire au préalable n’est pas encore entamé. Le premier consiste à identifier ces familles nécessiteuses car aujourd’hui chaque département ministériel a sa propre liste. Ensuite, il faudrait une grille de subvention de manière à garder l’équilibre sociale », suggère le président de l’Apoce. C’est une étude qui doit se faire sur le terrain mais malheureusement, on ne sent pas qu’il y a une volonté de réorienter les subventions, juste des paroles et des promesses ».