La question de la libre utilisation du compte exportateur continue d’alimenter la polémique entre la Banque d’Algérie (BA) et les exportateurs algériens.
Le 14 juillet, le président de l’association des exportateurs algériens (Anexal), Ali Bey Nasri, dénonçait sur TSA l’instruction n°06-2021 de la Banque d’Algérie.
Datée du 29 juin, cette instruction définit les « modalités d’ouverture et de fonctionnement du compte devise commerçant et du compte devise professionnel non commerçant et à la répartition des recettes d’exportation de biens et de services » hors hydrocarbures et produits miniers.
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Entre autres griefs, le président de l’Anexal a récusé la disposition qui ne permet pas à l’exportateur de retirer la devise en espèce qu’ « à titre exceptionnel ».
« Quel est le montant ? La Banque d’Algérie est restée muette. On parle d’un montant raisonnable. Quelle est la banque qui va mesurer ce montant raisonnable ? », s’est interrogé M. Bey Nasri qui a accusé la Banque d’Algérie de tout verrouiller.
« Même celui qui a une urgence et doit se rendre à l’étranger, lorsqu’il se présente à sa banque et demande à être servi, sa banque lui répond qu’elle doit d’abord faire une demande à la Banque d’Algérie », a-t-il dénoncé.
Quatre jours plus tard, la Banque d’Algérie a publié un communiqué de presse dans lequel elle a rappelé que l’instruction n°06-2021 permettait désormais l’accès à 100 % des recettes d’exportation hors hydrocarbures, au profit de l’exportateur.
Elle s’est appuyée sur l’article 04 de l’instruction 06-2021, qui « stipule et de manière claire que le titulaire du compte devise commerçant et non commerçant ouvre droit à l’intégralité du produit de ses recettes d’exportation de biens et de services ».
La Banque d’Algérie a souligné également que l’utilisation des avoirs au titre du compte exportateur était « libre s’agissant de moyens de paiements électroniques (largement disponibles), ou de virements bancaires ».
Toutefois, les retraits en espèces doivent rester dans la limite du “raisonnable”, a précisé la Banque d’Algérie, ce qui signifie qu’ils doivent « constituer uniquement un appoint aux moyens de paiement précédemment cités ».
« Qu’entend-on par limite du raisonnable ? », se demande Ali Bey Nasri qui dit préparer une réponse au communiqué de la Banque d’Algérie. Le président de l’Association des exportateurs algériens conteste la forme du communiqué de la Banque d’Algérie qui, selon lui, ne vaut pas instruction aux banques.
« Les banques ne travaillent pas sur la base de communiqués mais sur des instructions. Il y a la Loi sur la monnaie et le crédit et le règlement publié dans le Journal officiel. Il y a l’instruction comme celle qui vient d’être publiée dernièrement et enfin il y a la note. Ce sont les trois documents reconnus par les banques », précise Ali Bey Nasri. « Les banques n’appliquent que la note dûment cachetée, ce qui est une obligation », complète-t-il. Pour Ali Bey Nasri, le communiqué de la BA est par conséquent « inapplicable ».
La Banque d’Algérie a également indiqué que l’utilisation des avoirs au titre du compte exportateur est « libre » s’agissant de « moyens de paiements électroniques (largement disponibles), ou de virements bancaires ».
Ce que le président de l’Anexal conteste. « Les cartes corporate (cartes professionnelles) n’existent pas », récuse Ali Bey Nasri. « Il y a deux types de cartes : la carte Visa, que n’importe quel citoyen peut avoir, elle existe. Mais la carte corporate (professionnelle) qui permet au chef d’entreprise de retirer de l’argent du compte exportateur (compte devises), celle-là n’existe pas », martèle Ali Bey Nasri qui précise que cette carte corporate existe seulement chez la BEA (Banque extérieure d’Algérie).
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Poser le problème d’absence de cartes interbancaires
Selon un expert financier interrogé par TSA, la polémique entre les exportateurs et la Banque centrale s’apparente à un « dialogue de sourds », mettant en exergue la véritable problématique en matière de disposition et d’utilisation par les exportateurs de leurs recettes en devise à cause de l’absence de Cartes interbancaires (CIB).
« Aujourd’hui, si un exportateur va vers une banque commerciale, il n’aura pas de carte de retrait interbancaire sur ses comptes. Cette carte n’existe pas. Pourtant, c’est ce que préconise le Gouverneur » de la Banque d’Algérie, pointe l’expert.
« Les banques vont-elles considérer le communiqué de presse (du gouverneur de la BA, du 18 juillet) comme étant une instruction ? » « Non, il n’est même pas signé. Donc, ce qui reste pour les banques, c’est l’instruction (n°06-2021 datée du 29 juin 2021, NDLR) en elle-même. Or, l’instruction laisse une mauvaise compréhension. D’ailleurs, il y a eu de nombreuses réactions », explique l’expert ajoutant que ce problème devrait être posé.
« Les banques savent bien que les comptes exportateurs sont libres d’utilisation mais elles ne délivrent pas ces CIB. Le communiqué de presse, clair et limpide, devient inapplicable. D’un autre côté, les banques ne vont agir que sur la base de l’instruction qui, elle, fait comprendre le contraire. Voyez un peu le quiproquo qui se pose ! », expose cet expert.
Et de préciser que l’instruction de la Banque d’Algérie est adressée aux banques, le communiqué est lui adressé à la presse. « Il n’y a rien d’officiel, d’un autre côté, les banques ne reconnaissent pas les CIB que préconise le Gouverneur de la Banque centrale, bien que ce soit libre de contrôle. Là encore, les banques ne font pas leur travail. »
A quand des CIB pour les exportateurs ?
L’utilisation du compte exportateur est libre ce qui veut dire qu’il n’y a ni contrôle a priori ni a posteriori, la personne (exportateur) peut retirer en espèce mais elle ne peut pas obtenir une carte interbancaire.
« Il y a quelque chose qui ne va pas », relève l’expert financier qui considère que le fait que les exportateurs n’ont pas de CIB comme « une erreur » des banques « car il n’y a ni autorisation ni interdiction » de la mettre en place.
« Pourquoi les banques ne réagissent-elles pas en tant que telles ? Jusqu’au moment de la diffusion du communiqué du Gouverneur de la banque d’Algérie, c’était l’incompréhension autour de l’instruction. Mais une fois que le Gouverneur s’est expliqué, il est clair que ce n’est plus à son niveau. La Banque d’Algérie n’a jamais interdit de donner des cartes interbancaires aux exportateurs puisque les comptes devises sont libres d’utilisation et c’est laissé à la discrétion de l’exportateur. La question se pose si les banques vont prendre ce communiqué (du 18 juillet) comme une instruction », estime notre expert.
Il suggère deux possibilités : « Les banques peuvent recevoir un ordre ou bien elles peuvent le faire elles-mêmes puisque rien ne leur interdit de le faire. Ou bien que le communiqué de la Banque d’Algérie soit transmis aux banques et qu’il soit considéré comme une instruction ».