Durant tout l’été, les rumeurs n’ont pas cessé de circuler sur un éventuel remaniement ministériel et même le Premier ministre était donné partant plus d’une fois, sans que cela ne se concrétise, la présidence de la République ayant jugé plus urgent d’effectuer de profonds changements au sein des services de sécurité et de l’armée. Mais la question revient au-devant de la scène à la faveur de cette rentrée sociale pour le moins chaotique.
Mokhtar Hasbellaloui
Le gouvernement Ouyahia partira-t-il ou du moins verra-t-il certains de ses membres céder leur portefeuille ? L’une et l’autre éventualités ne sont pas à exclure au moins au vu des péripéties de ces dernières semaines. Logiquement, la résurgence du choléra, avec le décès de deux personnes et le coup terrible porté à l’image du pays, est un motif suffisant pour que des têtes tombent.
Le bilan du président Bouteflika, qui s’apprête à boucler sa vingtième année à la tête du pays et, semble-t-il, à briguer un cinquième mandat, ne peut s’accommoder du retour de cette maladie que tout le monde s’accorde à qualifier de « honteuse », dans un pays qui a tant investi dans les infrastructures sanitaire, les réseaux d’assainissement et d’AEP…
Le secrétaire général du FLN vient d’ailleurs d’annoncer que le bilan des réalisations du chef de l’État sera rendu public incessamment. Autant dire que ce qui s’est passé ces dernières semaines au centre du pays ne pouvait pas plus mal tomber.
Deux décès, plus de 70 cas enregistrés et cinq wilayas touchées dont la capitale et il a fallu près d’un mois aux services du ministère de la Santé pour identifier la source du germe.
Le ministre Mokhtar Hasbellaoui a particulièrement multiplié bourdes et maladresses, se faisant tourner en dérision sur les réseaux sociaux et même démentir publiquement par ses propres subordonnés.
Et alors que des patients sont toujours hospitalisés à Boufarik, une enseignante universitaire meurt à l’hôpital de Ouargla d’une morsure de scorpion.
L’occasion pour le même ministre d’étaler de nouveau ses limites sur la place publique, en usant de faux-fuyants ahurissants au lieu d’admettre des dysfonctionnements dans son secteur et de s’engager à y remédier.
Cela au moment où les médecins résidents reviennent à la charge et font planer le spectre d’une autre année blanche après leur grève record de l’année universitaire passée. De tous les membres du gouvernement, Mokhtar Hasbellaoui est donc celui qui a le moins de chances de conserver son poste si un remaniement devait intervenir dans les jours ou semaines qui viennent.
En principe, d’autres ministres qui, d’une manière ou d’une autre, ont un lien avec la gestion des cas de choléra enregistrés récemment, devraient aussi avoir des raisons de s’inquiéter.
L’apparition de la maladie et la forte médiatisation qui s’en est suivie ont jeté la lumière sur des dysfonctionnements et des carences inacceptables en matière de gestion des déchets, de sauvegarde du cadre de vie et de contrôle des produits alimentaires.
Said Djellab et Abdelkader Bouazghi
Un éventuel remaniement pourrait donc être fatal aux ministres du Commerce Saïd Djellab et de l’Agriculture Abdelkader Bouazghi, même si ce dernier s’est empressé cette semaine d’annoncer en grande pompe la prouesse de son secteur qui a réalisé une récolte record de plus de 6 millions de tonnes de céréales. Une manière peut-être de tenter de sauver sa tête ?
Tahar Hadjar et Nouria Benghabrit
Le ministre de l’Enseignement supérieur, Tahar Hadjar, est lui aussi sévèrement critiqué pour sa gestion du secteur et ses limites en communication. Récemment, il a suscité une immense vague d’indignation et de dérision tant en Algérie qu’à l’étranger en déclarant que l’université algérienne n’avait que faire d’un prix Nobel.
Parmi les ministres également sous les feux des critiques, on retrouve celle de l’Éducation nationale et celui de l’Intérieur et des Collectivités locales. Nouria Benghabrit est épinglée pour cette histoire de chalets utilisés en guise de classes dans certaines écoles, tandis que Noureddine Bedoui est, de par sa fonction, le premier responsable de l’état d’insalubrité dans lequel baignent les villes du pays, et pas uniquement les walis, comme celui de Blida qui vient justement d’être limogé par le président de la République.
Le ministre de l’Intérieur est censé évaluer le travail des walis et il aurait fallu une épidémie de choléra pour révéler l’état de délabrement dans lequel se trouve la wilaya de Blida, la plus touchée par cette maladie.
Nourredine Bedoui
Bedoui a surtout brillé par son effacement total et son silence durant cette crise du choléra, de même que son chef hiérarchique, Ahmed Ouyahia, qui ne s’est toujours pas exprimé sur la question.
Bien entendu, ce ne sont pas là des spéculations sur les têtes qui devraient tomber-encore une fois, si remaniement il y a-, mais juste un rappel des défaillances et maladresses comptabilisées tout au long de ce mois mouvementé.
Quant au sort des membres du gouvernement, il est certes déterminé par les performances et résultats de chaque ministre, mais aussi -et surtout- par des considérations liées à l’agenda politique.