Politique

Candidature de Ghediri : l’heure des doutes

Le 19 janvier 2019, Ali Ghediri déclarait son intention de se présenter comme candidat. Dans un email envoyé depuis sa boite personnelle aux rédactions, M. Ghediri affirmait avoir « décidé de relever le défi » en se portant candidat à l’élection présidentielle d’avril prochain.

« Ce défi majeur ne peut se réaliser sans l’adhésion et l’implication du peuple. Il consiste en une remise en cause, sans tabou, de l’ordre établi, tant les conditions actuelles sont des plus complexes et des plus périlleuses pour la nation. Il s’inscrit, pour sa réalisation, dans le cadre d’un projet novateur, qui s’articule autour d’un objectif : la rupture sans reniement », écrivait le candidat à la candidature.

Sa déclaration de candidature avait été accueillie avec curiosité par l’opinion publique nationale, qui ne parvenait pas de prime abord à discerner les contours de sa personnalité et qui questionnait les intentions réelles d’une personnalité presque inconnue.

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« Propulsé » par Gaïd Salah

Ancien général-major, à la retraite depuis 2015, Ali Ghediri effectuait des interventions dans les médias peu relayées depuis plusieurs mois avant d’être propulsé sur le devant de la scène en décembre dernier par… le chef d’état-major, Ahmed Gaïd Salah. Affirmant connaître « de près » le vice-ministre de la Défense, le général-major à la retraite « se défendait de croire » dans un entretien à El Watan que Gaïd Salah « puisse avaliser la démarche d’aventuriers », à savoir un cinquième mandat du président Bouteflika ou un éventuel report des présidentielles.

La réplique du chef d’état-major a été très rapide, accusant indirectement et à répétition Ali Ghediri de posséder entre autres un « narcissisme maladif », d’être mu « par des ambitions démesurées », d’être animé « par des intentions sournoises » et de s’arroger « le droit de parler » au nom de l’ANP.

La déclaration de candidature de M. Ghediri aurait-elle eu le même écho si Ahmed Gaïd Salah n’avait pas répondu publiquement ? Difficile à imaginer, tant les propos d’une rare virulence sortant de l’institution militaire ont immédiatement poussé les observateurs à spéculer sur la « menace » que présentait une éventuelle candidature d’Ali Ghediri sur le « système ».

Ce contexte a fait que la déclaration de candidature d’Ali Ghediri a été suivie de très près, beaucoup plus que n’aurait pu l’être une candidature faite par un retraité lambda. Sa belle plume, à défaut d’être un bon orateur, a permis à l’opinion publique de constater le degré d’instruction et l’intellect de M. Ghediri. Cependant si les concepts abstraits permettent d’attirer, ils ne suffisent toutefois pas à maintenir la dynamique.

De la curiosité… à l’impatience

Plus d’un mois après la déclaration de candidature de M. Ghediri, la curiosité laisse de plus en plus à l’impatience envers une candidature qui n’a jamais su se révéler à la hauteur de l’enthousiasme initialement exprimé autour de celle-ci.

Les ralliements et soutiens des quelques personnalités notables sur la scène publique, à l’image de Mokrane Aït Larbi, Zoubida Assoul ou encore Louisette Ighilahriz n’ont pas suffi à insuffler à sa campagne l’influence nécessaire. On a beaucoup spéculé sur des « ralliements de poids » qui allaient être annoncés, mais rien de tel ne s’est concrétisé à quelques jours du dépôt officiel des candidatures au Conseil constitutionnel.

La présentation des grandes lignes de son programme a été marquée par le flou avec des déclarations d’intention abstraites, manquant drastiquement de mesures concrètes, palpables et tangibles appelées à changer la destinée de la nation.

Ses interventions médiatiques renvoient quant à elles l’image d’un candidat incertain, chancelant dans sa démarche. Un candidat qui n’a peut-être pas pris la mesure de la tâche qui lui incombe en se présentant pour la magistrature suprême. Sa stratégie de communication consistant à effectuer des interviews à tour de bras dans des médias parfois obscurs ou qui ne s’adressent pas à l’opinion algérienne -une chaîne de télévision russe, par exemple- laisse quant à elle au mieux dubitatif, au pire pantois.

Lorsqu’on l’assigne à résidence en l’empêchant de se rendre à l’enterrement du défunt général Guenaïzia, M. Ghediri obtempère au lieu de se révolter. Lorsqu’il est questionné sur le financement de sa campagne, plutôt que de jouer la carte de la transparence, il botte en touche et demande avec défiance pourquoi la même question n’est pas posée au président sortant.

Alors que les acteurs de « l’opposition » se réunissaient pour discuter de l’éventualité de présenter un candidat unique, Ali Ghediri décide de décliner l’invitation sans expliquer les raisons de son retrait, ratant une nouvelle opportunité de transparence et de participation au débat. Il aurait pu être présent sans forcément avaliser les décisions qui seront prises.

Transparence

Vient inévitablement la question qui fâche : à qui s’adresse la campagne d’Ali Ghediri ? Lui qui dit puiser sa force dans le peuple, M. Ghediri semble pourtant plutôt enclin à garder ses distances avec ce dernier.

Tandis que le peuple sort dans la rue manifester de manière historique, M. Ghediri refuse de saisir pleinement cette occasion pour aller à sa rencontre et marcher à ses côtés, préférant lui parler par le biais d’un communiqué et d’une vidéo publiée sur internet aux allures d’appel du 18 juin du général de Gaulle. Contrairement à De Gaulle, qui était en exil à Londres pour fuir les Nazis, Ali Ghediri lançait son appel à la nation depuis le siège de sa permanence à Hydra, sur les hauteurs d’Alger. Sur les réseaux sociaux, autre lieu de présence du « peuple », le candidat est presque absent. Sa page Facebook totalise à peine 53.000 fans et il n’a annoncé son arrivée sur twitter que cette semaine.

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Reste à s’interroger enfin sur l’avenir qui attend la candidature d’Ali Ghediri. Alors que la date butoir du dépôt de candidatures approche, des rumeurs évoquent le retard rencontré par le général-major à la retraite pour collecter à temps les 60 000 signatures nécessaires pour faire valider sa candidature. Des spéculations ayant probablement pris leur source dans les communiqués dénonçant des entraves dans la campagne de collecte.

Autre signe du manque de transparence, M. Ghediri n’a pas communiqué sur le degré d’avancement de la collecte de signatures. Pour un candidat revendiquant la « rupture sans reniement », difficile de ne pas constater qu’Ali Ghediri semble avoir à cœur de ne pas renier un certain culte ambiant de l’opacité.

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