« Le vénérable W » est le premier film documentaire à dévoiler au niveau mondial le drame des Rohinygas en Birmanie avec beaucoup de détails et d’informations. Le film a été projeté au Théâtre régional Azzeddine Medjoubi à la faveur du 3e Festival d’Annaba du film méditerranéen.
Le cinéaste suisse Barbet Schroeder a pris un risque énorme en entrant clandestinement en Birmanie pour rencontrer à Mandalay, ancienne capitale royale, Ashin Wirathu ou W, un moine bouddhiste extrémiste, leader du mouvement islamophobe 969, et puis du parti nationaliste Ma Ba Tha.
Face à la caméra, Ashin Wirathu développe, sans aucune gêne et avec une froideur terrifiante, ses idées haineuses contre les musulmans, accusés de « violer » les filles bouddhistes, d’exploiter les richesses de la Birmanie et de se « reproduire comme des lapins » ou comme des poissons-chat.
Le mouvement 969, crée pour « protéger » la race et la religion en Birmanie, va se charger de répandre ces idées racistes en utilisant massivement les fake news sur Facebook. Le documentaire montre avec précision le début des violences contre les Rohinyas, qui ne constituent que 4 % de la population birmane, dans plusieurs régions du pays, et pas uniquement dans l’Arkan aux frontières avec le Bangladesh (à partir de 2012).
Le documentaire dévoile des scènes d’une rare violence où les musulmans sont pris à partie par une foule déchaînée de bouddhistes. Certains d’entre eux sont achevés à la machette, au bâton ou brûlés vifs sous les regards amusés des agresseurs. « Sur place, j’ai constaté que des moines bouddhistes étaient impliqués, ce qui était en contradiction avec les enseignements du bouddhisme. C’était quelque chose que je devais tirer au clair puisque moi même j’étais intéressé par le bouddhisme quand j’avais l’âge de 19 ans », a confié Barbet Schroeder, lors du débat qui a suivi la projection du documentaire.
Ashin Wirathu et Donald Trump
Ashin Wirathu, personnage principal du film, parle de chasser les musulmans de Birmanie et éviter « les erreurs commises par l’Indonésie et la Malaisie ». Ses fidèles se permettent de relayer ses propos partout dans le pays à travers les DVD.
« En Birmanie, Ashin Wirathu n’est pas seul. Il existe d’autres comme lui qui poussent à droite et à gauche. Au moment où je faisais le film, je ne m’attendais pas à ce qu’un génocide allait être commis. Il n’y avait pas moyen d’ arrêter les militaires après qu’ils aient commencé les massacres. Il y a un nettoyage ethnique en Birmanie. Au Kosovo, c’était la même chose. Ce que dit et fait Ashin Wirathu existe également en Europe et en Amérique du Nord actuellement. Le président américain Donald Trump est entouré de gens qui pensent comme Ashin Wirathu », a prévenu le cinéaste qui a évoqué la montée des nationalismes et des populismes dans le monde.
L’action de Ashin Wirathu est bien financée en Birmanie. « J’ai cherché désespérément à trouver les sources de cet argent. Je n’ai rien trouvé. Tout l’argent passe par des donations aux monastères bouddhistes. Il n’y a aucune trace. On ne peut jamais savoir d’où vient l’argent », a expliqué Barbet Schroeder.
« Aung San Suu Kyi est couverte de sang »
Le gouvernement Aung San Suu Kyi a adopté la loi sur la race et la religion reprenant partiellement les idées extrémistes de Ashin Wirathu. Une manière d’assumer implicitement son discours et ses actes. Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la Paix (1991), s’est notamment chargée de démentir toutes les informations sur le massacre des Rohinygas évoquées par toutes les organisations internationales de défense des droits de l’Homme et les médias. « Elle soutient que les Rohinygas brûlent leurs propres maisons alors qu’ils sont des centaines de milliers à fuir leurs villages. C’est grave. Aung San Suu Kyi va se retrouver un jour devant un tribunal comme les Serbes du Kosovo. Elle aura à rendre des comptes. Elle ne pourra pas dire qu’elle obéissait aux ordres puisqu’elle est élue et donc responsable. Aung San est couverte de sang et d’opprobre. Elle ne se relèvera pas de cela. Elle n’a jamais intervenu ni pour ni contre les Rohinyas. Elle pense en bouddhiste et est du côté des bouddhistes», a accusé le cinéaste.
Le documentaire ignoré par les Césars et par les Oscars
« Le vénérable W », qui a été retenu in extremis au Festival de Cannes 2017 (dans une séance spéciale), n’a toujours pas trouvé de distributeurs en Amérique du Nord et en Grande Bretagne. Les chaînes de télévision suisses et françaises ne l’ont pas encore diffusé. « Je comptais sur des chaînes internationales comme Netflix ou Amazon. Elles ont refusé et m’ont dit qu’elles veulent atteindre un public maximum. Le public ne peut pas lire tous les sous-titres. Le film n’a pas été sélectionné aux Césars en France. Pourquoi? Je ne sais pas. Le film a fait plus de 100.000 entrées en France. Il y a donc tout un parcours à franchir pour arriver à la reconnaissance mais je ne pense pas qu’il existe une conspiration contre le film », a soutenu Barbet Schroeder. « Le vénérable W »n’a pas également été retenu par l’Académie des Oscars à Los Angles.
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