PORTRAIT – Abdelmalek Sellal chargé encore une fois de diriger la campagne électorale du président sortant est dans l’ordre des choses. La naissance politique de l’un s’est confondue entièrement avec le retour triomphal de l’autre au sommet de l’Etat et du pouvoir.
Qui connaissait M. Sellal avant décembre 1998 ? Très peu de monde en dehors des cercles restreints où il avait eu à exercer dans la préfectorale et la diplomatie.
Quand en septembre 1998, Liamine Zeroual annonce sa décision d’écourter son mandat et d’organiser une élection présidentielle anticipée en avril 1999, Abdelmalek Sellal était ambassadeur d’Algérie à Budapest.
Trois mois après son annonce, le président démissionnaire décide de nommer un nouveau gouvernement chargé de préparer le scrutin promis. Il le confie au sénateur Smaïl Hamdani, ancien diplomate qui a été notamment en poste à Paris. Avant de lui remettre les clés du palais Saadane, son prédécesseur Ahmed Ouyahia présente son bilan dans un discours où il avait assumé son rôle de « l’homme du sale boulot ». Une étiquette qui lui colle encore comme un sparadrap du capitaine Haddock.
Quand Smaïl Hamdani s’empare du gouvernement, le nom d’Abdelaziz Bouteflika avait fini de s’imposer comme le candidat préféré de l’armée. Mais le président sortant avait promis une élection régulière suscitant l’intérêt des plus grandes figures de la scène politique. C’est dans ce contexte que Abdelmalek Sellal est nommé au poste sensible de ministre de l’Intérieur chargé d’organiser le scrutin qu’abandonneront en pleine course tous les adversaires de M. Bouteflika pour dénoncer la fraude.
En pleine campagne, les Algériens découvrent cet homme longiligne dont le sourire efface une certaine réserve. Au fil du temps qui se dévide et des responsabilités qui se décident, c’est un homme bien plus facétieux qui se révèle, faisant de l’humour son principal bouclier. Il restera définitivement dans le premier cercle des fidèles de Bouteflika.
Après la première élection de celui-ci, il hérite du portefeuille de la Jeunesse et des Sports. A l’intérieur, il cède la place à Noureddine Zerhouni que Bouteflika jugeait plus apte à tenir le rang avec le commandement de l’armée. Il est ensuite nommé aux Travaux publics entre 2001 et 2002. Ministre des Transports jusqu’en 2004, il assure la direction de campagne pour le second mandat. Il retrouve le portefeuille des Ressources en eau jusqu’en 2012, avec une nouvelle parenthèse en 2009 pour diriger la troisième campagne du président-candidat. Là, son parcours sans faute est récompensé : il succède à Ahmed Ouyahia au premier ministère.
Amateur de bons mots, Abdelmalek Sellal voit son ascension rythmée par des blagues et facéties qu’il peine à réprimer. Un journaliste se souvient encore de ce déplacement dans une exploitation agricole dans le milieu des années 2000. Sellal, alors ministre des Ressources en eaux? ne peut s’empêcher de faire un croche-pied à son collègue de l’Agriculture, qui s’écroule dans la boue sous les regards d’une assistance hilare. Une autre fois, il compare sa ministre de la Culture, Khalida Toumi, à une coccinelle. Durant la campagne présidentielle de 2014, il met les Aurès à feu et à sang avec une blague très maladroite sur les Chaouis. En 2014 encore, devant un partenaire d’investisseurs, il répond à un expert qui évoque le rapport « Doing Business » que lui ne reconnaît que « le classement FIFA. »
D’humeur égale, l’homme peut aussi piquer de rares colères. En 2004, le journal Liberté relatait sa décision de bouder une visite de station de traitement des eaux à Maghnia après qu’un responsable lui a assuré que l’eau noirâtre qui sortait d’un conduit était parfaitement propre. Dix ans plus tard, alors qu’il se rend compte qu’une scientifique française sollicitée par l’Algérie s’est vu remettre un visa à entrée unique, il convoque son chef de cabinet et lui dicte de gronder le consulat à Paris.
Fidèle parmi les fidèles, Abdelmalek Sellal fut le seul autorisé à communiquer sur les sujets sensibles, comme la santé du président par exemple. Depuis Paris le 6 décembre 2014, il confirme une hospitalisation jusque-là tue à Alger. Souvent présenté comme le vice-président d’Abdelaziz Bouteflika, lui jure ne pas avoir d’ambitions politiques. Il se présente davantage comme un rat des champs que de ville et garde un lien solide avec le Sud algérien : son épouse, Farida Sellal, a longtemps présidé l’association Sauver l’Imzad, le violon monocorde des femmes touarègues.
Quand il a cédé sa place à Abdelmadhid Tebboune en 2017, personne n’avait cru à une disgrâce ou à une retraite malgré ses presque 70 ans. Son retour pour diriger la nouvelle campagne électorale confirme que sa carrière politique n’est pas finie.
Originaire d’Igil Ali, à Bejaia, Abdelmalek Sellal est né le 1er août 1948 à Constantine. Père boulanger, fratrie nombreuse : le futur Premier ministre a douze frères et sœurs. Élève assidu et malin aux dires de l’un d’eux, il intègre en 1970 la toute jeune École nationale d’administration (ENA) où il se lie d’amitié avec celui qui deviendra plus tard son ministre du Travail, Mohamed El Ghazi. Abdelmalek Sellal en ressort quatre ans plus tard. La promotion Mohamed Aslaoui se souvient d’un jeune homme intelligent, très drôle, farceur « limite lourd », pas sportif pour un sou et de parties de dominos mémorables dont il ressort souvent vainqueur.
En 1975, donc, il reprend la route vers l’Est. Diplomate de formation, il fait le choix de l’administration. Direction la wilaya de Guelma où il est respectivement administrateur, conseiller technique et chef de cabinet. L’année suivante, il est rappelé à Alger comme conseiller du ministre de l’Enseignement primaire et secondaire. Dans une Algérie qui se reconstruit, sa progression est fulgurante.
En 1977, à 29 ans à peine, il est nommé chef de daïra à Tamanrasset. Le début de son histoire d’amour avec le Sud algérien. À 36 ans, en 1984, il accède au grade de wali. À Adrar, Sidi Bel Abbes, Oran, Boumerdès puis Laghouat. Il sillonne le pays. En prend le pouls. 1989, Alger le rappelle une fois de plus. wali hors-cadre au ministère de l’Intérieur.
C’est en 1994 que la diplomatie le rattrape. Abdelmalek Sellal retourne au ministère des Affaires étrangères, comme chef de cabinet des ministres Mohamed Salah Dembri, Mostefa Benmasour… et Ahmed Attaf, qui le fait d’abord nommer Directeur général des Ressources du ministère avant de lui offrir l’ambassade d’Algérie à Budapest en 1996. De cette époque, dit-on, le futur Premier ministre garde des souvenirs agréables de balades au bord du Danube, au pied du Várhegy.
Aujourd’hui, aux commandes de la campagne du chef de l’Etat, Abdelmalek Sellal a pour difficile mission de vendre les promesses d’un candidat absent de la campagne électorale. Sans doute l’une des missions les plus difficiles de sa carrière politique.