À six mois de l’élection présidentielle, le président Bouteflika s’est envolé, lundi en Suisse pour y subir, six jours durant, des « contrôles médicaux périodiques » avant de regagner hier samedi le pays.
« Bouteflika est en bonne santé, il a terminé toutes les analyses médicales et reviendra ce soir au pays », a annoncé, durant la mi-journée d’hier Ennahar TV, souvent présentée comme proche du cercle présidentiel. Et il y a de quoi !
Car cette information sonne comme une grosse gifle pour les réseaux sociaux qui se sont empressés de relayer les rumeurs les plus folles. Certains médias ne se sont pas donné la peine de procéder à la moindre vérification en tordant ainsi le cou aux règles les plus élémentaires du métier. Mais le propos n’est pas là et l’essentiel est ailleurs.
À bien y regarder, le récent séjour suisse de Bouteflika n’est pas dictée par les seules considérations médicales mais, à bien des égards, il a tout d’une opération politique maîtrisée de bout en bout.
Il est vrai que le chef d’Etat est malade depuis 2013 et qu’il se rend fréquemment à l’étranger pour se soigner. Mais le timing choisi pour la dernière visite médicale n’est pas du tout innocent. Elle intervient au moment où l’ensemble des rouages sécuritaires du pays connaissent un chamboulement sans précédent qui a porté de nouveaux dirigeants à la tête de presque toutes les régions militaires.
Avec un bilan de santé certainement positif et fort de son statut de ministre de la Défense nationale, Bouteflika a voulu, peut-être, signifier, aux uns et autres, qu’il faut bien compter avec lui et il n’est pas exclu qu’il signerait, dans les prochains jours, l’ « arrêt de mort » d’autres hauts gradés.
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En outre, ce contrôle fait à la veille de la rentrée sociale, peut bien être aussi un message à l’adresse du monde syndical qui peut bien être tenté par la surenchère pour arracher le maximum d’acquis et chahuter, ainsi, l’élection d’avril 2019.
C’est connu à la veille de chaque échéance électorale, le gouvernement, pour que tout se passe dans le calme, se montre plus « permissif » et lâche facilement du lest.
Sauf que cette fois-ci, le chef de l’Etat et son entourage ne peuvent permettre le moindre grain de sable enrayer l’opération délicate du 5e mandat. Et un président plus ou moins en bonne santé, et de surcroît fort de ses immenses prérogatives et de sa « légitimité », peut freiner bien des tentations.
Au final, l’objectif de Bouteflika en se rendant à Genève est d’avoir raison des dernières poches de résistances, dans les institutions de l’Etat (il doit bien y avoir des sceptiques, non déclarés certainement, dans les sphères du pouvoir qui ne seraient pas gagnés à l’idée du prolongement du règne de locataire du Palais d’El Mouradia) comme dans la rue, à son projet de présidence à vie.
Avec un bilan de santé plus ou moins positif, relativement bien sûr, bien des réticences vont se dissiper et Bouteflika s’offrirait ainsi une sorte de sauf-conduit pour un cinquième mandat à la tête de l’Etat algérien. Et ce n’est pas l’opposition, très faible faut-il en convenir, qui va l’en empêcher.
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