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Bataille de « l’or blanc » en Algérie : le modèle original de Soummam

Bataille de « l’or blanc » en Algérie : le modèle original de Soummam

via Pixabay
Lait

En Algérie, plusieurs laiteries contribuent au développement de la production de lait frais. C’est le cas de la Laiterie Soummam qui détient 65% du marché algérien des produits laitiers.

Cette entreprise a développé un système original pour gagner la bataille du lait qui est souvent appelé « or blanc », indispensable pour sa pérennité dans un contexte où l’Algérie veut réduire ses importations de poudre de lait.

Avec une collecte de 600.000 litres de lait frais par an, la laiterie Soummam est l’un des leaders en Algérie. Située à Akbou à l’ouest de Bejaia, cette laiterie qui a été fondée par Lounis Hamitouche, revendique aujourd’hui 6.000 éleveurs partenaires et plus de 16.000 vaches laitières distribuées aux éleveurs. Elle mobilise 210 collecteurs, 48 centres de collecte et 38 camions-citernes.

En 2023, la production s’élevait à  2.000 tonnes/jour de produits laitiers entre lait UHT, yaourts, crème dessert, boissons lactées et fromages », selon Djamel Allilat, responsable de la communication de l’entreprise.

Une production qui permettait à Lounis Hamitouche de confirmer dès 2016 le développement de la consommation de yaourts en Algérie. Lors d’un entretien avec le média AgroLine il se félicitait que : « D’un produit de luxe, il y a juste quelques années, le yaourt est devenu un produit de large consommation. Une nouvelle culture de consommer les produits laitiers est née en Algérie ».

Dès 2013, la laiterie revendiquait la mise sur le marché local de 8 millions de pots de yaourt par jour. En 2015, Soummam du nom du célèbre fleuve qui traverse la vallée éponyme, a mis en exploitation un second site de produits laitiers entré en production avec 2 nouvelles lignes de conditionnement. Deux autres lignes ont été acquises l’année suivante.

À travers sa gamme de yaourts à boire, la laiterie innove en utilisant « des préparations de fruits locaux, tels que la poire d’Aïn Defla, les mûres sauvages de Jijel, et le melon de Boumerdès, dans sa gamme de produits aux fruits d’Algérie ».

Comme le fait remarquer l’entreprise : « Ces initiatives visent à valoriser les filières locales, à réduire la dépendance aux importations et à encourager des pratiques agricoles durables » et cela dans l’optique d’offrir « aux consommateurs des produits authentiques de haute qualité ».

Fidéliser les éleveurs

Aujourd’hui, tous les efforts du géant algérien des produits laitiers sont tournés vers l’augmentation de sa collecte de lait dans le but de satisfaire les capacités de son outil industriel. Mais pour cela, il s’agit de disposer de matière première : du lait frais.

Aussi, la Laiterie Soummam déploie une stratégie visant à fidéliser ses éleveurs adhérents mais également de développer ses propres capacités de production de lait à travers l’acquisition d’exploitations laitières. Aujourd’hui la laiterie estime constituer « la plus grande ferme d’Algérie » avec notamment une méga-ferme de 1. 200 vaches et 8 autres fermes de 250 à 350 vaches chacune.

Soummam mise sur la qualité, un aspect reconnu des consommateurs. Elle vise également à plus d’incorporation de lait frais dans ses produits, un taux qui approche les 40%, selon la laiterie. Un critère qui fait l’objet d’une attention particulière de la part des pouvoirs publics.

En 2022, lors de son passage au stand Laiterie Soummam à l’occasion de la Foire de la production nationale, le président Abdelmadjid Tebboune avait déclaré à propos de la poudre de lait : « Nous devons la laisser pour la consommation du citoyen sous forme de lait », précisant à propos des industries laitières : « Je pense qu’une industrie comme celle-là n’a pas besoin de poudre de lait ».

Concurrence entre laiteries pour la collecter de « l’or blanc »

Mais en matière de collecte de lait frais, la concurrence entre laiteries est rude. Le terme « d’or blanc » est parfois utilisé pour qualifier cette matière.

Chacune des laiteries installées au nord du pays propose différents types de prestations et d’aides aux éleveurs : vente de génisses ou d’aliments pour bétail, équipement en matériel de traite et de conservation du lait, conseils techniques et vétérinaires, voire même avance financière sur recettes.

En 2016, à l’occasion de travaux universitaires, des responsables d’une laiterie ont déclaré devoir faire « face à la concurrence déloyale des autres producteurs laitiers (…) qui, grâce à leurs faibles exigences en termes de qualité, arrivent à attirer des éleveurs ». Des éleveurs qui travaillaient habituellement avec cette première laiterie.

Les analyses chimiques et biologiques à l’arrivée du lait à la laiterie sont nombreuses. Il s’agit de détecter les pratiques frauduleuses comme le mouillage avec ajout d’eau au lait, le soutirage de matières grasses et de s’assurer de la qualité sanitaire du lait.

Pour sa part, la laiterie Soummam aide des éleveurs à l’acquisition de génisses grâce à un mécanisme original. « En contrepartie, les éleveurs partenaires vont nous livrer toute leur production que nous payons intégralement chaque mois mais où il est déduit un montant, décidé conjointement, au titre du remboursement du prix de la vache », précisait en 2013 un représentant de l’entreprise.

Parmi les aides de différentes laiteries, on trouve des offres de financement pour l’acquisition de 5 à 25 génisses. Ce financement peut assurer 75% du prix d’acquisition, les 25% restants étant à la charge de l’éleveur. Cette aide correspond donc à un crédit sans intérêt remboursé sur 42 mois.

Patiemment, la Laiterie Soummam a tissé un réseau d’éleveurs qui lui a permis d’arriver au niveau de collecte actuel avec à terme l’objectif d’un million de litres de lait.

Une stratégie indispensable pour réduire sa dépendance vis-à-vis des importations de poudre de lait que l’Algérie veut réserver à la fabrication du lait en sachet subventionné et à terme la produire sur son propre territoire, comme en témoigne le projet d’investissement avec le qatari Baladna dans une ferme géante de 270.000 vaches à Adrar dans le sud du pays.

Un chemin mené d’embûches. Suite à la sécheresse de ces dernières années et au manque de fourrages qui s’en est suivie un phénomène de décapitalisation a été observé amenant en mai 2023, le ministre de l’Agriculture à combattre l’abattage de vaches laitières : « Nous présenterons dans les plus brefs délais un projet de loi criminalisant l’abattage des femelles du cheptel comme les brebis et les vaches ».

Une décapitalisation qui a pu avoir des répercussions sur le volume de la production de lait et donc de la collecte des laiteries.

Une préoccupation, les fourrages

La sécheresse qui frappe l’Algérie pèse sur la production de fourrage et donc en lait. En la matière, le nerf de la guerre est constitué par la disponibilité en fourrages tel le foin de graminées ou de luzerne et les aliments concentrés à base de grains.   

Lounis Hamitouche aime raconter comment en 2014 des agriculteurs sont venus le rencontrer pour lui expliquer qu’il était possible de conserver de la luzerne deux années de suite grâce à un nouveau mode de conditionnement des fourrages sous forme de balles rondes.

Convaincu de l’intérêt de cette nouvelle technique, il a investi à Constantine dans une entreprise de travaux agricoles spécialisée dans la récolte de fourrage.

Une initiative qui a permis à la Laiterie Soummam de fournir de la luzerne à ses éleveurs partenaires sous forme de balles rondes. Une première en Algérie. « Nous faisons également de la culture de luzerne et de fourrage pour nos propres besoins et les besoins des éleveurs conventionnées avec Soummam », précisait Djamel Allilat en 2023.

Actuellement, le conditionnement des fourrages sous forme de balles rondes est privilégié par des laiteries, comme c’est le cas pour la Laiterie Hodna ou la Coopérative Soummam. Des balles rondes de maïs ensilage provenant notamment de la wilaya de Menéa devenues une source d’aliments essentielle pour de nombreux élevages ne disposant pas de moyens d’irrigation ou suffisamment de terre.

Pépinières de génisses

Afin de sécuriser ses approvisionnements en lait frais, la laiterie Soummam a également investi dans un réseau de fermes et une fabrique d’aliments du bétail en utilisant les produits de la firme MG2MIX France.

Dans un contexte d’arrêt des importations de bovins français pour cause de maladie hémorragique épizootique (MHE), la laiterie algérienne a créé sa propre pépinière de génisses.

C’est à Hassi Fedoul (Djelfa) que cette ferme de 1.200 vaches laitières a pour vocation de « servir de pépinière de génisses de races laitières » spécialement choisies pour leur haute aptitude pour la production de lait comme l’indique la laiterie. Une ferme qui permet d’élever des génisses pour approvisionner ses propres fermes mais également ses éleveurs adhérents.

Face à l’arrêt actuel des importations, cette stratégie est également adoptée par la coopérative laitière Anfel de Sétif qui a ouvert une pépinière de génisses ainsi qu’une école de formation au métier de vacher.

Le mois de novembre a vu un saut qualitatif de la Laiterie Soummam avec l’entrée en production d’une ferme de 2.000 hectares à Ouargla. Outre des céréales, cette ferme devrait produire du maïs ensilage sous forme de balles rondes enrubannées.

Réseau d’éleveurs laitiers, fermes propres, équipements industriels modernes, élargissement de sa gamme de produits, la laiterie Soummam se distingue par sa capacité d’innovation. Une stratégie gagnante et vitale pour le géant algérien des produits laitiers à condition que soit garanti à l’avenir l’approvisionnement en fourrage.

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