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Bensalah président pour une transition contrôlée : le légalisme calculé de Gaïd Salah

Bensalah président pour une transition contrôlée : le légalisme calculé de Gaïd Salah

Il était un défenseur du cinquième mandat. Mais face à la marée montante de la contestation qui cible plus largement le système, son discours bascule graduellement et se heurte au raidissement de la présidence. Le chef d’état-major Ahmed Gaid Salah a commencé à l’expurger de ses propos comminatoires avant de l’adoucir puis carrément de l’enrober de compliments à l’égard du peuple.

C’est la rupture annoncée entre Les Tagarins et El-Mouradia. A la cécité de la présidence répond une clairvoyance de la Défense qui admet enfin que les manifestations posent un problème qu’il n’est plus possible d’éluder. Et qu’il ne fallait pas continuer à ignorer les clameurs de ce peuple qui « a fait preuve d’un grand sens de patriotisme et d’un civisme inégalé, qui dénotent d’une profonde conscience populaire ayant une suscité une grande admiration dans le monde ».

C’est, suggère le général depuis la 4e Région militaire, le moment de renoncer à la poursuite du « parcours présidentiel ». Même des figures aussi emblématiques que Lakhdar Brahimi et Ramtane Lamamra, appelées à la rescousse, n’ont pas réussi à vendre ce plan de sortie de crise. Dès lors, le chef d’état-major en appelle au « sens de la responsabilité » de Bouteflika pour l’amener à respecter le délai du 28 avril marquant légalement la fin de son mandat.

« Toute personne sage et circonspecte est consciente, de par son patriotisme et sa clairvoyance, que pour chaque problème existe une solution, voire plusieurs, car les problèmes, aussi complexes qu’ils soient, trouveront indéniablement une solution convenable, voire adéquate. Ainsi, nous avons l’intime conviction qu’un sens aiguisé de responsabilité est requis pour apporter ces solutions au moment propice grâce à l’Aide d’Allah Le Tout-Puissant », affirmait le chef d’état-major.

L’appel s’est heurté à des manœuvres de la Présidence. Le général bien placé pour parler de la santé réelle de Bouteflika s’approprie les arguments de l’opposition. Il dénonce lui aussi les forces anticonstitutionnelles qui ont confisqué les pouvoirs du chef de l’Etat. Il appelle à la mise en œuvre de l’article 102 de la Constitution : constatation de la vacance de la présidence, intérim et élection présidentielle dans un délai de 90 jours.

La rue rejette le « piège » et demande une transition sans les « 3B » qui sont des résidus du bouteflikisme. Aux nouvelles manœuvres de la présidence dénoncée comme des actes de « conspiration abjecte » d’une « bande », Gaid-Salah répond par une dernière sommation. Il évoque, en plus de l’article 102, les articles 7 et 8 qui consacrent le pouvoir du peuple. Cela laisse la porte ouverte à une transition telle que souhaitée par le mouvement populaire.

Pourtant, ce n’est pas la solution retenue après la démission de Bouteflika. Placé en première ligne, le chef d’état-major a préféré s’en tenir strictement à la légitimité constitutionnelle. Il a pourtant promis de répondre à toutes les revendications du peuple. La solution constitutionnelle lui permet au moins en apparence d’étouffer les voix criant à un coup d’Etat.

La forme est en tous les cas sauve. Mais la solution ne promet pas l’organisation d’une élection présidentielle libre, sous son propre contrôle. Même Ali Benflis se montre méfiant après avoir applaudi tous les propos de Gaid-Salah. Pour lui, il s’agit d’une « pérennisation des résidus » du boueflikisme qui « éloigne dangereusement » l’Algérie de l’apaisement.

Mais si tout simplement il s’agissait de répondre à une urgence pour se donner le temps de mettre en place une vraie transition ? « Ce n’est ni déraisonnable ni forcément difficile à réaliser », a osé le vaillant El Moudjahid. L’avocat Mustapha Bouchachi mise déjà sur une démission de Bensalah avant la fin des 90 jours d’intérim. Il est difficile de le voir résister là où Bouteflika a cédé. La prochaine manifestation sera un indicateur de détermination de la rue à le faire tomber.

En attendant cette hypothétique issue, le vide constitutionnel est comblé. Même avec des pouvoirs limités, le président Bensalah peut déjà effectuer des nominations. Il pourrait valider les promotions annoncées à la tête de l’appareil sécuritaire, pourvoir au poste vacant de gouverneur de la Banque d’Algérie, valider une démission potentielle du PDG de la Sonatrach.

Pendant ce temps, le « pouvoir » pourra poursuivre sa quête des personnalités consensuelles à qui M. Bensalah rendrait la présidence. Ce n’est pas une mission banale. D’avoir refusé de se structurer le mouvement populaire s’est privé de représentation.

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