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Ce que révèle la guerre Ould Abbès – Benyounès

Ce que révèle la guerre Ould Abbès – Benyounès

« Nul n’a le droit de forcer la main au président Bouteflika. » Amara Benyounès, qui tenait ces propos la semaine passée dans un entretien à TSA, faisait, à première vue, allusion aux appels incessants au chef de l’État pour briguer un cinquième mandat, émanant de ses soutiens traditionnels.

Mais vu le contexte dans lequel elle a été prononcée et toutes les conjectures qui entourent l’état de santé du chef de l’Etat, la phrase de l’ancien ministre du Commerce peut signifier bien plus qu’un refus de mettre la charrue avant les bœufs, autrement dit d’apporter son soutien à un candidat qui n’a pas encore fait acte de candidature.

La portée de la déclaration de M. Benyounès va aussi au-delà de la relation exécrable qu’il entretient avec le patron du FLN qui, quelques semaines plus tôt, l’avait affublé publiquement d’un qualificatif peu glorieux. Quand bien même tous ces tiraillements ne seraient que l’expression d’une profonde inimitié entre les deux hommes, il est légitime de se demander pourquoi l’arbitre suprême, soit l’homme qu’il prétendent tous les deux soutenir, ne siffle-t-il pas alors la fin des hostilités.

En politique, la sémantique a son importance et le mot « pression» aurait bien suffi pour qualifier l’insistance du FLN, du RND et de TAJ à voir le président Bouteflika se représenter, et n’aurait peut-être suscité aucune réaction ni interprétation. Mais parler dans cette conjoncture précise de volonté de « forcer la main » au président, c’est au moins apporter de l’eau au moulin de ceux qui, depuis maintenant quelques années, cultivent la suspicion sur la capacité du chef de l’Etat à diriger les affaires du pays, accusant son entourage proche de l’avoir « pris en otage » et de décider à sa place.

On aurait cru entendre Ali Benflis, Louisa Hanoune ou un membre du groupe des « 19 » qui, en 2015, avait sollicité en vain une audience auprès du président pour s’assurer que certaines décisions controversées émanaient bien de lui. Non, la grave insinuation vient de l’un des plus fidèles soutiens de Bouteflika.

Sa langue a fourché ? Sans doute pas, l’homme semble plus que jamais sûr de lui en réitérant ses attaques à l’égard du chef du FLN dans un autre entretien au Soir d’Algérie, et surtout la même conviction, à savoir que « nul n’a le droit de forcer la main au président ». Doit-on déduire dès lors que Benyounès a décidé de se démarquer de ceux avec qui il a partagé un zèle sans pareil pour dégainer à chaque fois que la question de la capacité du président à assumer ses missions était évoquée ? A-t-il fini par se faire à l’idée que Bouteflika est dans l’incapacité de rester cinq ans de plus à la tête du pays ?

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On n’en est pas encore là, mais on peut avancer au moins qu’il sera difficile pour le président du MPA et le SG du FLN de se retrouver dans la même tranchée à l’occasion de la prochaine joute électorale pour la raison évidente qu’après tant d’amabilités échangées publiquement, il serait inconcevable pour eux de parler d’une même voix et d’afficher une solidarité pour défendre la même candidature.

Amara Benyounès peut bien avoir reçu quelque garantie ou déduit à la lumière des événements de ces dernières semaines que le schéma de la prochaine présidentielle ne sera pas celui auquel tout le monde s’attend. Une explication d’autant plus plausible que l’ancien ministre du Commerce n’est pas du genre à brûler ses vaisseaux. Cette hardiesse et ce ton belliqueux ne lui ressemblent pas, au moins depuis qu’il a quitté le RCD au début des années 2000.

Faut-il rappeler que même lorsqu’il fut débarqué du gouvernement et jeté à la vindicte populaire, il était non seulement resté constant dans son soutien au chef de l’Etat, mais s’était aussi interdit toute attaque ou pique à l’égard de sa « famille politique ».

Quant à Djamel Ould Abbès, il est encore mieux placé pour sentir les lignes bouger. Son empressement à dégainer à tout-va ressemble à l’expression d’un sentiment au mieux d’incertitude, au pire d’affolement. L’initiative inattendue du président du MSP, Abderrazak Makri, qui a soumis à Benyounès et surtout à Ali Benflis son appel direct au concours de l’armée pour accompagner une période de transition, semble avoir secoué le cocotier et fait tomber bien des certitudes. Surtout que l’institution, trop bavarde ces derniers mois dès qu’il s’agit de répondre à des tentatives de l’impliquer dans le jeu politique, a, depuis, retrouvé son attribut de grande muette…

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