Bal démocratique américain en Algérie. Trois semaines après son adjointe Wendy Sherman, c’est le patron du département d’État, Antony Blinken, qui s’est rendu dans la capitale algérienne ce mercredi 30 mars.
Une visite quelque peu inattendue. « On attendait une visite à l’occasion de la Foire internationale d’Alger l’été prochain, mais pas maintenant », révèle un diplomate américain en poste à Alger.
Si la venue à Alger du chef de la diplomatie américaine a surpris ses subordonnés, c’est qu’elle n’était pas sur son agenda immédiat.
Ce qui l’a précipitée ? La situation internationale sans doute, estime le même diplomate. C’est-à-dire la guerre en Ukraine et ses retombées. Blinken a fait une tournée au Moyen-Orient et au Maghreb et rencontré les alliés israélien et arabes de son pays.
Cette virée est l’occasion de faire une escale en Algérie, un acteur régional important, un grand producteur de gaz et un partenaire avec lequel les États-Unis ambitionnent de renforcer la coopération et les échanges économiques.
Du moins à en croire les déclarations officielles faites pendant cette journée, il a été beaucoup question d’économie au cours de la visite. Entre sa rencontre avec son homologue algérien Ramtane Lamamra dans la matinée et sa réception dans l’après-midi par le président Abdelmadjid Tebboune, Antony Blinken a rencontré au siège de l’ambassade américaine les représentants d’entreprises américaines présentes en Algérie.
Il a annoncé officiellement que les États-Unis seront l’invité d’honneur de la Foire internationale d’Alger 2022, l’été prochain, et fait savoir qu’il inaugurera lui-même le pavillon de son pays dans cette « plus grande foire commerciale en Afrique ».
« Parmi les points que j’aborderai avec le président Abdelmadjid Tebboune, la coopération entre les entreprises algériennes et américaines dans plusieurs secteurs, dont les énergies renouvelables et la technologie. Nous allons aussi voir comment attirer plus d’investissements américains », dit-il.
Autre annonce qui traduit les ambitions américaines dans leur partenariat avec l’Algérie : les deux pays veulent porter leurs échanges à plus de 6 milliards de dollars. Blinken n’a pas fixé d’échéance, mais c’est déjà en bonne voie puisqu’il révèle que les échanges ont plus que doublé en une année, passant de 1,2 à 2,6 milliards de dollars entre 2020 et 2021.
Grâce aux opérateurs économiques, les relations entre les deux pays sont appelées à se développer et à devenir encore meilleures, estime le secrétaire d’État.
Parmi les représentants des médias présents à la rencontre, il se murmure que c’est encore « l’économie qui vole au secours de la politique ».
« Satisfaction » algérienne
Les sujets qui divisent ne manquent pas en effet. L’héritage de l’ancien président Donald Trump, et sur lequel la nouvelle administration ne semble pas prête à revenir, fait que l’Algérie et les États-Unis ont des visions antinomiques sur au moins deux questions centrales, celles du Sahara occidental et de la Palestine.
Plus problématique encore, c’est depuis son deal triangulaire avec Israël et l’Amérique de Trump que le Maroc s’enhardit vis-à-vis de ses voisins, l’Algérie en premier chef.
Avant d’atterrir à Alger, M. Blinken était à Rabat où il a apporté son soutien au plan d’autonomie marocain, comme l’a fait l’Espagne il y a près de deux semaines. Enfin, sur la question ukrainienne, l’Algérie est constante depuis le début dans sa neutralité.
Antony Blinken est aussi attendu sur ces questions, mais il ne les évoquera qu’après sa rencontre avec le président Tebboune. De retour à l’ambassade en fin de journée, le diplomate confirme devant la presse la part importante de l’économie dans ses discussions avec le chef de l’État algérien, auxquelles ont d’ailleurs assisté les ministres de l’Agriculture, de l’Energie et de l’Environnement.
Il salue aussi le rôle crucial de l’Algérie dans la préservation de la sécurité et de la stabilité dans la région ainsi que ses efforts pour le règlement de la crise libyenne. Comme il l’a remerciée d’avoir tenu ses engagements en matière de livraison d’énergie.
Blinken est allé droit au but dans certaines de ses réponses aux questions des journalistes. Sur la guerre en Ukraine, il a suggéré à l’Algérie de reconsidérer ses relations avec la Russie, notant que les pays arabes ont eux-mêmes souffert des guerres menées par la Russie, notamment son intervention en Syrie et en Libye.
« La communauté internationale doit augmenter la pression sur la Russie pour qu’elle mette fin à cette guerre non provoquée et injustifiée », a-t-il dit.
Avec le Maroc, l’Algérie devrait chercher à « améliorer ses relations », estime le secrétaire d’État américain qui se défend d’un alignement en faveur des thèses marocaines en signalant que les États-Unis soutenaient toujours les efforts de l’ONU et de l’envoyé spécial Staffan Di Mistura pour parvenir à une solution au conflit du Sahara occidental.
Du côté algérien, on évalue plutôt positivement la visite. Contactée par TSA, une source diplomatique algérienne a parlé de « satisfaction » pour l’ « atmosphère cordiale et constructive qui a empreint les entretiens et pour la forte impulsion donnée au partenariat stratégique, dont les perspectives sont très prometteuses ».
M. Blinken a remercié l’Algérie, pays qui a toujours honoré ses engagements, ajoute notre source, en soulignant que les deux parties ont relevé l’importance de « drainer davantage d’investissements dans l’amont pétrolier ». « Tout comme Wendy Sherman, à aucun moment, il n’a pas évoqué la réouverture du gazoduc GME contrairement aux spéculations farfelues relayées par une certaine presse marocaine et espagnole », assure la source diplomatique algérienne.