Outre les investissements et la consommation interne, l’avenir de l’industrie pétrolière et gazière algérienne –et mondiale- est tributaire d’autres facteurs, comme les efforts consentis par la planète pour combattre le réchauffement climatique.
Selon une étude publiée mercredi 10 février par le Natural Resource Governance Institute (NRGI), une organisation à but non-lucratif basée à New York, reprise par le site spécialisé en énergie Upstream-Online, les compagnies pétrolières nationales engagent des centaines de milliards de dollars d’investissements sur des projets incompatibles avec les objectifs de l’accord de Paris sur le climat.
Un cinquième des investissements attendus dans le secteur pétrolier et gazier par les sociétés énergétiques publiques, soit l’équivalent de 400 milliards de dollars sur 1900 milliards, ne sont pas viables économiquement et ne se traduiront pas par des profits si le réchauffement climatique doit être maintenu à moins de 2 degrés Celsius, selon l’étude.
Celle-ci assure avoir identifié « des acteurs étatiques – dont beaucoup dans les pays en développement – qui s’apprêtent à dépenser des milliards dans des projets pétroliers et gaziers qui ne réussiront que si le monde ne parvient pas à réaliser les objectifs de l’accord de Paris ».
L’étude cite des pays en développement et émergents, comme l’Algérie, le Mexique et le Nigéria, qui pourraient investir collectivement plus de 365 milliards de dollars dans des projets aussi coûteux, alors que ces dépenses « pourraient plutôt contribuer à réduire la pauvreté ou à diversifier leurs économies dépendant du pétrole ».
« Les autorités de nombreux pays producteurs risquent d’engager de nouveaux investissements indépendamment de ce qui est économiquement et écologiquement faisable et les résultats pourraient être désastreux », estime l’étude.
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L’Algérie pourrait perdre 40 % de ses revenus
Allant dans le même sens, une autre étude vient d’être publiée à Londres. Réalisée par le think-tank Carbon Tracker pour examiner « l’impact financier alors que le monde réduit ses combustibles fossiles », elle prévoit un coût élevé pour les pays pétroliers d’ici à 2040 à cause du passage à l’énergie verte : 13 billions de dollars.
Selon le site de la BBC, qui publie une synthèse de l’étude, certains pays pourraient perdre au moins 40 % des recettes publiques totales.
Carbon Tracker lance un signal d’alarme aux pays producteurs de pétrole qui ont prévu une augmentation de la demande dans les vingt prochaine années et estime que la demande devra au contraire baisser pour atteindre les objectifs climatiques et que les prix seront inférieurs aux attentes actuelles.
Le rapport est une étude d’impact sur les recettes publiques si l’augmentation de la température mondiale était limitée à 1,65 ° C. L’étude comprend des pays dont les économies ne sont pas dominées par le pétrole, comme le Royaume-Uni, les États-Unis, l’Inde et la Chine, mais axe sur une quarantaine de pays totalement dépendants de l’or noir. Les pertes ainsi prévues pour ces États se situeraient dans une moyenne de 46 % par an.
Pour l’Algérie, et 12 autres pays, dont l’Arabie saoudite et le Nigéria, les pertes devraient se situer entre 20 et 40 %. L’étude met en effet en avant un avantage dont disposent certains pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord et qui devrait modérer les pertes : leurs faibles coûts de production qui leur donneraient un rôle plus important dans l’approvisionnement mondial en pétrole et en gaz.
L’Algérie a “raté le virage de la transition énergétique“
Aussi, le think-tank plaide pour la diversification des recettes publiques et des économies des pays concernés. Il l’a qualifié de « tâche urgente » en passant par des étapes comme l’investissement dans l’éducation et l’amélioration de la qualité du gouvernement et du climat des affaires. « Les capitaux non investis dans le pétrole et le gaz peuvent être utilisés pour investir dans des industries plus résilientes à la transition énergétique », préconise le rapport.
Le 2 février, le ministre de l’Énergie Abdelmadjid Attar a estimé que l’Algérie avait « raté » le virage de la transition énergétique, et a plaidé pour des investissements massifs dans le renouvelable en raison de la baisse des réserves en gaz du pays.
M. Attar a avancé un chiffre qui traduit justement ce retard dans la transition énergétique du pays : 364 Mégawatts (MW), qui est la part dérisoire du renouvelable dans la production algérienne de l’électricité en 2020.
« En 1980, la capacité de production d’électricité en Algérie était de 1 800 mégawatts (capacités installées). À la fin 2020, nous en étions à 23 400 MW, le chiffre a été multiplié pratiquement par 12. En 2013, le plan de développement de la Sonelgaz prévoyait 36 000 MW », énonce Attar.
Dans cette production, quelle est la part du renouvelable ? Une capacité dérisoire de 364 MW, précise-t-il. « Nous avons encore 8 900 MW qui sont en cours d’installation. Il s’agit de centrales électriques qui parfois mettent 10 années pour être fonctionnelles », a-t-il dit.