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« Ce sera l’état d’urgence ou l’état de siège ! » : Khaled Nezzar enfonce Said Bouteflika

« Ce sera l’état d’urgence ou l’état de siège ! » : Khaled Nezzar enfonce Said Bouteflika

Jusqu’à la fin du mois de mars, Said Bouteflika était prêt à tout, y compris instaurer « l’état de siège », pour ne pas céder le pouvoir malgré les manifestations populaires massives qui secouaient le pays. C’est ce qu’affirme, ce lundi 29 avril, le général à la retraite Khaled Nezzar.

« Jusqu’à la dernière minute, le porte-parole du président – son frère Saïd – s’est accroché au pouvoir, multipliant les tentatives de diversion, les manœuvres, les manigances désespérées pour garder la haute main sur les affaires du pays », écrit l’ancien ministre de la Défense nationale dans un témoignage publié sur son site internet Algérie Patriotique.

« Pour l’histoire, j’aimerais apporter un témoignage pour dire jusqu’où était décidé à aller cet homme qui ne voulait pas comprendre, qui ne voulait pas imaginer, que le rideau était définitivement tombé », écrit Khaled Nezzar qui révèle avoir échangé avec Said Bouteflika à deux reprises depuis le début du mouvement populaire : le 7 mars puis le 30 du même mois.

Lors de la première rencontre, Khaled Nezzar décrit son interlocuteur comme un « homme visiblement dans le désarroi ». Il affirme avoir conseillé à Said Bouteflika de répondre aux demandes des manifestants.

« Je lui dis : étant donné que le peuple ne veut pas d’un cinquième mandat, qu’il veut aller à une deuxième République et qu’il rejette les membres de la classe politique en charge actuellement de responsabilités, j’estime qu’il faut répondre à ses demandes », écrit-il, lui suggérant d’étudier deux propositions.

« La première proposition : – Prendre comme base de travail la lettre du président qui parle de conférence nationale, la compléter en précisant les délais quant à sa durée de vie ; – Donner la date exacte du départ du président qui ne devrait pas excéder 6 à 9 mois : – Remplacer l’équipe gouvernementale actuelle par un gouvernement de technocrates », poursuit Khaled Nezzar.

« La seconde proposition, la plus raisonnable : – Que le président se retire soit par démission, soit par invalidation par le Conseil constitutionnel ; Parallèlement : – Désignation d’un gouvernement de technocrates ; – Création de plusieurs commissions indépendantes qui seraient compétentes pour préparer les futures élections et mettraient en place les instruments pour aller vers la deuxième République », ajoute l’ancien ministre de la Défense.

« Je suggérais également à Saïd la démission du président du Conseil constitutionnel et ceux des deux chambres du Parlement. Le nouveau président constitutionnel assurerait la vacance du président de la République et légiférerait par ordonnances. Inconvénient : une maîtrise moins aisée du processus du changement. Avantage : cette solution aurait toutes les chances d’être acceptée par l’opinion publique du moment que la décision serait entre les mains d’une instance de transition crédible parce qu’indépendante », détaille-t-il.

Selon Khaled Nezzar, Said Bouteflika a rejeté d’emblée cette seconde proposition, qu’il a jugée « dangereuse pour eux ». « A la question : « Et si cette énième lettre était rejetée, que feriez-vous ? » Il me répondit : « Ce sera l’état d’urgence ou l’état de siège ! » J’étais surpris par tant d’inconscience. Je lui répondis : « Si Saïd, prenez garde, les manifestations sont pacifiques, vous ne pouvez en aucun cas agir de cette manière ! » A cet instant, je me suis rendu compte qu’il se comportait comme le seul décideur et que le président en titre était totalement écarté », affirme l’ancien ministre.

Le 11 mars, Bouteflika adressait une nouvelle lettre aux Algériens dans laquelle il annonçait le report de l’élection présidentielle et sa décision de renoncer à un cinquième mandat. Une offre qui a été massivement rejetée par les manifestants et l’opposition.

Le deuxième échange entre Nezzar et Said Bouteflika s’est déroulé au téléphone. « Le 30 mars, vers 17 heures, nouvelle tentative du même Saïd Bouteflika pour me joindre, cette fois-ci au téléphone. Après m’être demandé s’il était encore utile de lui répondre, j’ai finalement décidé d’écouter ce qu’il avait à me dire. Au son de sa voix, j’ai compris qu’il était paniqué. Il me dit que le vice-ministre de la Défense et chef d’état-major de l’ANP était en réunion avec des commandants des forces et qu’il pouvait agir contre Zéralda d’un instant à l’autre. Il voulait savoir s’il n’était pas temps de destituer le chef d’état-major. Je l’en dissuadai fortement au motif qu’il serait responsable de la dislocation de l’armée en cette période critique », affirme le général à le retraite.

Khaled Nezzar explique avoir conseillé à Said Bouteflika d’appliquer « l’article 7 réclamé par le hirak et la désignation de membres de la société civile représentatifs pour assurer la transition et, ensuite, faire savoir immédiatement après que le président se retirait ». Mais le président et son frère ont refusé de le faire : « La balle était de nouveau dans le clan des Bouteflika. Je pensais qu’ils allaient agir rapidement, d’autant que Saïd – il le disait – craignait d’être arrêté à tout moment. La mise en pratique d’une telle proposition nous aurait sortis de la crise. Ils n’ont pas voulu le faire ».

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