Soufiane Djilali est président de Jil Jadid. Dans cet entretien accordé à TSA, il s’exprime sur la situation politique, sociale et économique ainsi que l’état des libertés en Algérie.
Il esquisse aussi un bilan des trois premières années du mandat présidentiel, parle du Hirak et fait quelques propositions à même de mettre l’Algérie sur la voie de la croissance véritable.
Quel bilan faites-vous des trois premières années du mandat du président de la République ?
Il est difficile de faire un bilan précis, puisque le mandat présidentiel est en cours et que la situation est évolutive. Cependant, il est possible de repérer un certain nombre d’éléments tangibles.
D’abord et avant tout, le sentiment d’une nette stabilisation des centres de pouvoir. Tout le monde a conscience que le pays a traversé une période extrêmement dangereuse dès 2018 alors que l’armée et les services de sécurité étaient fragilisés par des tensions internes qui avaient mené à des purges, parfois accompagnées d’arrestations de très hauts responsables.
« La fin du cycle Bouteflika était grosse d’une explosion majeure »
Si les institutions sécuritaires s’étaient divisées, nous aurions pu vivre une période cauchemardesque. La fin du cycle Bouteflika était grosse d’une explosion majeure dont nous n’avions cessé d’alerter en tant que partis d’opposition depuis au moins 2013.
Le quatrième mandat a été catastrophique pour la cohésion et la sécurité nationales ainsi que pour la souveraineté du pays. Après l’intermède du Hirak, et en cette fin de 2022, nous pouvons dire que l’Algérie a retrouvé une cohérence interne suffisante pour affronter la suite des événements. Sous cet angle, l’Algérie revient de loin.
Dans la foulée de cette stabilisation de l’appareil d’Etat, il est également notable que le pays ait retrouvé ses repères géopolitiques et qu’il redevienne de nouveau actif.
Le rôle de l’Algérie dans la réunification des factions palestiniennes, la relance de la Ligue arabe avec un sommet à Alger réussi et surtout les perspectives d’adhésion aux BRICS+ sont autant de points à l’actif du président de la République. Là aussi, incontestablement, l’Algérie ré-émerge d’une léthargie pour le moins irresponsable, sinon coupable qui avait duré près de vingt ans.
Enfin, si l’opinion publique n’est pas portée par l’enthousiasme, du moins il y a une sorte d’acceptation ou parfois de résignation devant une situation complexe.
Le monde autour de nous est en pleine dégradation. Les Algériens suivent les événements et savent par exemple que la vie en Europe est profondément perturbée par l’inflation, les pénuries, et maintenant par la récession qui pointe du nez avec tous ses effets négatifs. Le monde entier est en crise et de cela, les Algériens en ont conscience. Leur jugement sur la conduite des affaires du pays ne peut qu’être magnanime.
« …il y a aussi des échecs et des points faibles »
Ceci dit, il y a aussi des échecs et des points faibles. D’abord, la classe politique est en déshérence, et cela n’est pas bon.
Le gouvernement a été formé et reformé à plusieurs reprises mais ne semble pas embrayer sur le réel. Ces derniers temps, le Premier ministre apparait sur la scène internationale alors qu’il ne porte pas le programme gouvernemental auprès de la population.
En dehors des objectifs présidentiels définis lors de la campagne électorale, et quelques timides sorties dans les salons, le gouvernement ne semble pas apporter une quelconque plus-value et donne le sentiment d’être désarticulé. J’ai déjà fait part de mon jugement là-dessus et je le réitère.
Dans une situation de crise de confiance profonde telle que nous l’avions vécu à la suite de 2019, des hommes et des femmes politiques, qui ont un minimum d’expérience dans leur rapport aux citoyens, auraient été un plus pour l’action des autorités.
Il reste que ce gouvernement technocratique n’énonce pas clairement ses objectifs, ni sa vision pratique de la mise en œuvre d’un programme de développement cohérent et pragmatique.
L’Exécutif a, au final, toute la liberté d’action puisque même le Parlement est d’une grande docilité, mais il n’en profite pas pour engager de vraies réformes, pourtant nécessaires au pays.
Il y a, certes, des velléités dans différents secteurs mais cela n’en fait pas une politique ambitieuse.
Peut-être suis-je sévère avec ce gouvernement, vu l’accumulation des dossiers non traités depuis trop longtemps. Je suis prêt à être plus indulgent mais je voudrai en être convaincu. Ce n’est pas le cas pour le moment.
Vous avez rencontré le président Abdelmadjid Tebboune à plusieurs reprises. Quelle est votre évaluation de ces consultations menées avec une partie de la classe politique, en termes d’incidence sur la situation politique ?
La dernière fois que j’ai été convié au palais d’El Mouradia remonte au mois de mai de cette année. Il y avait, à l’ordre du jour, l’idée de « lem echeml », de rassemblement et sous-entendu de consensus.
Depuis, les priorités ont apparemment été révisées. Je pense que le dialogue est toujours utile. Pour être franc avec vous, il y a malheureusement très peu de canaux de communication entre le pouvoir et l’opposition.
A ma connaissance, aujourd’hui et à part le président de la République qui reçoit épisodiquement l’opposition, personne ne fait ce travail institutionnel pourtant nécessaire pour maintenir une communication transparente et une confiance mutuelle dans la pratique politique.
A moins que l’opposition soit considérée comme un danger potentiel ou un trouble-fête, il me semble nécessaire et tant que l’institution parlementaire ne remplit pas convenablement son rôle d’intermédiation, d’avoir des canaux de communication fonctionnels.
La scène politique est sclérosée et la classe politique inaudible. Pourquoi selon vous ? Faudra-t-il attendre l’approche de l’élection présidentielle de 2024 pour que les choses se remettent à bouger ?
Votre constat est vrai et je le partage. La scène politique a été vidée de sa substance. Les partis politiques sont considérés comme des entités inutiles.
N’importe quelle association de quartier reçoit des subventions conséquentes de la part des instances locales (APC, wilaya) ou nationales.
Un parti comme Jil Jadid n’a jamais reçu un centime de l’Etat. On ne peut pas construire une démocratie en étouffant les partis politiques, tout comme pour les médias d’ailleurs.
« Les partis politiques sont considérés comme des entités inutiles »
En disant cela, je ne défends pas une forme de liberté débridée où les passions deviennent maîtresses du jeu. Des règles claires et objectives doivent réguler un apprentissage de la démocratie mais soumettre les partis à des règles tatillonnes et à une forme d’ostracisme ne mènera pas au consensus dont l’Algérie a besoin.
A ce titre, j’ai eu l’occasion de lire un projet de loi sur les partis politiques. Si celui-ci devait être adopté tel quel, ce sera la fin du multipartisme !
« Tout le monde est donc au final responsable… »
Concernant Jil Jadid, en aucun cas nous n’attendons le rendez-vous des élections pour mettre en pratique notre devise, « le devoir d’agir » !
Malgré une ambiance générale morose, le Conseil scientifique de Jil Jadid a organisé cette année, en plus de deux conférences publiques auprès de notre diaspora, quatre autres conférences publiques à Alger sur des thèmes aussi variés que « le rôle de la spiritualité dans la construction de la société algérienne », « les conséquences du conflit Russie-Ukraine sur l’Algérie », « quelle modernité pour l’Algérie » ou « quel modèle de développement pour l’Algérie ».
A chaque fois, nous avions eu des conférenciers de haut niveau et les débats étaient de grande qualité. D’ailleurs, je tiens ici à remercier la présidente de l’APC d’Alger-centre, qui à chaque fois a mis à notre disposition une salle de conférence.
A part quelques médias, la couverture de ce genre d’activités reste très timide. Tout le monde est donc au final responsable de ce désert politique mais aussi intellectuel.
J’en profite pour remercier tous les conférenciers, universitaires et intellectuels qui ont voulu participer à ces activités et regrette que d’autres aient décliné l’invitation en refusant de s’impliquer dans le débat.
Donc, pouvoir, classe politique et élite intellectuelle, nous sommes tous responsables, bien entendu à divers degrés.
Vous avez toujours considéré que l’échec du Hirak est imputable en partie à l’attitude des franges radicales du mouvement. Avec du recul, maintenez-vous votre lecture ?
Vous ne serez pas surpris si je vous disais que plus que jamais je reste convaincu, que c’est bien une forme de radicalisme naïf et entêté qui a relativisé le succès du Hirak.
Je dis « relativisé le succès » car pour moi, il n’y a pas eu un échec, sinon celui de ceux qui pensaient renverser l’Etat et devenir roi à la place du roi. Il y avait eu la possibilité de dialoguer avec le pouvoir.
Une majorité de citoyens étaient de bonne foi mais d’autres activistes beaucoup moins. A la fin de 2019 et même au début de 2020, il y avait un risque évident de dérapage. Peu à peu, les passions prenaient une emprise considérable sur les esprits.
Et vous le savez très bien, la sagesse des peuples peut facilement se transformer en folie des foules. Sinon, j’insiste pour dire qu’au vu de l’histoire, le Hirak aura été un moment de consolidation du sentiment national, de retrouvailles entre les Algériens.
Nous avons donné au monde entier une image nouvelle et vivifiante de ce qu’est aujourd’hui l’Algérie. Et puis, dans les faits, l’écrasante majorité des dirigeants de l’Algérie d’alors a été renouvelée.
Rappelez-vous cette humiliation continue que l’on nous imposait à travers un président malade et handicapé, rappelez-vous l’hémorragie des richesses du pays, pillées par une bande de prédateurs, rappelez-vous la dissolution de l’Etat qui pointait à l’horizon !
C’est incontestablement grâce au Hirak que l’Algérie est de nouveau sécurisée même si, loin s’en faut, tous ses problèmes ne sont pas encore réglés.
Près de quatre ans après le déclenchement du Hirak, des dizaines d’activistes sont emprisonnés. Comment jugez-vous la situation des libertés en Algérie ?
C’est une question aux variables multiples. Les chiffres sont agités sans aucune précision ni du nombre ni des causes réelles pour leur détention; pour la justice, il n’y a pas une catégorie qui s’appelle « activiste ».
Toutefois, je tiens à dénoncer les emprisonnements intempestifs d’innocents qui, après avoir subi une série d’accusations gravissimes et surtout maintenus en prison se voient acquittés par la justice.
C’est, il faut le dire, un bon point pour les juges de réhabiliter les innocents mais un mauvais point pour les procédures judiciaires aveugles et impulsives.
« …il y a aussi beaucoup de manipulations de toute part »
Trop de citoyens ont été sinon brisés, du moins profondément blessés, gratuitement. Je pense à certains qui ont été accusés de collusion ou de complicité avec le MAK, à certains journalistes pour des articles anodins qui avaient fâché tel ou tel ministre, ou à certains blogueurs ou bloggeuses de talent accusés et emprisonnés injustement.
Maintenant, il y a aussi des personnes qui commettent réellement des actes malencontreux ou carrément délictueux. Et ce n’est pas parce qu’ils ont marché un vendredi ou se réclament du Hirak, que la justice ne doit pas avoir prise sur eux.
Je suis désolé de le dire, il y a aussi beaucoup de manipulations de toute part. Quant à nous, lorsqu’il y avait matière à soutenir des prisonniers d’opinion, nous l’avions fait de bonne foi.
En tous les cas, sur ce dossier, l’Algérie devra faire des efforts particuliers, et j’insiste sur le problème de la détention préventive qui est mise en œuvre trop facilement et au détriment du justiciable alors qu’elle devrait être exceptionnelle.
Le but de la justice n’est tout de même pas de briser la vie des gens mais de veiller à réguler les conflits de société et à appliquer en toute équité le droit.
Enfin, il faut préciser que plusieurs dizaines de détenus ont été libérés ces dernières semaines. C’est un soulagement pour eux, pour leurs proches et pour tout le pays.
Jil Jadid a échoué aux deux échéances électorales auxquelles il a pris part. Quelles conclusions ont été tirées en interne ? Que compte faire le parti pour se redéployer ?
D’abord laissez-moi vous dire que les résultats des élections législatives ne sont en aucun cas représentatifs du travail politique que nous avions mené depuis de nombreuses années. Les raisons de notre score sont nombreuses, certaines sont de notre ressort, d’autres pas.
Lors de la préparation de notre deuxième congrès ordinaire, nous avions très longuement abordé cette problématique ; une commission qui avait été présidée par Zoheir Rouis, notre vice-président, lui était consacrée.
La conclusion pour nous est que dans la phase actuelle de l’évolution de notre société, il y a une dichotomie entre l’action politique et les élections, entre le monde des idées et la réalité des circuits du pouvoir.
Ces derniers s’inscrivent dans un jeu où l’argent, les clientèles, l’appartenance régionale, voire tribale, sont les véritables leviers de la réussite ou de l’échec électoral.
Sur ce plan, Jil Jadid est démuni car antinomique dans son approche réformiste et moderniste de la politique avec les distorsions sociales. Faire du populisme et recruter à tout-va en acceptant la compromission avec certains milieux aurait pu nous offrir des sièges mais aurait amoindri fondamentalement notre objectif de réforme de notre société.
Il faut reconnaître que celle-ci est encore mal préparée au combat d’idées. Les citoyens peuvent être sensibles à telle ou telle idée, à telle ou telle proposition, mais au moment du vote, ils réagissent encore en fonction d’affinités d’intérêts directs (promesses de logements, d’emplois, de couffins du ramadhan…) ou de motivations inconscientes liées à leur identité (tribu, région, ethnie…).
Comme depuis les élections de 1991, l’élite dite moderne, pour sa part, ne veut pas mettre les mains dans le cambouis. Elle critique, s’épanche parfois dans les réseaux ou se tient carrément en dehors de tout enjeu national, pensant que son mutisme et son inaction la prémunissent et lui donnent en même temps la légitimité pour critiquer celles et ceux qui agissent.
Notre conviction est que nous devons mener la bataille des idées. Si nous n’avons pas aujourd’hui, en tant que Jil Jadid, beaucoup de sièges au Parlement ou dans les assemblées locales, nous accomplissons tout de même notre devoir en travaillant à préparer la voie à une modernisation vitale pour notre avenir qui commence par une émancipation citoyenne.
Cela vous explique pourquoi notre Conseil scientifique est si actif ces derniers temps, à travers les multiples et originales publications sur le site de Jil Jadid et surtout les conférences publiques qu’il organise.
La situation économique et sociale de l’Algérie s’est-elle améliorée ?
Votre question nous renvoie au début de cet entretien. En réalité, après l’effondrement des prix du pétrole dès 2014 et la gabegie générale du quatrième mandat, puis la déstabilisation du régime avec les changements imposés par le Hirak et pour couronner le tout avec la pandémie du Covid 19, le niveau de vie des Algériens s’est gravement dégradé.
Depuis, il y a un effort notable au plan macroéconomique pour rééquilibrer les fondamentaux. Il y a eu une forte réduction des factures d’importations et un retour à une balance commerciale positive.
Un effort particulier a été fait pour maintenir le pouvoir d’achat avec des revalorisations des salaires et l’institution d’aides sociales. Maintenant, il faut une véritable relance économique qui tarde.
Heureusement qu’il y a eu une remontée notable des prix des hydrocarbures depuis 2021. L’intention d’encourager la production nationale est clairement affichée.
La loi sur l’auto-entrepreneur vient d’être promulguée et apporte des facilitations et des innovations intéressantes à suivre. L’inflation par contre, en grande partie importée puisque notre production reste modeste, s’est emballée.
Cependant, au niveau microéconomique, les difficultés sont toujours là. Le consommateur se plaint des prix, des pénuries sporadiques se manifestent et la production nationale ne démarre pas sérieusement.
La gestion du secteur productif ou marchand du secteur public reste médiocre. Le secteur du tourisme par exemple pâtit d’anachronismes et d’anomalies handicapants.
Beaucoup de décisions sectorielles intempestives bloquent des producteurs ou les démotivent. L’institution d’autorisations administratives pour l’importation des intrants par exemple devient un facteur de désordre dans le marché.
« Je ne vois rien de sérieux là-dessus »
A part les grands projets publics annoncés par le gouvernement, l’investissement, privé ou étranger, n’a pas été suffisamment relancé. La crise énergétique européenne aurait dû inciter le gouvernement à négocier des relocalisations d’activités sur notre territoire.
Je ne vois rien de sérieux là-dessus. L’Algérie ne pourra pas rattraper son retard économique toute seule. Il faut compter sur soi mais en même temps savoir utiliser les bonnes opportunités.
La Chine était encore considérée comme sous-développée il y a une vingtaine d’année. Elle a su, malgré un parti communiste unique, ouvrir son économie et bénéficier de l’apport technologique de l’Occident.
« …et malheureusement encore beaucoup trop de corruption ! »
L’Algérie aurait dû avoir un PIB de 400 à 500 milliards de dollars par an et ne pas se suffire de 160 ou 180 milliards de dollars, liés directement ou indirectement à la manne pétrolière.
Que 70 % du budget provienne de la fiscalité pétrolière est tout simplement dangereux à terme. Au lieu de booster les opérateurs, encourager l’initiative, activer la Bourse d’Alger, mettre sous forme d’actions le capital des entreprises publiques à privatiser, rentabiliser ses grandes infrastructures, organiser des hubs aériens entre l’Europe et l’Afrique, devenir une économie dynamique… Eh bien au lieu de tout cela, le gouvernement s’occupe à emprisonner quelques commerçants parce qu’ils avaient en stock des bananes ou de l’huile, à envoyer des brigades de contrôles à de petites entreprises à peine encore viables et à mettre les bâtons dans les roues des chefs d’entreprise.
L’Algérie est trop grande pour accepter que ces pratiques deviennent la norme ! Le président de la République propose de grandes ambitions, en pratique nous avons souvent de la médiocrité, de l’incompétence et malheureusement encore beaucoup trop de corruption !
Y a-t-il un cap qui se dégage dans la politique économique du pays ou c’est toujours la navigation à vue au gré des fluctuations des cours des hydrocarbures ?
A ma connaissance, le président de la République veut engager de vraies réformes. Il a déjà avancé quelques mesures intéressantes. Cependant, il y a encore trop de blocages.
Je suis effaré quand je vois les zélés du bouteflikisme revenir au bercail par toutes les brèches. La haute administration est minée par les opportunistes et les clientèles.
Même les nouveaux dirigeants d’institutions publiques souffrent des pesanteurs des anciennes recrues et autres pistonnés. Souvent, malgré leur envie de réformer leur secteur, ils se heurtent aux vieux réflexes où népotisme et irresponsabilité dominent les esprits.
Vous avez parfois des institutions qui emploient des centaines, voire bien plus, de fonctionnaires mais restent très pauvres en compétence et riches en inertie.
Pour réussir les réformes, il faudra reconfigurer l’administration. C’est à ce niveau qu’il faut avoir de l’audace. Il faut recruter des jeunes compétents sur des profils d’excellence, changer la grille des salaires, faire des systèmes contractuels avec des objectifs à atteindre.
A terme, et de manière progressive, il y aura lieu de diminuer les effectifs pléthoriques qui sont un boulet qui annihile toute velléité de modernisation.
C’est par là que passera la réussite ou l’échec de notre développement : commencer par avoir une base de données objectives et fiables sur nos ressources humaines y compris parmi nos compatriotes de la diaspora, les injecter avec des objectifs négociés et bien rémunérés, dans nos instances de décisions économiques et mettre en place un nouveau paradigme de développement visant l’excellence, la qualité, le mérite etc.
Il faut très rapidement sortir de l’esprit de la rente et de l’accaparement des richesses opéré par une minorité qui instrumentalise essentiellement le pouvoir de l’administration.
La politique des œuvres universitaires par exemple est un scandale. Si la sphère économique reste sous l’autorité directe de l’administration, ce sera encore une fois l’échec pour le pays.
C’est là qu’une puissante communication, crédible, réaliste, vraie, serait d’une grande utilité. La gestion de ce secteur est d’une tristesse et d’un passéisme incompréhensibles.
Les télévisions privées sont retombés dans un conformisme digne des années 70 et des sites internet d’information toujours bloqués ! Et le projet de loi organique sur l’information n’incite vraiment pas au professionnalisme.
« En résumé, notre problème numéro 1 est la ressource humaine »
Nous avons besoin d’une réforme morale et mentale. Cela commencera lorsque l’école deviendra un outil d’émancipation, de préparation de l’enfant à la citoyenneté, à la créativité et à la responsabilité.
Pour le moment, l’école veut fabriquer des enfants-disques durs : la mémoire est devenue le critère de la réussite. Des étudiants en fin de cycle peuvent vous réciter un cours, avoir d’excellentes notes mais parfois sont incapables de vous en expliquer le contenu.
L’Algérie possède pourtant tous les atouts. Il nous reste à avoir la bonne vision et surtout le courage de la mettre à l’œuvre.
Il faut donner au peuple l’envie de se retrousser les manches, de savoir que par le travail il peut progresser sans avoir besoin d’interventions de tiers ni d’intermédiaires.
En résumé, notre problème numéro 1 est la ressource humaine. Elle existe mais apparemment n’est pas employable car le système ne la voit pas, elle ne répond pas à ses codes ni à ses critères de recrutement.
Tant que la compétence, le suivi de carrière sur des critères objectifs et le mérite n’interviennent pas dans les choix des responsables, nous répèterons l’échec.
Je sais que dire cela en étant dans le confort de l’opposition est bien facile et que dans la fournaise du pouvoir les choses deviennent compliquées.
Je sais que beaucoup de hauts dirigeants sont de qualité et que certains d’entre eux portent comme un fardeau leur responsabilité. Mais je sais aussi que trop de hauts responsables ne sont pas à leur place et que tant que nous ne transcendons pas nos inhibitions, nous ne serons pas à la hauteur de nos espoirs.