Le déclenchement de la révolte populaire contre le pouvoir et pour une transition démocratique n’a, contrairement à toutes les attentes, pas libéré la presse. Bien au contraire. La censure, les intimidations et pressions -voire chantages- économiques ont repris de plus belle et l’illusion d’une libération de la parole et de la pression est dissipée au bout de quelques semaines à peine d’ouverture et d’espoir.
Comme toutes les corporations, celle de la presse s’est elle aussi soulevée pour changer l’ordre établi et réclamer plus de liberté. Les travailleurs des médias publics notamment, y compris ceux de l’ENTV, chasse gardée et outil exclusif au pouvoir depuis toujours, ont mené une courageuse fronde contre la censure, avant que les meneurs du mouvement n’en paient le prix.
« La courageuse revendication de changement portée par un collectif professionnel de la Télévision publique est accueillie par une série de sanctions administratives et autres sournoises représailles visant à neutraliser les animateurs de ce mouvement et à dissuader toute possibilité d’engagement et de solidarité de la part de leurs collègues », constate le Forum des journalistes libres (FJL), dans un communiqué du dimanche 23 juin.
Les médias publics subissent un contrôle qui « ne s’encombre plus de formes » et « s’affiche sans nuances comme un mode de gestion immuable mettant au service exclusif du discours du pouvoir télévisions, radios et publications de la presse écrite », dénonce le Forum, créé récemment par des journalistes professionnels issus de différents médias nationaux.
Ce contrôle des médias publics est notamment illustré par la ligne éditoriale de la télévision publique, ligne qui s’est durcie ces dernières semaines. Le vendredi 21 juin, les journaux télévisés de l’EPTV ont occulté les réelles revendications des manifestations du 18e vendredi. Ils ont déformé les slogans des manifestants en affirmant que ces derniers « ont marché pour hâter la tenue des élections présidentielles ».
Le journal de 20 heures du dimanche 23 juin de l’ENTV a été consacré, en bonne partie, à une justification de la mise sous mandat de dépôt de manifestants interpellés le vendredi précédent, accusés de « porter atteinte à l’unité nationale », car ils brandissaient le drapeau amazigh. Une ligne éditoriale calquée sur le discours actuel du pouvoir.
« Nouvelle charge » contre la presse électronique
« La presse électronique qui, malgré un assidu travail de parasitages et de manipulation des officines du système, a su se faire une place sur la scène médiatique nationale tout au long de ces dernières années, subit pour sa part une nouvelle charge visant à la museler en ces moments cruciaux que vit l’Algérie et o% le citoyen a droit d’être informé », dénonce le Forum de journalistes libres.
Des sites d’information, dont celui de TSA, sont bloqués depuis le 12 juin, « sans aucune forme d’explication de la part des autorités chargées de la gestion des flux web, ou des institutions censées veiller à la régulation du secteur de la communication », dénonce également le Forum.
Pressions économiques sur la presse écrite
La presse écrite ou papier n’est pas épargnée elle non plus par cette vague d’intimidations et de pressions du pouvoir. « Déjà confrontée à la crise systémique de son modèle économique -grandement provoquée par une stratégie du pouvoir ayant de tout temps limité les marges de son autonomie et programmé sa vulnérabilité- », elle « se retrouve à lutter pour sa survie et à résister au chantage qui lui est imposé », souligne le FJL.
Le chantage est principalement économique. Il s’exerce par le biais du « monopole sur le marché publicitaire » détenu par « l’Agence nationale d’édition et de publication », selon le FJL.
Le système Anep qui monopolise la publicité publique et la distribue aux médias affiliés au pouvoir tout en privant les médias libres est « non seulement maintenu mais ouvertement orienté pour achever de condamner à l’asphyxie financière des entreprises de presse ».
L’existence d’une multitude de quotidiens qui profitent de la publicité Anep alors que ce ne sont que des coquilles vides, souvent dénués de contenu informatif, est une « pollution orchestrée de longue date, du marché de l’édition », dénonce le Forum qui y voit une « concurrence déloyale » aux journaux indépendants et professionnels.
Les journaux papiers ne sont pas les seuls à subir cette pression économique. Le FJL cite, à titre d’exemple, le cas des travailleurs du Groupe Media Temps Nouveau qui sont « menacés dans leurs emplois ».
A la pression économique subie par les médias indépendants, s’ajoutent des « intimidations systématiques, voire menaces, réagissant ponctuellement à tout contenu éditorial critique à l’égard des tenants du pouvoir ».
Une situation critique qui « s’apparente à une entreprise déterminée à museler l’expression libre et à faire disparaître les quelques supports médiatiques qui continuent à assurer, aujourd’hui au prix de leur viabilité économique, leur vocation d’informer objectivement et d’assumer leur responsabilité d’éclairer l’opinion », selon le FJL.
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