Politique

Bedoui annonce la fin de la planche à billets, mais à quel prix ?

Le Premier ministre Noureddine Bedoui a annoncé, samedi 21 septembre, la décision du gouvernement « de renoncer définitivement au financement non conventionnel ».

Dans une allocution, lue en son nom par le ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, Salah Eddine Dahmoune, à l’ouverture de la Conférence nationale sur le renforcement de la prise en charge sanitaire dans les wilayas du Sud et des Hauts-Plateaux, M. Bedoui a fait état de « l’abandon définitif du financement non conventionnel ».

« Ce sont là les lourdes responsabilités que chacun de nous doit assumer pour la préservation des chances et droits des futures générations, qui ne doivent aucunement être hypothéqués », a-t-il soutenu, selon l’agence officielle.

« Notre Etat-continent est à la croisée des chemins pour un décollage vers un lendemain meilleur dans tous les domaines vitaux, en concrétisation d’un développement équilibré et de l’équité dans la prestation de services au profit de tous les citoyens », a-t-il ajouté.

Ce n’est pas la première fois que le gouvernement, notamment par la voix de son porte-parole Hassane Rabhi, annonce la fin de la planche à billets. Mais c’est la première fois que le Premier ministre l’annonce de manière officielle. Noureddine Bedoui n’explique pas comment l’exécutif compte financer l’énorme déficit budgétaire attendu pour l’année prochaine, estimé entre 1800 et 2000 milliards de dinars par plusieurs experts.

Pour l’année prochaine, le gouvernement sera confronté à une baisse des recettes de 8,3% et ce malgré une hausse de 5,3% de la fiscalité ordinaire, selon le projet de Loi de finances 2020 débattu au gouvernement. La baisse globale des recettes s’explique par le fait que le gouvernement anticipe une fiscalité pétrolière qui devrait atteindre 2200 milliards de dinars en 2020. Les cours du Brent peinent à sortir de la zone des 60 dollars.

La hausse spectaculaire qui a suivi les attaques contre les installations saoudiennes et l’aggravation des tensions entre l’Iran et les Etats-Unis a été rapidement contenue. Le Brent, après avoir dépassé les 70 dollars lundi, a terminé la semaine dernière à 64 dollars. La perspective de voir le baril dépasser les 70 dollars en 2020 reste très faible.

Le gouvernement reste peu précis sur les recettes hors hydrocarbures et comment il compte les augmenter de 5% dans un contexte de crise économique qui touche de plein fouet les entreprises et les ménages.

Les informations distillées évoquent des taxes supplémentaires comme la taxe sur la pollution appliquée aux véhicules ou une taxe douanière sur les importations. Samedi, Mohamed Loukal, ministre des Finances, a évoqué une hausse de la TVA qui ne concernerait pas les produits de large consommation subventionnés par l’Etat.

Dans sa déclaration à la presse, le ministre des Finances n’a pas précisé l’ampleur de cette hausse ni les recettes attendues. « Il est encore tôt pour se prononcer en l’absence de prévisions sur les recettes », explique un économiste.

Le gouvernement peut également compter sur les sommes non dépensées issues du programme de la planche à billets. Selon la Banque d’Algérie, sur les 6556,2 milliards de dinars mobilisés par le Trésor auprès de la Banque d’Algérie, au titre de la mise en œuvre du financement non conventionnel entre la mi-novembre 2017 et fin janvier 2019, 3114,4 mds de DA ont été injectés dans l’économie, soit près de la moitié.

Selon la note de la Banque d’Algérie qui date de juin dernier, un solde de 945,1 milliards de dinars est abrité au compte de Trésor auprès de la BA et donc non encore injecté dans l’économie. Les autres montants sont réservés à des opérations d’investissements, d’aide au logement via le FNI (1830 milliards), au soutien à la Caisse des retraites (500 milliards de dinars)…

Le gouvernement compte-t-il utiliser les sommes destinées à l’investissement public pour financer le déficit de 2020 ? C’est une hypothèse plausible quand on sait que les dépenses d’équipement de l’Etat vont connaître une baisse conséquente de 20,1%, selon les prévisions de la Loi de finances 2020.

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