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Cancer : 50.000 nouveaux cas chaque année, l’Algérie peine à se doter d’une stratégie efficace

Le taux de réalisation du Plan anti-cancer a atteint les 70 %, a annoncé, ce lundi 4 février, le professeur Zitouni Messaoud, chargé du suivi et de l’évaluation de ce plan sur la période 2015-2019. Il reconnaît toutefois, dans un entretien à l’agence officielle, qu’« une véritable évaluation de ce programme ne peut se faire qu’après parachèvement de toutes les étapes et expiration du délai restant qui s’étalera jusqu’à fin 2019 ou début 2020 ».

Chaque année, l’Algérie enregistre environ 50.000 nouveaux cas de cancer. Le Plan est axé sur les quatre types de cancer qui réunissent à eux seuls la moitié des cas : sein, côlon et rectum, poumon et prostate.

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Le cancer du sein, le plus répandu chez les femmes, survient chez les Algériennes à un âge moyen de 50 ans, soit dix ans plus tôt que chez les Européennes. En plus de sa précocité, le cancer du sein n’est généralement dépisté en Algérie que tardivement puisque, selon le Professeur Zitouni, 80 à 90 % des cas décelés le sont à un stade avancé.

En plus de la prévention, de la sensibilisation et de la promotion du dépistage, le plan prévoit une amélioration de la prise en charge des cancéreux. Le Pr Zitouni a, indiqué à ce sujet qu’une « centaine de services assurent le traitement par chimiothérapie à travers le territoire national ». Il a émis le souhait de « mobiliser les professionnels de la santé pour un bon suivi et une coordination à même d’assurer le contrôle de ce traitement coûteux, allant de son importation auprès des laboratoires étrangers jusqu’à son administration au malade ».

Alors que le Professeur Zitouni semble dresser un bilan plutôt positif du plan de lutte contre le cancer, le Professeur Mourad Abid, chef du service de chirurgie au centre anti-cancer (CAC) de Batna, estime que ses résultats ne sont « pas encore à la hauteur des moyens » qui lui ont été consacrés par l’État.

Radiothérapie : le privé inopérant

« Des moyens considérables ont été alloués par l’État en termes de médicaments, de mise en place de CAC et de règlement des problèmes de radiothérapie néanmoins, les résultats en termes de morbidité et de prise en charge ne sont pas encore à la hauteur de ces moyens », a-t-il déclaré ce lundi sur les ondes de la radio Chaîne 3.

D’après le Pr Mourad Abid, il y a en Algérie 36 accélérateurs, dont 9 dans le secteur privé. Mais ces derniers sont inopérants à cause des prix pratiqués par les établissements du secteur privé. « Les gens n’ont pas les moyens » de payer les radiothérapies dans des établissements privés, a-t-il expliqué.

Une situation que le chirurgien regrette parce que, selon lui, « ces accélérateurs ont été achetés par l’État » car payés en devises. « Il serait plus juste de les utiliser en trouvant des solutions par la sécurité sociale ou le ministère de la Santé », a-t-il indiqué.

La complémentarité entre le secteur public et le secteur privé de la santé, souvent mise en avant par les autorités fait défaut, y compris dans la lutte contre le cancer, selon le Pr Abid. Pour lui, « ce sont deux systèmes complétement différents, il y a un système qui fonctionne avec l’argent où il faut payer tout de suite et un autre où c’est totalement gratuit et qui sont chacun dans son monde ».

Le manque d’évaluation des actions et résultats des chefs de services et des chirurgiens a également été pointée du doigt par le chirurgien qui a émis le souhait que les actions des chefs de service et des chirurgiens soient régulièrement évaluées tout en regrettant qu’un projet visant à mettre en place une évaluation des chefs de services tous les cinq ans n’a pas abouti à ce jour.

Rationaliser l’utilisation des moyens matériels et humains

Les centres anti-cancer ne souffrent pas de manque de moyens, selon le Pr Abid pour qui le problème est plus d’ordre organisationnel. « Nous sommes complètement désorganisés dans la façon avec laquelle nous prenons en charge le cancer. Au moment où nous à Batna, les rendez-vous de radiothérapie pour un cancer du rectum étaient à deux semaines, à Alger ils étaient encore à six mois. Donc, il y avait un problème de communication », a constaté le chirurgien à ce sujet.

Le constat est le même lorsqu’il s’agit des moyens humains. Le Pr Abid a, par exemple, constaté la présence dans certains services hospitaliers à Alger de « 10 à 15 chirurgiens pour deux salles opératoires » alors que dans d’autres services dans d’autres villes, « on trouve trois ou quatre salles opératoires avec seulement deux ou trois chirurgiens ».

L’utilisation irrationnelle des moyens concerne aussi la gestion des médicaments, surtout les plus innovants comme ceux utilisés dans les thérapies ciblées alors qu’ils représentent « une dépense énorme », selon le chirurgien. « J’ai personnellement observé des patients qui ont reçu des thérapies ciblées qui coûtent très cher pour des lésions qui n’étaient pas des métastases. Ce n’est pas normal qu’il n’y ait pas eu d’évaluation par un radiologue », a-t-il regretté.

 

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