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Carlos Ghosn, une fuite et beaucoup de questions

Carlos Ghosn, une fuite et beaucoup de questions

Plus de 48 heures après les faits, la fuite rocambolesque du Japon de l’ancien magnat de l’automobile suscite de nombreuses interrogations.

  • Comment Carlos Ghosn a-t-il quitté le Japon ?

Les circonstances de son départ du Japon, où il est accusé de malversations financières et était assigné à résidence après 130 jours en prison, demeurent obscures. Une source dans son entourage a démenti qu’il se serait enfui caché dans une caisse d’instrument de musique, comme l’avait affirmé un média libanais.

Selon une source à la présidence libanaise, l’ex-patron de Renault-Nissan, âgé de 65 ans, a d’abord atterri en Turquie avant de rallier le Liban, un des trois pays dont il est ressortissant, avec la France et le Brésil. Son avocat japonais, Junichiro Hironaka, a affirmé que son équipe de défense au Japon est toujours en possession de ses trois passeports.

Il est « entré légalement au Liban », a réagi plus tard mardi le ministère des Affaires étrangères à Beyrouth, tandis que la direction générale de la sûreté générale a précisé qu’aucune mesure n’imposait « l’adoption de procédures à son encontre ».

  • Peut-il être extradé du Liban ?

« Il n’y a pas d’accord d’extradition entre le Liban et le Japon », a indiqué à l’AFP une source au ministère de la Justice libanais. « L’absence de convention n’interdit pas en soi d’extrader un individu. Mais certains Etats n’extradent pas leurs nationaux, dont le Liban », précise une experte des relations internationales. Ancien ministre de la Justice libanaise, Ibrahim Najjar a expliqué qu’en cas d’un possible recours à Interpol, le nom de M. Ghosn serait communiqué aux frontières des pays membres pour réclamer une arrestation.

Lire aussi : Carlos Ghosn au Liban : pas d’extradition possible vers le Japon !

« Mais Interpol ne peut pas le faire arrêter par la force, ou imposer une quelconque décision au Liban »« La justice libanaise peut le juger s’il est établi qu’il a commis un crime punissable par le droit libanais », mais « le Liban ne peut pas juger une personne accusée de fraudes fiscales commises dans un pays étranger », ajoute l’expert.

  • Quel avenir pour ses procédures judiciaires ?

Arrêté à Tokyo en novembre 2018, Carlos Ghosn devait être jugé au Japon à partir d’avril 2020. Il fait l’objet de quatre inculpations, deux pour des revenus différés non déclarés aux autorités boursières par Nissan (qui est aussi poursuivi sur ce volet), et deux autres pour abus de confiance aggravé.

Dans l’immédiat, son avocat japonais a déploré un départ « inexcusable »« L’équipe de défense a complètement perdu la face« , ayant promis que Carlos Ghosn ne quitterait pas le pays, a analysé  l’ex-procureur et aujourd’hui avocat Nobuo Gohara. « Pour les procureurs, c’est une situation extrêmement grave. Nissan doit avoir peur. Les procureurs aussi ». « Il y a une très forte probabilité pour que son procès ne soit pas tenu et sa position affichée selon laquelle il souhaitait défendre son innocence est maintenant en question » estimait mercredi le quotidien Tokyo Shimbun.

En France, une enquête a été ouverte sur le financement du mariage de Carlos Ghosn, organisé dans le château de Versailles en 2016 dans le cadre d’une convention de mécénat entre Renault et l’établissement public. « Sa fuite ne devrait pas avoir de conséquence sur notre enquête, en tout cas pas de prévisible », a observé mardi Catherine Denis, procureur de la République de Nanterre, pour l’AFP.

Une autre enquête, ouverte pour « abus de biens sociaux » et « corruption » par le parquet national financier, a par ailleurs été confiée l’été dernier à des juges d’instruction parisiens. Elle concerne des contrats conclus par la filiale néerlandaise de l’alliance Renault-Nissan, RNBV, avec l’actuelle maire du VIIe arrondissement de Paris Rachida Dati et le spécialiste de sécurité Alain Bauer, sous le règne de Carlos Ghosn. Ces derniers contestent toute irrégularité.

  • Que va faire Carlos Ghosn ?

Une source dans son entourage a simplement indiqué que Carlos Ghosn était avec « sa femme »« libre ». Lui a promis, dans son communiqué, que pouvant « enfin communiquer librement avec les médias », il le fera « dès la semaine prochaine ». Ce nouvel épisode a été perçu diversement au Liban. Si une de ses voisines à Beyrouth a fait de Carlos Ghosn « un exemple de réussite pour les Libanais », le quotidien L’Orient le Jour signalait que les réseaux sociaux libanais se sont « enflammés ».

Le réalisateur Lucien Bourjeily a ironisé sur Twitter: « il est venu pour le confort et ‘l’efficacité’ d’un système judiciaire libanais qui n’a jamais mis un politicien en prison pour corruption », tandis que des sondages hâtifs étaient mis en ligne pour demander aux internautes s’ils souhaitent que Carlos Ghosn devienne ministre ou gouverneur de la Banque du Liban, alors que le pays en crise est secoué par un mouvement de contestation inédit.


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