La campagne de semis des céréales fait l’objet d’intenses préparatifs en Algérie. L’objectif est d’emblaver 3,7 millions d’hectares de céréales en cette campagne contre 1,8 million d’hectares en moyenne ces dernières années, pour produire plus de 1,6 million de tonnes de blé dur et réaliser l’autosuffisance.
Si les dernières pluies devraient favoriser la réalisation des labours, le projet reste dépendant du risque de sécheresse en novembre.
Selon l’agence APS, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Youcef Cherfa, a appelé, mardi à Alger, les acteurs du secteur à une mobilisation totale pour la réussite de cet objectif.
Autosuffisance en blé dur : le gouvernement lance la machine
Il s’agit en fait de concrétiser l’un des engagements pris par le président Abdelmadjid Tebboune pour son second mandat qui est celui de réaliser l’autosuffisance en blé dur dès 2025.
Un engagement qu’il a pris durant la campagne électorale pour les présidentielles du 7 septembre et qu’il a répété lors de la prestation de serment après la proclamation de sa victoire par la Cour constitutionnelle.
À l’occasion d’une rencontre nationale avec les représentants de la filière le ministre a indiqué que « toutes les conditions sont réunies pour le lancement, sur de bonnes bases, de la nouvelle saison agricole, à travers laquelle nous comptons produire 1,645 million de tonnes de blé dur, conformément aux orientations du président de la République et de son engagement à atteindre l’autosuffisance en blé dur et à ne plus recourir à son importation à compter de 2025 ».
Il est prévu de semer 1,17 million d’hectares en orge ce qui devrait « assurer une production locale d’orge répondant aux besoins nationaux pour ne plus recourir à son importation à compter de 2026 »
Le ministre a indiqué que 4,2 millions de quintaux de semences certifiées devraient être mises à la disposition des agriculteurs.
Lors de cette rencontre quatre ateliers ont été consacrés « au financement de la campagne labours-semailles, à l’assurance agricole, aux semences, aux engrais et à la fertilisation technique, et aux méthodes d’irrigation », selon la même source.
Préparation dès l’été
Dès le mois d’août, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural a organisé une première réunion afin de s’assurer des disponibilités en semences pour la prochaine campagne de semis.
Ce qui permet aujourd’hui que dans les Coopératives de Céréales et de Légumes Secs (CCLS) les agriculteurs puissent commencer à retirer des lots de semences.
Le fait nouveau concerne la participation de l’agriculture saharienne à la fourniture de semences. Cela a été notamment le cas en 2023 lorsque les régions céréalières du nord de l’Algérie ont connu une sécheresse mémorable puis en 2024 dans le cas de la région ouest.
Les agriculteurs affectés par la sécheresse avaient alors pu bénéficier de semences gratuites et d’engrais de la part de l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) ainsi que d’un report d’échéances pour rembourser leur prêt de campagne.
Une situation qui s’était traduite par un afflux de demandes et avait entraîné une tension sur le marché des semences certifiées.
Ce type de semences usinées à partir des stations de traitement installées au niveau des CCLS sont aujourd’hui très recherchées du fait de leur qualité. Ces dernières années, l’OAIC a investi dans du matériel moderne de tri et de traitement de semences.
Par ailleurs, le Centre National de Contrôle et de Certification (CNCC) est aujourd’hui unanimement reconnu en Algérie pour son sérieux dans le contrôle exercé en la matière.
Seules interrogations, celles de quelques agriculteurs se demandant si les semences produites au sud peuvent être semées au nord ou celles de représentants de firmes de produits phytosanitaires se demandant si les CCLS utilisent les produits les plus efficaces en matière de protection des semences. Ces derniers arguant que les semis peuvent connaître des pertes pouvant atteindre 20% si les semences sont insuffisamment protégées.
Aux côtés des CCLS, la société Axium basée à Constantine propose également des semences de variétés à haut rendement dont certaines d’origine italienne.
Risque de sécheresse automnale
À travers l’accès au crédit de campagne, c’est la rentabilité de la culture des céréales qui est en jeu. Dans la région céréalière de Constantine, les agriculteurs indiquent que pour payer leurs charges, un rendement minimum de 22 quintaux est nécessaire. Un niveau parfois difficilement atteint lors du manque de pluie.
Face aux risques récurrents de sécheresse, des agriculteurs situés à l’Ouest du pays en sont aujourd’hui à se demander s’ils ne devraient pas abandonner la culture des céréales.
Quant au recours à l’irrigation d’appoint, il ne peut être généralisé car il est matériellement impossible d’irriguer 3 millions d’hectares d’autant plus qu’en période de manque de pluies le niveau d’eau baisse dans les barrages et les forages.
Plus grave, les agriculteurs redoutent les « pluies parasites ». Celle-ci suffisent à faire germer les semences mais sans assurer les besoins suffisant en eau des jeunes pousses de céréales. Aussi, bon nombre d’agriculteurs ne sèment qu’après que de fortes pluies aient suffisamment réhumectées le sol.
En 2023, les pluies automnales ont été en retard, ce qui a retardé les semis. Dans certains cas, durant le mois de novembre, les hangars des CCLS regorgeaient de semoirs qui auraient dû être dans les champs. Des agriculteurs n’ont pu semer la totalité de leur terre et les ont donc loués à des éleveurs de moutons.
L’enjeu pour la recherche agronomique en Algérie est donc de trouver une parade au risque de retard des pluies automnales.
Les alternatives existent et sont variées : dispositifs adaptés au niveau des semoirs, choix de semences de plus grosse taille voire semis à 10 cm de profondeur comme en Australie avec des variétés spécifiques.
Pour atteindre des emblavements de l’ordre de 3,7 millions d’hectares, les réunions préparatoires organisées par le ministère de l’Agriculture devraient assurer l’accès aux semences certifiées, engrais et crédit Rfig.
Il reste cependant une inconnue : le niveau de la pluviométrie en novembre. La recherche agronomique locale saura-t-elle apporter des réponses adaptées face à la crainte des agriculteurs de semer malgré un éventuel manque de pluie en novembre ? Faute de quoi une partie des agriculteurs resteront dans l’attentisme.