En fuite à l’étranger, les anciens ministres Abdeslam Bouchouareb et Chakib Khelil ont échappé à la prison en Algérie, contrairement à des dizaines d’ex-responsables et proches de l’ancien président de la République, Abdelaziz Bouteflika.
Néanmoins, l’Algérie ne les lâche pas et les procédures à leur encontre suivent leur cours. Des demandes d’entraide judiciaire ont été introduites par l’Algérie auprès des autorités suisses concernant ces deux hommes. Des décisions différentes ont été prises s’agissant de l’un et de l’autre cas, à en croire des médias suisses.
Abdeslam Bouchouareb, ex-ministre de l’Industrie, est l’ancien responsable le plus lourdement condamné dans le cadre des procès anticorruption qui ont suivi le Hirak de 2019 et la chute de Bouteflika en avril de la même année. Ses peines, cumulées dans différentes affaires, s’élèvent à plus d’un siècle de prison.
La justice algérienne n’a toutefois pas pu mettre la main sur lui en dépit des nombreux mandats d’arrêt internationaux lancés à son encontre. Son pays de résidence n’est pas connu avec certitude.
En mars 2020, soit une année après le début du Hirak et quatre mois après l’élection de Abdelmadjid Tebboune comme président de la République, l’ambassadeur de Suisse à Alger avait déclaré à la presse de son pays qu’ils étaient prêts à coopérer concernant l’argent détourné et qu’ils étaient dans l’attente d’une demande algérienne dans ce sens. La requête contre Bouchouareb a été déposée en juin 2020, selon Swissinfo.ch.
La Suisse est une place bancaire importante et au moins une partie de l’argent transféré d’Algérie sous Bouteflika doit forcément s’y trouver. En outre, ce pays a revu sa législation en 2016 afin de faciliter les entraides judiciaires.
En décembre 2021, un responsable du ministère de la Justice a fait savoir que 150 commissions rogatoires ont été émises par la justice algérienne pour traquer l’argent détourné.
Une année plus tard, le ministre de la Justice Abderrachid Tebbi a dressé le bilan des fonds récupérés : des biens d’une valeur totale de 20 milliards de dollars ont été saisis à l’intérieur du pays.
Il a annoncé à la même occasion que les pays étrangers sollicités ont fini par être convaincus par la démarche algérienne. Le président de la République a réitéré à plusieurs reprises que de nombreux pays ont accepté de coopérer avec l’Algérie dans ce dossier.
Affaire Chakib Khelil : la justice suisse juge la requête algérienne « irrecevable »
En avril dernier, il a annoncé que l’Espagne avait accepté de restituer à l’Algérie 3 hôtels 5 étoiles appartenant à un homme d’affaires algérien qu’il n’a pas nommé. Selon de nombreux observateurs, il s’agirait d’Ali Haddad, l’ex-magnat des travaux publics condamné lui aussi à plusieurs lourdes peines.
Ali Haddad est justement impliqué dans le dossier qui a motivé l’envoi d’une entraide à la Suisse concernant Abdeslam Bouchouareb. Il s’agit d’une surfacturation d’une opération d’importation de 90 kilomètres de canalisations en acier par une entreprise turque.
La surfacturation était destinée à payer des pots-de-vin de plus de 11 millions de dollars à Haddad et Bouchouareb, révèle le journal suisse, citant la requête rendue publique par le Tribunal pénal fédéral en octobre dernier. Près de 1,7 million de dollars ont été saisis en Suisse dans le cadre de l’entraide, ajoute la même source.
Selon Swissinfo, la Confédération helvétique a décidé de répondre à l’Algérie concernant la requête contre Bouchouareb, mais a jugé « irrecevable » celle qui concerne Chakib Khelil.
Ancien ministre de l’Énergie et ex-PDG de Sonatrach, Chakib Khelil a été poursuivi en 2013, puis réhabilité avant de se retrouver de nouveau dans le collimateur de la justice après la chute de son ami Abdelaziz Bouteflika.
Il a été notamment condamné en janvier dernier par le tribunal de Sidi M’hamed d’Alger à 20 ans de prison par contumace pour des faits de corruption et de malversation. L’ancien ministre résiderait aux États-Unis. La requête qui le vise a été adressée à la justice suisse en mai 2021, comme l’a confirmé l’Office fédéral de justice (OFJ).
Néanmoins, l’OFJ a considéré que la demande est « irrecevable ». Son porte-parole, cité par Swissinfo, a fait savoir que la demande ne répond pas aux « exigences de recevabilité du droit suisse » et ne peut, de ce fait, être transmise « pour l’instant » à l’autorité requise pour exécution.
Le responsable a expliqué que l’OFJ a transmis une demande de renseignements complémentaires à la partie algérienne en juin 2021 qui est restée sans « réponse » en dépit des nombreux rappels transmis.
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