Pointé du doigt par les organisations des droits de l’homme et la communauté internationale après la mort de dizaines de migrants à sa frontière avec Melilla, le Maroc accuse l’Algérie.
La police marocaine a violemment réprimé vendredi dernier une tentative d’entrée massive de migrants subsahariens dans l’enclave espagnole, tuant 37 d’entre eux, selon plusieurs ONG. Les autorités marocaines reconnaissent au moins 23 morts et 76 blessés. Le massacre a provoqué une onde de choc dans le monde entier.
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Devant le tollé suscité et les multiples demandes d’enquête, émanant d’ONG et de l’Union africaine, le Maroc a trouvé le parfait bouc émissaire : l’Algérie.
Dans un communiqué remis à la presse espagnole, l’ambassade du Maroc à Madrid accuse l’Algérie d’avoir laissé entrer les migrants qui ont pris d’assaut l’enclave espagnole. Dans le communiqué, il est indiqué que « les assaillants se sont infiltrés à la frontière avec l’Algérie, profitant du laxisme délibéré de ce pays dans le contrôle de ses frontières avec le Maroc ».
Et ce sont, accuse encore l’ambassade, des migrants « extrêmement violents », armés et disposant « d’une structure hiérarchique de chefs endurcis et entraînés ayant le profil de miliciens expérimentés dans des zones de conflit ».
Ces accusations ne constituent en fait pas une surprise, tant le Maroc a l’habitude de tout rejeter sur l’Algérie. Il ne pouvait pas en être autrement dans cette conjoncture précise où l’Algérie a rompu ses relations avec le Maroc et se trouve en crise ouverte avec l’Espagne. Une sorte d’ « ennemi commun » qui ne peut faire qu’un parfait bouc émissaire.
Belani : « C’est une fuite en avant »
L’Algérie n’a pas tardé à réagir à la teneur du communiqué qu’elle qualifie de « fuite en avant ».
«Nous savons que le Maroc a érigé la fuite en avant en système de gouvernance. N’ayant pas le courage d’assumer leurs propres turpitudes, les autorités de ce pays sont constamment à la recherche de boucs émissaires pour se défausser de leurs responsabilités. Le communiqué de l’ambassade du Maroc à Madrid en est la parfaite illustration », indique dans une déclaration à TSA Amar Belani, Envoyé spécial chargé du Sahara occidental et des pays du Maghreb.
Amar Belani rappelle, sur la foi des organisations internationales spécialisées dans la gestion des flux migratoires, que la majorité des migrants subsahariens qui se trouvent au Maroc ont rejoint ce pays par les voies légales, à cause « du marketing diplomatique nourri par ceux qui définissent, présomptueusement, le Maroc comme étant la plateforme entre l’Afrique subsaharienne et l’Europe, dans le but soi-disant de consolider la position géostratégique du pays ».
Le diplomate algérien évoque un « appel d’air qui a suivi des pseudos régularisations de migrants », « un autre fait que les autorités marocaines se doivent de reconnaitre au lieu de jeter malhonnêtement la pierre au voisin ».
« On ne peut se prévaloir à la fois de son ‘africanité’ à l’égard de ses voisins du sud et enfiler en même temps la tenue du garde-chiourme qui contribue à surveiller les frontières extérieures européennes », assène Amar Belani.
Un « grand écart » qui a comme résultat « la survenance cyclique de répressions sauvages et de carnages, comme celui de Nador », estime-il.
S’il y a préméditation et planification, elles sont à chercher du côté marocain. « Certaines voix s’élèvent, notamment sur les réseaux sociaux, pour relever le caractère planifié et prémédité de cette ‘tentative’ de franchissement de la frontière de Melilla par plus d’un millier de subsahariens qui seraient ainsi tombés dans un guet-apens, réprimé férocement par les forces de l’ordre pour, à la fois intimider les pays du sud de l’Europe dont l’Espagne au premier chef, en agitant la menace de la submersion migratoire et obtenir, en retour, le soutien diplomatique ainsi que des subsides substantiels de la part de l’Union Européenne », indique l’ambassadeu algérien.
S’agissant de la frontière algérienne que l’ambassade marocaine désigne comme le point de passage des migrants, Amar Belani souligne qu’elle « est sécurisée à travers la mise en œuvre de dispositifs renforcés et performants qui nous permettent, entre autres, de déjouer régulièrement les tentatives d’introduction de quantités industrielles de cannabis en provenance de ce pays qui nous soumet à une véritable guerre d’agression en la matière ».