Il relève peut-être du pléonasme de parler de promesses électorales qui ne seront jamais tenues. Les cinq candidats à l’élection présidentielle du 12 décembre, en campagne depuis dimanche 17 novembre, multiplient les engagements partout où ils passent sans néanmoins avancer de chiffrage et préciser comment ils comptent les tenir dans un contexte de crise économique que les spécialistes estiment inéluctable.
Les meetings et passages des candidats sur les plateaux des chaînes de télévision se ressemblent beaucoup et se rejoignent sur au moins deux points, les appels à une participation massive au scrutin et la promesse d’une profonde refonte de l’État.
Comme l’a qualifié Ali Benflis, ce sera une sorte de mandat de transition, celui des réformes politiques. Les cinq postulants s’engagent à revoir la constitution de sorte à concrétiser la séparation et l’équilibre des pouvoirs, à asseoir la bonne gouvernance, à garantir les libertés collectives et individuelles. Sur les volets économique et social, chacun y va de ses promesses, avec en point commun celle de bâtir une économie forte.
Abdelmadjid Tebboune veut appliquer « une nouvelle politique de développement hors-hydrocarbures, la substitution des produits importés par d’autres locaux en vue de préserver les réserves de change, la promotion des start-up et le renforcement du rôle économique des collectivités locales dans le développement et la diversification de l’économie nationale ».
Tebboune s’est aussi engagé à faire « des régions du Sud un acteur principal dans la réduction de la facture d’importation, en faisant des régions agricoles et industrielles productrices de sucre, de blé, d’huile et autres produits ».
Pour Ali Benflis aussi, « l’Algérie est en mesure d’atteindre l’autosuffisance dans le domaine agricole, pour peu que le futur président de la République assurerait l’accès des agriculteurs aux terres, aux facilitations, aux crédits et à la mécanisation et à l’accompagnement ».
Les régions du Sud sont les plus courtisées en ce début de campagne. Benflis a promis à Adrar de développer l’énergie solaire, de créer un grand pôle universitaire à Tamanrasset et « de prendre en charge les besoins des populations du Sud concernant l’accès à l’eau potable, la santé et l’éducation ».
À Chlef, le président de Talai el Houriyat a parlé de « réalisation de stations de dessalement d’eau de mer et de barrages » ainsi que du « développement de l’industrie agroalimentaire ».
Il a aussi promis « l’ouverture du dialogue avec les partenaires sociaux en vue de débattre des dossiers du pouvoir d’achat et augmenter le SMIG, avec étude de la question de la valeur du dinar algérien, comparativement à la situation générale de l’économie nationale ».
Abdelkader Bengrina promet lui aussi plein de belles choses dont « l’augmentation du salaire de base, la réduction de l’IRG, l’augmentation des allocations attribuées aux femmes aux foyers et aux mères en congé de maternité ».
Il s’est en outre engagé à porter le taux de la croissance économique à « 4% au moins » durant les cinq prochaines années et de baisser le taux de chômage.
Abdelaziz Belaïd, lui, a promis « une cartographie nationale de l’emploi pour une répartition plus équitable des postes d’emploi » et l’octroi d’une pension aux chômeurs.
Enfin, les promesses de Azzedine Mihoubi dans ce registre sont plus vagues, à l’image de celles « d’améliorer le climat des affaires et de réunir les conditions du décollage économique de l’Algérie », ou encore la formation d’un gouvernement de compétences nationales et la création d’un « grand ministère de l’économie ».
Les indicateurs macroéconomiques, qui font que le pays s’apprête à entrer dans une période de grandes difficultés, sont totalement occultés. Les candidats n’avancent aucun chiffrage de leurs promesses.
Les prix du pétrole se maintiennent difficilement à soixante dollars le baril, soit la moitié du seuil que le FMI estime nécessaire pour l’équilibre du budget de l’État (116 dollars), les prévisions promettent un déficit toujours abyssal pour au moins les trois prochains exercices et les réserves de changes fondent comme neige au soleil jusqu’à s’épuiser totalement dans au plus tard trois ans.
A ces facteurs sur lesquels le pays n’a aucune emprise, s’ajoute un marasme économique aggravé par la tétanisation de l’initiative et la méfiance des investisseurs nationaux ou étrangers devant l’instabilité de la législation et les incertitudes politiques.
Aucun candidat n’explique d’où il compte puiser les ressources, dans une conjoncture économique qui s’annonce à peine gérable, pour concrétiser ses innombrables engagements.
Le plus sage aurait été d’adopter un discours de franchise et de s’en tenir à la promesse de revoir le fonctionnement de l’Etat et de garantir les libertés. Mais il est vrai que très peu de politiques de par le monde ont, à l’instar de Winston Churchill, promis à leur peuple « des larmes et du sang ».