Avocats et médecins s’affrontent depuis quelques semaines dans les tribunaux et par presse et réseaux sociaux interposés. Les deux corporations prennent chacune la défense d’un de leurs membres, une avocate et une gynécologue.
L’affaire remonte à plusieurs mois et est liée à un accouchement qui a mal tourné à Ain Defla. Étant devant un cas très compliqué, la gynécologue a procédé à une hystérectomie.
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Autrement dit, l’ablation de l’utérus. A son réveil, la patiente, avocate de profession, s’est retrouvée devant un double choc : non seulement elle a perdu son bébé, mais elle ne pourra plus enfanter.
Dès sa sortie de l’hôpital, elle dépose plainte pour négligence et erreur médicale. La gynécologue a écopé en première instance de deux mois de prison ferme, puis de deux ans en appel.
C’est ce dernier verdict qui donnera à l’affaire une autre dimension. La gynécologue alerte l’opinion publique, récusant le verdict et dénonçant le refus des avocats de la défendre contre leur consœur. L’affaire tourne dès lors au corporatisme, devant le silence des tutelles respectives que sont les ministères de la Santé et de la Justice.
L’acte médical effectué par la gynécologue constitue-t-il une erreur ? La justice a répondu en condamnant la praticienne, mais celle-ci maintient que sans cette intervention, la patiente n’aurait pas pu être sauvée, reprochant à cette dernière d’avoir trop tardé avant de se rendre à l’hôpital.
Les médecins sont nombreux à exprimer un avis en faveur de leur collègue concernant l’acte médical pratiqué. Selon eux, l’hystérectomie était l’unique solution qui s’offrait dans pareil cas. Mais l’avocate et ses soutiens soulignent que la justice s’est basée dans ses deux jugements sur les résultats d’expertises.
Ils notent aussi que le médecin n’a pas le droit de procéder à un geste lourd, en l’occurrence une ablation, sans le consentement du malade. Abdelmadjid Sellini, président du Conseil de l’ordre des avocats d’Alger, a soutenu dans une déclaration à la presse que « le médecin ne doit pas faire une ablation d’organe du corps humain sans le consentement du concerné ».
“Notre problème n’est pas avec les avocats”
Les médecins répondent, textes à l’appui. Le président du conseil de l’ordre des médecins de Blida, Yacine Terkmane, s’est exprimé dans une tribune adressée à TSA.
Il reproche à Sellini de « méconnaitre certaines dispositions législatives et règlementaires qui autorisent expressément le médecin à passer outre le consentement du malade dans certaines situations ».
Il cite l’article 344 alinéa 2 de la loi 18/11 du 2 juillet 2018 relative à la santé qui stipule que, « en cas d’urgence, de maladie grave ou contagieuse, ou si la vie du patient serait gravement menacée, le professionnel de santé doit prodiguer les soins et le cas échéant, passer outre le consentement ».
« Si le malade est en péril ou incapable d’exprimer son consentement, le médecin doit donner les soins nécessaires », énonce encore l’article 44 du code de déontologie médicale.
Pour Yacine Terkmane, le problème de la gynécologue et de tout le corps médical n’est pas avec les avocats, mais avec la justice qui, selon lui « a refusé de commettre un expert dans la spécialité de gynécologie ».
Même s’il considère que « cette polémique entre avocats et médecins n’a pas lieu d’être », le Dr Terkmane dénonce le corporatisme des robes noires de Ain Defla, indiquant que « le corps médical n’a pas apprécié que tous les avocats sollicités de Aïn Defla, par solidarité corporatiste avec leur consœur, aient refusé de défendre le médecin, bafouant un principe sacro-saint et constitutionnel, celui du droit de tout citoyen à la défense ».
Une « solidarité corporatiste de mauvais aloi » qui « n’a aucune base légale et ne peut être opposable au citoyen », estime-t-il.
« La solidarité corporatiste doit s’arrêter là où commencent les droits constitutionnels du citoyen, voire idéalement ne pas exister », écrit-il, insistant sur le fait que la gynécologue « n’a pas eu droit à une défense du fait de l’expertise faite par un non spécialiste dans la spécialité ».