Ils ont été bannis par Bouteflika et voilà qu’ils reviennent au devant de la scène. Disparus des écrans radar depuis quelques années, pas moins de trois figures ayant occupé des responsabilités importantes sous le président déchu, avant de tomber en disgrâce, viennent de refaire surface, en attendant probablement d’autres.
C’est le cas, par exemple, de l’ex-ministre de la Justice Mohamed Charfi qui a été intronisé ce dimanche, contre toute attente, à la tête de l’Autorité nationale indépendante de contrôle des élections.
Ministre de la justice sous le gouvernement d’Ali Benflis entre 2002 et 2003, puis sous Abdelmalek Sellal entre 2012 et 2013, Mohamed Charfi a laissé son empreinte à la tête de la chancellerie pour avoir engagé des poursuites, sur son instigation, contre l’ancien ministre de l’Énergie, Chakib Khellil dans le cadre de l’« affaire Sonatrach ».
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C’est sous son règne qu’un mandat d’arrêt international contre ce fidèle et proche de la famille d’Abdelaziz Bouteflika avait été alors lancé par le procureur général de la Cour d’Alger, un certain Belkacem Zeghmati, revenu lui aussi par la grande porte en juillet dernier pour se voir propulser à la tête du ministère de la Justice, après avoir repris son poste à la Cour d’Alger.
Autre figure qui a fait une longue traversée du désert avant de revenir sous les feux de la rampe : l’ancien président de l’APN, Karim Younes. Poussé à la démission en 2003 par une « rébellion » des députés du FLN organisée contre lui, Karim Younes s’est depuis éclipsé, se livrant à l’écriture et ne faisant que de rares incursions médiatiques.
Mais en juillet dernier, il sort, comme par enchantement, porté par le Forum civil pour le changement, un conglomérat d’associations, pour présider le Panel pour le dialogue et la médiation.
À ce jour, nul ne sait comment, ni par qui la mission de mener un dialogue, du reste controversé, a été confiée à Karim Younes. Si la majorité des partis de l’opposition et autres personnalités nationales ont boudé ce panel, sous le feu de nombreuses critiques, certaines figures politiques, opérant pour l’essentiel à la périphérie du pouvoir, ont concédé cependant de rencontrer Karim Younes.
C’est le cas de Ali Benflis, l’ex-chef du gouvernement, aujourd’hui à la tête de Talaie El Houriyet, et dont il est très proche.
Au-delà du fait qu’ils ont été écartés par Bouteflika pour diverses raisons, l’un (Karim Younes, NDLR) pour avoir soutenu la candidature d’Ali Benflis en 2004, et les autres pour l’« affaire Khellil », ces figures qui reviennent en grâce ont en partage d’être très proches de l’ancien chef du gouvernement, candidat malheureux aux présidentielles de 2004 et de 2014.
Faut-il dès lors y voir dans leur retour les pièces du plan du régime pour l’intronisation d’Ali Benflis dont la candidature ne fait presque plus de doute pour la présidentielle du 12 décembre ? En tous cas, ils alimentent les soupçons dans un pays où le pouvoir a toujours « fabriqué » des présidents.
Après avoir rejeté les propositions du panel, Ali Benflis a estimé ce dimanche que « les conditions institutionnelles et légales pour la tenue d’un scrutin présidentiel transparent, régulier et impartial, sont globalement réalisées ».
Ne reste plus à ses yeux qu’à créer le climat propice à travers la prise de certaines mesures d’apaisement. « Le départ de l’Exécutif actuel, rejeté par le peuple, et son remplacement par un gouvernement de compétences nationales crédibles et respectées », réclame-t-il.
Il demande aussi « la mise en œuvre de l’ensemble des autres mesures mises en exergue dans le rapport final du Panel, et qui portent sur des droits et des libertés ».
Pour lui, ces mesures « seront assurément de nature à aider à créer l’environnement propice à une participation électorale importante donnant au président élu la légitimité suffisante pour engager les réformes politiques, économiques et sociales indispensables pour jeter les bases de l’émergence d’une société du droit et des libertés, la construction d’une économie nationale diversifiée, performante, productrice de richesses et un système social fondé sur la solidarité, l’inclusion et l’équité ».
Avant de relever que « la création de l’Autorité électorale et l’amendement du régime électoral constituent une avancée notable dans la pratique électorale nationale ».
Comme lors de la présidentielle annulée du 28 avril, Ali Benflis se garde de dévoiler ses cartes, pratiquant à merveille la tactique de la contre-attaque, chère au régime, en laissant venir d’abord, pour tenter de s’engager ensuite.
À un internaute qui lui reprochait d’être le candidat du régime, Ali Benflis a jugé nécessaire de lui répondre sur sa page Facebook : « Je ne suis pas encore candidat monsieur ». L’ancien chef du gouvernement sait qu’il n’a pas droit à l’erreur quinze ans après avoir été le candidat d’une partie du régime contre Bouteflika.
D’autant que la mobilisation populaire qui ne faiblit pas encore risque de chambouler tous les plans et projections politiques.