Le « compromis » entre la présidence de la République et l’état-major de l’armée autour d’un départ anticipé du chef de l’État semble avoir fait long feu. Ce lundi, la situation est de nouveau tendue entre les deux parties, avec des échanges de menaces implicites via médias interposées.
Les choses se sont brusquement accélérées ce lundi matin, avec l’annonce par la justice d’une série d’enquêtes sur la corruption, avec des mesures d’interdiction de sortie du territoire à l’encontre de 12 hommes d’affaires, majoritairement considérés comme proches du cercle présidentiel.
Trois d’entre-eux, les frères Kouninef, font même partie du cercle rapproché de Said Bouteflika, frère du président. Selon la chaîne Echorouk, les enquêtes ont été ordonnées par l’état-major de l’armée.
Le communiqué qui change tout
La riposte du clan présidentiel n’a pas tardé. Elle est venue en deux étapes. La première est un communiqué de la présidence de la République diffusé à 17h. Il annonce que le président démissionnera « avant le 28 avril prochain », date de la fin de son mandat électif. Mais, avant son départ, il entend prendre d’« importantes mesures pour assurer la continuité du fonctionnement des institutions de l’État durant la période de transition ».
« La nomination du nouveau gouvernement en date du 31 mars 2019 par son Excellence M. Abdelaziz Bouteflika, président de la République, sera suivie par d’importantes décisions qu’il prendra, conformément aux dispositions constitutionnelles, à l’effet de permettre d’assurer la continuité du fonctionnement des institutions de l’État durant la période de transition qui s’ouvrira à la date à laquelle il décidera sa démission », a précisé la même source. Comprendre : Bouteflika compte utiliser ses prérogatives constitutionnelles jusqu’au bout.
Le communiqué de la présidence fait allusion à deux types de décisions « importantes ». La première concernerait la désignation d’un nouveau président du Conseil de la Nation, qui va remplacer le chef de l’État après sa démission. Abdelkader Bensalah est contesté par la rue et il ne fait pas partie des proches du président. Bouteflika pourrait le remplacer. Il donnerait ainsi l’illusion d’avoir répondu à une demande de la rue tout en nommant un de ses proches pour gérer la transition.
L’autre allusion contenue dans le communiqué concerne directement le général Ahmed Gaid Salah. Selon le communiqué de la présidence, Bouteflika peut encore exercer ses prérogatives constitutionnelles jusqu’à son départ. Or, parmi ces prérogatives figure justement le pouvoir de nommer un nouveau chef d’état-major.
Une option que semblait suggérer, en fin de journée, une source proche de la présidence sur Ennahar TV, qui évoque « des décisions importantes après l’ouverture d’enquêtes judiciaires (contre les hommes d’affaires) sans l’accord de la présidence ».
La riposte n’a pas tardé. Ce soir, les chaînes Echorouk et El Bilad annoncent que le communiqué de la présidence de la République a été rédigé par Said Bouteflika et non par le président lui-même. Le message est clair : toute décision émanant de la présidence dans les prochains jours sera contestée par l’état-major. L’escalade entre les deux parties devient dangereuse.