Bruno Retailleau a-t-il été écarté de la gestion de la crise avec l’Algérie ? Le ministre français de l’Intérieur, dont les déclarations avaient aggravé les tensions entre Paris et Alger, s’est exprimé jeudi soir sur la question.
Lundi 31 mars, les présidents Abdelmadjid Tebboune et Emmanuel Macron sont convenus, lors d’un entretien téléphonique, d’une feuille de route en 10 points, pour relancer la relation franco-algérienne après 8 mois d’une grave crise.
Dans le communiqué commun, les deux présidents ont annoncé des visites de Jean-Noël Barrot, attendu dimanche 6 avril à Alger, de Gérald Darmanin qui ferait bientôt le déplacement dans la capitale algérienne. Mais aucune référence à Bruno Retailleau, qui gère pourtant l’un des dossiers le plus sensibles, à savoir l’immigration et les OQTF, objets d’un bras de fer entre les deux pays.
Fin de la crise France – Algérie : Bruno Retailleau parle de « signaux positifs »
Hier soir, Bruno Retailleau s’est exprimé sur une éventuelle sortie de crise entre les deux pays. « J’ai bon espoir », a-t-il expliqué sur le plateau de France 5.
Selon lui, il « y a deux objectifs » à atteindre de cette reprise de dialogue entre Paris et Alger. Le premier est la libération de son ami Boualem Sansal, incarcéré en Algérie depuis son arrestation le 16 novembre dernier.
L’écrivain, proche de l’extrême droite française, a été condamné par le tribunal de Dar el Beida (Alger) à 5 ans de prison ferme et 500.000 dinars d’amende le 27 mars, pour notamment atteinte à l’unité nationale.
Lundi, lors de leur appel téléphonique, Macron a demandé à Tebboune un geste de « clémence » et d’humanité à l’égard de l’écrivain qui a adopté les thèses des expansionnistes marocains sur les frontières avec l’Algérie.
Boualem Sansal et le parquet du tribunal de Dar el Beida (Alger) ont fait appel de la condamnation de l’écrivain. Ce qui devrait retarder l’annonce d’une mesure de grâce.
« Il y a d’abord un écrivain qui est emprisonné. Sa libération est une question humanitaire, il est âgé et il est malade », a expliqué Bruno Retailleau qui semble avoir abandonné sa rhétorique hostile à l’égard d’Alger.
Le ministre français de l’Intérieur a ensuite longuement détaillé son deuxième objectif de la reprise du dialogue entre l’Algérie et la France. Il concerne les expulsions d’Algériens sous OQTF.
« L’autre objectif est qu’un autre Mulhouse ne se produise pas. Celui qui a tué à Mulhouse a été présenté à 14 reprises aux autorités algériennes qui n’avaient pas voulu le reprendre alors que nous avons un accord bilatéral de 1994 », a soutenu le ministre de l’Intérieur qui a avoué que « chaque polémique sur l’Algérie lui a servi ».
Le 22 février, un Algérien sous OQTF, avait mortellement poignardé une personne à Mulhouse dans l’est de la France, ce qui a aggravé les tensions, déjà très fortes, entre la France et l’Algérie.
S’il a adopté un langage plus policé depuis le procès de Boualem Sansal et réduit ses interventions sur l’Algérie depuis l’appel téléphonique entre Macron et Tebboune, Bruno Retailleau reste en embuscade.
Pour l’issue des discussions entre Alger et Paris, il préfère rester « vigilant ». Et s’il ne remet pas en cause la parole des deux présidents, il veut juger sur pièces. « Les signaux sont positifs. Mais je suis vigilant, je ne croirais que ce que je verrai », a-t-il dit.
Interrogé sur la méthode employée par le gouvernement français dans la gestion de la crise avec l’Algérie, avec d’un côté un ministre de l’Intérieur menaçant, et de l’autre un chef de la diplomatie conciliant, Bruno Retailleau a répondu : « Sur la méthode, je pense qu’il faut les deux. Dans une négociation, il faut à la fois de la fermeté et du dialogue ».
Concernant la liste des 60 ressortissants algériens sous OQTF transmise à Alger, Bruno Retailleau a dit qu’ils n’ont pas été repris.
« On verra dans les prochains jours, tout comme pour Boualem Sansal. Il y a un appel téléphonique entre Tebboune et Macron, je ne vais pas révéler la teneur de cet échange. Il y a un certain nombre de signaux positifs sur les deux objectifs. J’attends de voir », a répété Bruno Retailleau.
Bruno Retailleau : « Je suis dans ce dossier »
Le ministre français de l’Intérieur insiste sur la nécessité pour l’Algérie de respecter l’accord de 1994 sur les réadmissions des ressortissants algérien sous OQTF en France. « L’Algérie doit respecter l’accord de 1968, a-t-il dit. Il y a le dialogue et les faits ».
En cas de refus l’Algérie de reprendre ses ressortissants frappés d’une OQTF, Bruno Retailleau promet de brandir à nouveau sa « riposte graduée » qui « peut aller jusqu’à la remise en cause de l’accord de 1968 », selon lui.
Même s’il n’a pas été cité dans le communiqué commun après l’appel téléphonique entre Tebboune et Macron, Bruno Retailleau affirme qu’il « reste dans le dossier » et qu’il n’a pas été écarté de la gestion de la crise avec l’Algérie.
« Je suis la bête noire à Alger, j’ai jour après jour fait la une de la presse algérienne, défavorablement. Je suis dans ce dossier. Je ne veux pas qu’un deuxième Mulhouse advienne. Il faut qu’Alger accepte de réadmettre les profils les plus dangereux », a-t-il dit.