Pour la sixième année consécutive, l’Algérie est privée d’Internet pour cause de Bac. Les épreuves de l’examen de fin du cycle secondaire ont démarré ce dimanche 12 juin et les principaux services de messagerie et les réseaux sociaux étaient inaccessibles dès la matinée.
La promesse de ne pas bloquer la connexion cette année n’a pas été tenue. Même la connexion filaire a été perturbée.
La mesure a été prise pour éviter la triche. L’avènement d’Internet et des réseaux sociaux fait craindre aux autorités une fraude massive et une fuite des sujets à grande échelle. Depuis quelques années, l’obsession de lutter contre la triche a pris le dessus sur le reste, bien que les épisodes de grande fuite des sujets ne soient pas très fréquents.
Le plus mémorable est celui de 1992. À l’époque, ni Internet ni la téléphonie mobile et ses terminaux n’existaient pas encore mais l’examen a dû être refait à cause de l’ampleur de la fraude. D’où les critiques qui ciblent les mesures actuelles de blocage de la connexion.
Le scénario de 1992 est la preuve que les méthodes « classiques » de triche peuvent être aussi, sinon plus, dévastatrices que ce que permettent aujourd’hui les nouvelles technologies.
De plus, des techniques existent pour limiter les velléités de fraude, ou même les annihiler, comme l’interdiction des terminaux dans les salles d’examen et le brouillage du réseau dans les environs le temps que durent les épreuves. Mais c’est, semble-t-il, le « risque zéro » qui est recherché, un objectif pas évident à atteindre ni dans les examens scolaires ni dans d’autres domaines.
L’Algérie a aussi durci sa législation en la matière. Un amendement du Code pénal effectué en 2020 prévoit des peines de prison allant jusqu’à 10 ans pour toute tentative de fraude ou de fuite des sujets, et jusqu’à 15 ans si la fuite cause l’annulation partielle ou totale de l’examen.
Un problème de fond
Cette année les autorités ont frappé très fort contre des responsables indélicats pris la main dans le sac à l’occasion des épreuves du Brevet de l’enseignement moyen (BEM) qui ont eu lieu la semaine passée (du 6 au 8 juin).
À Chlef, deux fonctionnaires ont été condamnés à de la prison ferme et à El Oued, un député et un chef de brigade de gendarmerie ont été placés sous mandat de dépôt.
Le message des autorités est on ne peut plus clair : avec la fraude aux examens scolaires, c’est tolérance zéro, quels que soient le poste et la qualité des coupables.
Vouloir à tout prix préserver la crédibilité des examens, notamment du Bac, presque l’unique porte d’accès aux études supérieures, est assurément louable.
L’État a le devoir d’assurer l’égalité des chances entre tous les élèves et surtout celui de sanctionner sévèrement ses agents qui s’adonnent à de tels actes.
Ce qui s’est passé à El Oued est d’une extrême gravité. Il est inadmissible qu’un législateur qui fait les lois et un agent payé pour les faire respecter soient les premiers à bafouer ces mêmes lois.
Ce qui pose problème ce n’est pas tant cette fermeté qui, au contraire, est salvatrice et pour l’école et pour l’ensemble de la société, mais cette obsession à courir derrière le « risque zéro », au prix de préjudices certains pour l’économie et d’une image pas très reluisante de la société et de l’école algériennes.
Si après les mises en gardes répétées du ministre de l’Éducation, l’incarcération de responsables, toutes les poursuites engagées les années précédentes et le durcissement de la législation, il subsiste encore le risque de fraude massive comme le laisserait penser la coupure d’Internet dans tout le pays, c’est qu’il y a un problème de fond qu’il est urgent de prendre en charge par une vraie réforme du système éducatif dans tous ses aspects.