Aujourd’hui, le constat général est que les dispositifs Ansej, Cnac, Angem sont un échec flagrant. A quoi cela est-il dû ?
Smail Lalmas, économiste. Je crois, qu’aujourd’hui, tout le monde s’accorde à dire, sauf bien sûr les responsables, que les dispositifs d’emplois mis en place par le gouvernement, sont un échec. Les raisons sont multiples, mais il faudrait d’abord rappeler qu’il s’agit de dispositifs créés vers la fin des années 1990, notamment en 1997 pour l’ANSEJ, afin de lutter contre le chômage étouffant, durant la phase de transition vers l’économie de marché qu’a connue l’Algérie, entraînant au passage, des milliers d’emplois perdus. Des dispositifs, il faut le reconnaître, qui s’inscrivaient en rupture avec les traitements antérieurs actionnés pour lutter contre le chômage, encourageant toutes formes d’actions tendant à promouvoir l’emploi, surtout celui des jeunes.
Malheureusement, l’échec s’explique tout d’abord par la lourdeur et la complexité de ce dispositif pour une administration inadaptée à ce genre de mécanismes, la nature des projets, qui très souvent ne répondaient pas aux besoins du marché, l’absence d’accompagnement et de formation, le niveau d’instruction des promoteurs, autant de raisons qu’on aurait pu et dû prendre en considération en amont, lors de la confection de ces dispositifs.
Aujourd’hui on parle d’échec, alors qu’il y a quelques années, l’ancien directeur général de l’ANSEJ, disait que pas moins de 500 000 entreprises ont vu le jour grâce à ces dispositifs, avec un taux de succès de 75%, et à peine 25% de promoteurs qui n’arrivaient pas à rembourser leurs crédits. Ces chiffres ne reflètent pas la vérité bien sûr. Comme toujours, le recours aux chiffres maquillés a été le choix privilégié du responsable au lieu de dire la vérité, et corriger les défaillances de ces dispositifs. Pour l’anecdote, ce Directeur général est passé ministre.
Les jeunes promoteurs, incapables de rembourser la dette contractée, se mobilisent. Aujourd’hui, ces jeunes promoteurs réclament clairement une amnistie. Pourquoi ce revirement et ce durcissement de ton ?
Vous savez, quelque part, ces jeunes ont tout à fait raison de réclamer une amnistie, parce que, ces mêmes personnes constatent au quotidien l’impunité qui couvre certains privilégiés du moment, qui bénéficient d’importants crédits, sans pour autant les restituer, des traitements de faveur en direction de personnes ou entreprises condamnées par la justice à payer des amandes pour fraudes fiscales par exemple, mais qui à la fin, trouvent la parade et surtout les bonnes personnes pour, finalement, ne rien payer.
Sans oublier le fameux discours de l’ancien premier ministre Sellal, lors de la campagne présidentielle 2014, autorisant les jeunes à se marier à l’aide des crédits de l’ANSEJ. Comment dans ce cas-là, convaincre et obliger nos jeunes promoteurs à rembourser les crédits contractés. Que de mauvais exemples pour nos jeunes.
Quelle sera, à votre avis, la réponse du Gouvernement ? Va-t-il céder ?
Cela dépendra de la pression exercée par les jeunes promoteurs, qui s’organisent de plus en plus afin de se faire entendre, notamment à l’approche des élections présidentielles, une période toute indiquée pour faire passer ce genre de revendications.
Cela dit, il serait préférable, à mon avis, de traiter ces dossiers en mettant en place un dispositif à la carte, afin de pouvoir sauver les entreprises, et donc des emplois. En parlant de dispositif à la carte, je veux dire par là, un accompagnement à la carte, pour la simple raison que les difficultés ne sont pas les mêmes, un accompagnement différent d’une entreprise à une autre, par conséquent, les solutions et l’approche pour les sauver seront différentes. Il faut pour cela, une large mobilisation de compétences, de retraités, parfois des bénévoles, et une volonté pour arriver à mettre en place ce genre de chantier, une pratique qui ne fait malheureusement pas partie de nos traditions.
Quelles seront les conséquences ? (Que le Gouvernement cède ou non)
Les conséquences sont connues, si le gouvernement cède et opte pour l’effacement de la dette, des milliards vont disparaître encore une fois, ouvrant la voie à d’autres personnes, ménages ou autres entités pour réclamer la même chose, et bénéficier des mêmes faveurs.
Si le gouvernement ne cède pas, il devra dans ce cas-là penser à construire des centaines de prisons pour contenir tous les promoteurs qui ne vont pas rembourser leurs dettes, pour une raison ou une autre, à défaut d’un dispositif à la carte qui permettrait de sauver les emplois et les milliards injectés.