L’ancien président de la Fédération algérienne de football (FAF), Mohamed Raouraoua, est considéré comme celui qui a ouvert grandes les portes de la sélection algérienne de football aux joueurs algériens binationaux, notamment français.

Dans un documentaire sur la question diffusé sur Echorouk, Mohamed Raouraoua a révélé la face cachée des négociations qu’il menait avec les joueurs afin de les convaincre d’opter pour l’équipe d’Algérie.

Aujourd’hui âgé de 75 ans, Mohamed Raouraoua a dirigé la FAF à deux reprises, de 2001 à 2005, puis de 2009 à 2017.

Des binationaux ont joué pour l’équipe d’Algérie dans les années 1980 et 1990, mais grâce à l’action de Raouraoua, ils sont nombreux à le faire depuis les années 2000 et surtout, de plus en plus d’éléments de haut niveau optent pour les Verts, à l’image de Ryad Mahrez et Ismaël Bennaceur actuellement.

Mohamed Raouraoua raconte qu’il a songé aux binationaux après la CAN 2002 où l’équipe d’Algérie n’a pas brillé. « Le niveau de notre championnat était faible », dit-il.

Néanmoins, il y avait les lois de la FIFA qui ne permettaient pas le changement de la nationalité sportive des joueurs après 16 ou 17 ans. Mohamed Raouraoua a entrepris de les changer dès 2003, à l’occasion du congrès de la FIFA à Doha.

Toutes les confédérations ont soutenu sa proposition, hormis l’UEFA, la fédération Française en tête, qui s’y était opposée, se souvient-il. « Ne vous inquiétez pas, on ne va pas vous prendre Zizou », avait alors dit, sur le temps de la plaisanterie, le président de la FAF à son homologue français.

 Le changement a fini par être imposé en deux étapes : la limitation du changement de nationalité à 21 ans en 2003, puis la possibilité de le faire sans limite d’âge au congrès des Bahamas en 2008.

Deux ans après, grâce à une brillante génération de binationaux, l’Algérie participe au Mondial 2010, après 24 ans d’absence. Quatre ans après, elle sera encore présente au Brésil.

Le premier joueur à être convaincu par Raouraoua c’était Antar Yahia, qui rendra d’énormes services à l’équipe d’Algérie. C’est lui qui a marqué le but historique du barrage d’Omdurman qui a offert la qualification à l’Algérie à la coupe du monde 2010 au détriment de l’Égypte.

Equipe d’Algérie : ce qui complique la venue des binationaux

La liste sera ensuite très longue. L’un des plus en vue c’est Ismaël Bennaceur, qui a grandement contribué au sacre de l’Algérie à la CAN 2019. Le joueur évolue aujourd’hui au Milan AC. Lorsque Raouraoua l’a contacté, il était à Arsenal.

« Pour que Arsène Wenger (coach d’Arsenal à l’époque) lui signe un contrat professionnel (à 18 ans), c’est qu’il est bon. Il est de mère algérienne et de père marocain. Ça  s’est bien passé avec sa famille. On l’a fait venir en Algérie, ça lui a plus et il s’est engagé avec nous », témoigne Mohamed Raouraoua.

Néanmoins, ça ne s’est pas toujours passé avec une telle facilité. Raouraoua, qui suivait personnellement les dossiers et contactait les joueurs et leurs parents, dévoile les difficultés sur lesquelles il butait souvent.

Avec Fouzi Ghoulam (Saint-Étienne puis Naples), le problème c’était ses frères. Raouraoua raconte qu’il s’est déplacé à Saint-Étienne avec le père du joueur qui vivait en Algérie (à Annaba) pour le convaincre. « Dès qu’il a signé, on a déposé son dossier à la FIFA le jour même », dit-il.

Même son entraîneur en club, Christophe Galtier, l’actuel coach du PSG, ne voulait pas le voir opter pour l’Algérie. Selon Raouraoua, « il voulait le garder à Saint-Étienne et peut-être l’envoyer en équipe de France ».

Dans beaucoup de cas, ce sont les agents et les clubs qui tentent de détourner les joueurs de l’équipe d’Algérie. « L’agent de Sofiane Feghouli m’a fatigué pendant deux ans. Nous avons fait l’impossible pour l’avoir », assure-t-il.

Les cas Fekir et Benzema, une Leconte pour les binationaux ?

A Lyon aussi, le président Jean-Michel Aulas préfère voir des joueurs chez les Bleus qu’ailleurs. L’ancien président de la FAF cite le cas de Nabil Fekir qui a donné son accord pour jouer chez les Verts en 2016, et à qui les dirigeants lyonnais «ont fait changer d’avis en quelques heures ».

Pour convaincre les binationaux de jouer pour l’Algérie, Mohamed Raouraoua tenait un discours très simple aux joueurs ciblés. Il leur expliquait qu’il leur sera difficile de « durer » chez les grandes sélections européennes.

Il cite les cas de Nabil Fekir justement et même celui de Karim Benzema qui est resté éloigné pendant six ans de l’équipe de France et, malgré son retour et le Ballon d’or 2022 qu’il a remporté, n’a pas joué la dernière coupe du monde 2022 au Qatar.

Malgré tout ce qu’il a fait pour faire venir les binationaux en équipe d’Algérie, Mohamed Raouraoua est un adepte du développement du championnat local pour avoir de bons  joueurs du cru.

Estimant qu’il n’est pas possible de faire venir les binationaux en jeunes catégories car leurs compétitions ne coïncident pas avec les dates FIFA, l’ancien patron de la FAF considère qu’il faut revenir aux « fondamentaux », c’est-à-dire à la formation en Algérie.

Dans ce sens, il rappelle une réalisation que beaucoup ont tendance à oublier : la constitution d’une équipe olympique compétitive qui a valu à l’Algérie la participation aux JO de Rio en 2016, une première depuis 1980. Quatre ou cinq éléments de cette équipe ont fini en sélection première, souligne-t-il.