Politique

Chaos libyen ou syrien : l’incroyable maladresse des partisans de Bouteflika

Avant les marches imposantes de vendredi, les partis proches du pouvoir brandissaient le spectre du chaos pour justifier le choix du maintien de Bouteflika au pouvoir en dépit de son état de santé.

Au lendemain de la mobilisation populaire du 22 février, le même discours est repris. Animant un meeting à Oran ce samedi, le coordinateur provisoire du FLN Moad Bouchareb a encore mis en garde contre la réédition en Algérie des scénarios syrien ou libyen.

« Vous savez bien que dans de nombreux pays, les gens sont sortis dans la rue par dizaines de milliers pour exprimer des revendications sociales et politiques et, lorsque d’autres parties se sont infiltrées, leur rêve s’est évaporé et leurs aspirations ne sont pas réalisées », a-t-il affirmé, soulignant que ceux qui veulent rééditer le scénario en Algérie échoueront.

La stratégie des soutiens de Bouteflika pour vendre le cinquième mandat a dès le début été axée sur cette peur de lendemains incertains. La première réalisation de Bouteflika mise en exergue dans tous les discours, c’est le rétablissement de la paix.

Les affres du terrorisme durant les années 1990 sont rappelées à la moindre occasion par les responsables des partis de l’Alliance ou ceux des organisations dites de masse ainsi que la presse publique ou celle proche du pouvoir. On a surtout insisté unanimement sur le fait que si l’Algérie a été épargnée par le printemps arabe c’est grâce à la « sagesse de Bouteflika ».

La menace est on ne peut plus directe : le statu quo ou le chaos. Mais les Algériens ont semble-t-il fini par comprendre qu’il y a exagération quelque part et qu’un changement pacifique est possible.

La jeunesse est d’ailleurs en train de couper l’herbe sous le pied de ceux qui promettent l’apocalypse si Bouteflika venait à être contesté. Depuis quelques semaines, des rassemblements sont tenus aux quatre coins du pays sans qu’une seule pierre ne soit jetée sur les forces de l’ordre. Déchirer et piétiner le portrait du président-candidat ne peut être classé dans la case des actes violents.

Les participants à la marche de vendredi à Alger, pour la plupart des jeunes, ont donné une belle leçon de civisme et de lutte pacifique à ceux qui mettaient en garde contre le recours à la rue. Même lorsque les policiers les ont chargés à l’approche du siège de la présidence, ils n’ont pas réagi violemment, se contentant de scander des slogans hostiles au cinquième mandat et amicaux à l’égard des forces de l’ordre. Des dizaines et des dizaines de marées humaines, rassemblant des milliers de citoyens, jeunes de surcroît, et pas un seul incident. Du jamais vu dans l’histoire récente du pays.

Pendant ce temps, l’opposition et les adeptes du changement tiennent un autre discours, à l’opposé de celui des partis du pouvoir. L’homme politique qui monte en ce moment, Rachid Nekkaz, rétorque à chacun de ses rassemblements que « l’Algérie n’est ni la Syrie ni la Libye ».

Le candidat à la candidature n’a peut-être pas tort. Il y a bien exagération de comparer la situation actuelle de l’Algérie à celle qui prévalait dans ces deux pays avant les révoltes respectives de leurs peuples. La révolution tunisienne a bien accouché d’une démocratie balbutiante.

Si les soulèvements dans certains pays arabes ont débouché sur des guerres civiles, notamment en Libye et en Syrie, c’est d’abord à cause de la nature dictatoriale, totalitaire et sanguinaire des systèmes politiques qui dirigeaient ces nations, prêts à tout pour garder le pouvoir.

Le régime algérien est-il de la même nature et en fera-t-il de même ? Ce n’est certes pas un exemple de démocratie, mais l’Algérie n’est ni la Libye de Kadhafi ni la Syrie d’Assad. Les partisans de Bouteflika sont en train de commettre une incroyable maladresse en classant, inconsciemment sans doute, le système qu’ils défendent dans la case des dictatures sanguinaires.

L’Algérie dispose d’institutions, même imparfaites, de services de sécurité organisés et disciplinés, d’une constitution et surtout d’une population qui n’est pas un conglomérat de tribus.

Une population qui vient de faire montre d’un haut degré de civisme et de conscience politique en investissant les rues de la capitale et des principales villes du pays sans casser une vitre ou proférer la moindre insulte. Elle a surtout prouvé que l’épouvantail du chaos et du retour aux années de braises ne fait plus d’effet.

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