Comme chaque année, l’examen du baccalauréat en Algérie a eu son lot de polémiques et de critiques, certaines fondées, d’autres totalement stériles.
Les épreuves se sont déroulées du 12 au 16 juin dans un climat de tension marqué par les craintes liées à la fraude massive. Mais dès l’annonce des résultats, samedi 16 juillet, les critiques ont commencé à fuser. Les polémiques aussi.
Selon le ministre de l’Education nationale, Abdelhakim Belabed, le taux national de réussite au Bac 2022 est de 58,75%, soit trois points de moins que la session 2021 où le taux était de 61,17 %.
Les autorités ayant, depuis plusieurs années, fait du nombre un enjeu au détriment de la qualité, la baisse du taux de réussite est logiquement accueillie comme un « échec » et les premières critiques se sont focalisées sur cet aspect.
D’autant plus que même ce taux n’a pu être atteint qu’avec l’abaissement de la moyenne d’admission à 9,5/20 au lieu de la norme habituelle de 10/20.
Les autorités justifient cette « largesse » par les conditions qui ont marqué la scolarité des élèves, pas seulement cette année, mais depuis le début de la pandémie de covid.
Les candidats de cette session 2022 ont vu tout leur cursus secondaire perturbé par les multiples arrêts et aménagements imposés par la crise sanitaire et il serait inéquitable de les évaluer sur les critères qui s’appliquaient à ceux qui ont suivi une scolarité normale.
C’est l’avis des responsables du secteur mais pas celui des syndicats et autres spécialistes de l’éducation pour qui une telle atteinte à « la crédibilité du bac » ne passe pas.
Pour eux, une telle décision répond à des considérations « populistes » et rien d’autre. « Notre appréciation restera la même tant que cet examen, de même pour les autres examens, est vu sous un angle populiste au lieu d’un angle scientifique », déclare Boualem Amoura, le secrétaire général du Satef, un des nombreux syndicats d’enseignants estimant que, « offrir un BAC avec une moyenne de moins de 9/20 est inacceptable et donne un coup fatal à la crédibilité du baccalauréat ».
Messaoud Boudiba, du Cnapeste, parle de mesure « anti-pédagogique ».
« Nous aurions pu accepter le recours au rachat en utilisant les fiches de synthèse et l’établissement d’une commission qui étudierait la possibilité de passage au cas par cas (…) Puisque ce n’est pas le cas, nous considérons que c’est une décision prise en dehors du cadre pédagogique. C’est du populisme qui n’a pas lieu d’être dans un milieu de savoir et de connaissances », critique-t-il.
Les spécialistes du secteur soulignent qu’avec une telle moyenne d’admission, les bacheliers ne pourront pas poursuivre leurs études supérieures sans difficultés.
Le meilleur exemple est l’affaire de l’école supérieure de mathématiques, une école d’excellence nouvellement créée. La majorité des étudiants de la première promotion ont échoué aux examens de fin d’année et 94 d’entre eux (sur 174) ont été exclus pour être réorientés vers d’autres établissements.
La situation ne serait pas différente à l’école d’intelligence artificielle. Au bac de cette année, c’est la filière « mathématiques » qui arrive justement en tête des filières en termes de taux de réussite, avec plus de 78%.
Tizi-Ouzou, un modèle à reproduire
L’autre taux de réussite qui suscite la polémique, c’est celui qu’enregistrent de nouveau les wilayas de Kabylie. La wilaya de Tizi-Ouzou caracole en tête du classement national depuis maintenant près d’une quinzaine d’années.
Cette année encore, elle est très au-dessus de la moyenne nationale, avec 73,61%. Au lieu de faire une lecture objective pour tenter de comprendre les facteurs qui sont derrière cette réussite qui s’inscrit dans la durée, et reproduire le modèle partout dans le pays, on assiste sur les réseaux sociaux à un débat nauséabond où se mêlent accusations infondées de fraude généralisée et discours ouvertement raciste et régionaliste.
Dans une excellente analyse parue dans le journal londonien Al-Quds, le sociologue Nacer Djabi décortique la question et tord le cou aux accusations farfelues qui ciblent chaque année cette région du pays.
« Il faut chercher les causes profondes et objectives de cette tendance avec les outils de la recherche scientifique rigoureuse », suggère-t-il, estimant que les explications que tentent de donner certaines parties, comme l’entente des enseignants de la région pour favoriser leurs élèves lors des examens et de la correction, sont « loin de toute logique ».
Cette lecture « identitaire » éclipse le vrai débat, selon le sociologue qui souligne à juste titre que personne n’a cherché à comprendre le taux de réussite chaque année très élevé chez les filles en Algérie.
Sans prétendre détenir l’explication à la distinction de la Kabylie, Djabi suggère de chercher du côté des facteurs socioculturels qui font que le taux de réussite diffère entre les filles et les garçons, d’une région à une autre, entre les lycées et même suivant la taille des villes.