Les accidents se multiplient sur l’autoroute Est-Ouest. Mardi, un violent accident impliquant deux camions a eu lieu à l’entrée est d’Alger au niveau du chantier interminable de Khemis el Khechna, un endroit devenu trop dangereux pour la circulation automobile.
La circulation a été bloquée sur les deux sens pendant plus de deux heures.
Des scènes de camions ou de voitures complètement cabossés gisant sur la chaussée de cette autoroute sont devenues fréquentes.
Les accidents sont souvent violents et meurtriers. Sur la page Facebook de la Gendarmerie nationale (Tariki), les comptes rendus d’accidents font froid dans le dos.
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L’Algérie a l’un des taux d’accidents de la route les plus élevés au monde, proportionnellement à la taille de sa population et de son parc automobile.
La réalisation de nombreuses nouvelles infrastructures routières dans les années 2000 n’a pas trop changé la donne et le nombre de personnes tuées chaque année sur les routes demeure toujours excessif.
Pendant des décennies, la RN 5, reliant Alger à l’est du pays, était considérée comme l’un des axes les plus meurtriers d’Algérie. Longue de près de 500 kilomètres, cette route dessert 7 wilayas dont certaines sont parmi les plus peuplées du pays (Alger, Boumerdes, Bouira, Bordj Bou Arreridj, Sétif, Mila et Constantine).
De nombreux tronçons de la route passent par des reliefs montagneux et accidentés, comme le passage étroit des gorges de Lakhdaria, et la circulation y est très dense à longueur d’année.
Le lancement du chantier de l’autoroute est-ouest en 2006 avait comme objectifs, outre de fluidifier le trafic routier et de booster l’activité économique, celui de réduire le nombre d’accidents sur tout le territoire national, notamment sur cet axe névralgique.
Les tronçons ont commencé à être livrés dès la même année et il ne reste aujourd’hui que moins d’une centaine de kilomètres à réaliser à l’extrême-est (entre Drean et la frontière tunisienne).
Partant de la frontière marocaine à l’ouest, l’autoroute a pris la forme d’une gigantesque veine qui intrigue tout le pays. Elle est longue de 1216 kilomètres (itinéraire principal), et de plus de 1700 kilomètres en comptant les bretelles et les pénétrantes qui la relient aux principales villes du Nord, notamment celles situées sur la côte de la Méditerranée.
L’Algérie s’est parallèlement dotée d’une autoroute Nord-Sud qui n’est pas encore totalement achevée mais qui dessert déjà de nombreuses villes des haut-plateaux et du sud.
Au vu de sa taille et des fonds qu’elle a nécessités, l’autoroute Est-Ouest est considérée comme l’un des plus grands ouvrages de travaux publics de l’histoire.
Qu’en est-il de ses retombées 15 ans après la livraison du tout premier tronçon ? Concernant la fluidification du trafic routier, l’effet est indéniable. Le parc automobile national a explosé à partir de la fin des années 2000 (environ 6 millions de véhicules aujourd’hui) et si l’Algérie avait gardé la même infrastructure routière des années 1990, la situation serait catastrophique.
On peut aujourd’hui rallier Oran ou Constantine à partir d’Alger en 3 ou 4 heures. Pour l’activité économique, elle ne dépend pas que de la qualité du réseau routier mais de l’environnement général (politique, législation, attractivité du climat des affaires…).
Quant à l’objectif de réduire le nombre des accidents et la mortalité sur les routes, il est difficile d’avancer qu’il a été totalement atteint. Pendant de longues années, l’Algérie est restée à peu près au même niveau en nombre de tués (environ 3500) que la France qui dispose d’un parc automobile cinq fois plus important.
Le casse-tête des poids-lourds
En 2020, il y a eu une nette baisse avec moins de 3000 morts (2844) sur les routes algériennes. C’est le bilan le moins meurtrier depuis des années. Plusieurs facteurs ont contribué à cette baisse, une législation plus ferme, la qualité technique des véhicules et sans doute l’ouverture de plus de tronçons autoroutiers.
En l’absence de statistiques affinées concernant la répartition des accidents entre les différentes catégories de routes, il est difficile d’évaluer la part des autoroutes dans l’accalmie constatée en 2020.
Des comptes rendus des médias et communiqués des services de sécurité, il ressort que les accidents les plus meurtriers impliquant notamment les bus de transport de voyageurs ont souvent lieu en dehors des autoroutes, principalement sur les routes du Sud.
Mais il n’en reste pas moins qu’un nombre élevé d’accidents, continu à être enregistré sur les autoroutes algériennes. Là aussi, il n’y a pas de statistiques mais on le constate à travers les différents comptes rendus et les pages spécialisées sur les réseaux sociaux.
La fréquence des accidents signalés est plus importante dans la partie est de l’autoroute Est-Ouest, entre Alger et Constantine, c’est-à-dire le tronçon réalisé pour remplacer la très meurtrière RN 5.
Souvent, des poids-lourds sont en cause. Des points noirs sont identifiés, notamment sur les territoires des wilayas de Boumerdes et de Bouira. Les accidents impliquant des camions de gros tonnage sont fréquents aux sorties des tunnels de Bouzegza et sur tout le tronçon Djebahia-Bouira, l’un des tout premiers à être livré (2006). Défectueux depuis de longues années, à cause de la nature du sol, de la forte circulation des poids-lourds et sans doute de la qualité des travaux, les chantiers sur cet axe sont interminables.
À Khemis el Khechna, c’est un autre chantier qui s’éternise, celui de la réalisation de la station de péage de l’autoroute, avec des ralentisseurs qui prennent de court les automobilistes. Le blocage de l’autoroute à cause de graves accidents est quasi quotidien, parfois sur plus d’un endroit au même moment.
Comme toutes les routes algériennes, cette partie de l’autoroute Est-Ouest n’est pas épargnée par les comportements négatifs notamment des chauffeurs de poids-lourds et un déficit de signalisation horizontale et verticale, en plus de la mauvaise qualité de la chaussée. Les voitures qui zigzaguent, des poids-lourds et des bus qui foncent à toute vitesse rendent l’autoroute dangereuse pour les usagers.
La nature accidentée du relief, avec côtes et virages, et la très forte fréquentation notamment par les camions de transports de marchandises, ont rendu la circulation sur ce tronçon plus problématique et plus dangereuse. À l’ouest, mis à part le tronçon entre Alger et Ain Defla, les choses semblent mieux se passer.
Fin octobre, le ministre des Travaux publics Kamel Nasri a reconnu que l’autoroute Est-Ouest est devenue un « danger » pour les automobilistes en raison de la circulation excessive et des poids-lourds surchargés. Il a indiqué que l’autoroute, qui a été conçue pour un trafic de 100.000 véhicules par jour, supporte le double.