PORTRAIT. Ancien joueur de football professionnel franco-algérien, Badis Diab, 27 ans, a créé Galactik France, une société de conseil et d’accompagnement pour les footballeurs amateurs.
Il n’a pas encore 30 ans et déjà plusieurs vies. Enfant – comme tous les gosses de son âge portés par l’euphorie post-Coupe du Monde 1998- Badis Diab est fou de ballon rond. Il passe son enfance à Romans-sur-Isère dans la Drôme avec ses parents, originaires de Constantine, arrivés en France dans les années 1980. Badis est le plus jeune d’une fratrie de quatre enfants. À 10 ans, il rêve de devenir footballeur professionnel. « Dans les quartiers populaires, la seule voix d’émancipation passe par le foot. Et forcément le foot passe avant l’école. Le ballon, c’était mon échappatoire », confie-t-il.
Repéré à 13 ans, il intègre le centre de formation de l’AS Saint-Étienne à 15 ans. L’entraînement est intensif. On y forme les grands espoirs du ballon rond. Dans le centre, il se lie d’amitié avec un certain Faouzi Ghoulam, actuel défenseur de Naples et sacré meilleur joueur algérien il y a quelques jours. Il côtoie Blaise Matuidi ou Dimitri Payé. Badis est lui aussi promis à une grande carrière au poste d’attaquant.
Mais en 2009, alors qu’il n’est pas encore majeur, un agent algérien lui propose un premier contrat professionnel au MO Constantine avec un salaire très attractif pour un débutant : entre 10.000 et 15.000 euros par mois. Il accepte sans se poser de questions. « Financièrement, c’était intéressant et puis c’était Constantine, la ville de mes parents, et là où on passait les vacances en famille », raconte-t-il entre deux gorgées de café. Le jeune homme va rapidement déchanter. « Le salaire n’était pas versé. Et Au final, au bout de deux-trois mois, je pense déjà à repartir ». Badis n’a que 18 ans mais comprend qu’il a fait un mauvais calcul dans son choix de carrière. « Psychologiquement, ça va mal », raconte-t-il presque dix ans plus tard.
Après sept mois, l’issue de secours s’appelle Los Angeles. Il est recruté dans la réserve du Los Angeles Galaxy, le club où la star David Beckham évolue. « Et là, c’est le grand écart. Rien à voir », se souvient-il. Mais le jeune footballeur n’a plus le même niveau qu’à l’époque où il était au centre de formation de l’AS Saint-Étienne. Le contrat dure six mois : Badis n’est pas reconduit. Un agent lui propose cette fois-ci d’aller jouer au T&T Hanoï au Vietnam. C’est l’époque où ses copains du centre de formation décollent. « Je commençais à voir des amis du centre de formation tous les dimanches sur Canal+ ». Badis comprend que les espoirs de grands clubs sont derrière lui, et que ses choix de carrière le condamnent aux championnats de seconde zone. Après un dernier contrat avec le NK Travnik en Bosnie Herzégovine, il tire sa révérence à 21 ans.
Lucide mais pas défaitiste. Badis sait que son expérience du terrain est un atout. « J’ai mis en place un réseau avec une centaine d’agents de joueurs. J’ai une parfaite maîtrise de l’anglais, j’ai joué au foot sur quatre continents. Et je commence à connaître chaque fenêtre de transfert, je connais les problématiques. Et puis, j’ai le même âge que les joueurs ; un atout pour les approcher ». Si dans sa carrière de sportif de haut niveau, rien ne s’est passé comme prévu, Badis refuse de rester sur un échec. Grâce à un ami commun, il fait la connaissance d’un célèbre agent : Marco Kirdemir. Un colosse dans le métier qui a géré les carrières de stars du Real Madrid : Fernando Hierro, Guti, mais aussi celle de joueurs algériens comme Madjid Bougherra ou Mehdi Mostefa. Badis devient consultant et passe son temps entre Londres, Paris et Istanbul pour repérer et débaucher des joueurs. Après Marco Kirdemir, il travaille aux côtés de deux autres agents stars Paul Stretford et Mino Raiola. Bref, le Gotha du football business.
Mais début 2016, il veut voler de ses propres ailes. « J’ai compris que je ne pourrais jamais m’imposer face à ces grands agents. Je ne voulais pas récupérer les miettes, me contenter d’une rente, mais devenir une référence dans le milieu ». Avec son ami d’enfance Karim Amrani -« qui l’a toujours soutenu »- il a créé Galactik France, à Paris : une agence de conseil pour des joueurs de foot amateurs. « Alors même que le foot amateur compte 2,5 millions de licenciés, il n’existait pas ce genre de structure pour le foot amateur ». Les joueurs sont épaulés par des téléconseillers qui élaborent des programmes d’entraînement personnalisés. Un coaching mental et physique. Un an plus tard, en janvier 2017, il ouvre une antenne à New-York, « les États-Unis sont le deuxième pays en terme de licenciés », précise-t-il. Dans quelques mois, il ouvrira également un bureau à Lisbonne. À Paris, Badis emploie désormais 30 personnes, et 5 personnes à New-York.
Le jeune chef d’entreprise n’a néanmoins pas oublié d’où il venait. « J’ai grandi avec des valeurs et pas dans le luxe », tient-il à rappeler. Autodidacte -il a arrêté l’école à 15 ans pour se consacrer au ballon rond- Badis veut jouer un rôle socialement. Il croit à l’émancipation par le sport, et aimerait bien développer un projet en Algérie où il déplore « l’absence de processus de formation de haut niveau ». Mais, explique le jeune chef d’entreprise, « il faut trouver des partenaires stables. Et pour l’instant, je n’ai pas les bons interlocuteurs ». En attendant, il a déjà monté au Ghana -pays de la légende Abedi Pelé- une académie de football.