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Chiffres du Covid en Algérie : « Il faut multiplier au minimum par 10 »

Chiffres du Covid en Algérie : « Il faut multiplier au minimum par 10 »

Les services hospitaliers sont soumis à une « pression continue » par la flambée de la pandémie de Covid-19 en Algérie, comme le décrit le Dr Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de santé publique (SNPSP).

Une pression qui n’est pas sans conséquences sur les professionnels de la santé également touchés de plein fouet par la pandémie Covid. Le Dr Merabet estime qu’on en fait trop subir aux personnels de la santé réduits au statut de « robots ».   

L’Algérie a enregistré, mardi 25 janvier, un nouveau record historique de contaminations au Covid-19, avec plus de 2 500 cas en 24H. Comment interprétez-vous ces chiffres ?

La situation est en train de se dégrader rapidement. Les chiffres annoncés, faut-il le répéter, ne reflètent en aucune manière la réalité du terrain. Il faut multiplier au minimum par 10 pour se rapprocher de la réalité du terrain en termes de contaminations. 

La quasi-majorité des malades qu’on est en train de voir ne sont pas testés. Ceux qui le sont ont subi un test antigénique lequel n’est pas pris en considération dans ces calculs (bilans officiels).

Cette situation épidémiologique que nous n’avons pas connue auparavant, prouve qu’on a affaire au variant Omicron qui se transmet plus rapidement y compris comparé au Delta.

De manière générale, la situation qui prévaut actuellement en Algérie est inquiétante. La courbe est en pleine ascension et on ne sait pas quand le sommet de la vague va se stabiliser voire s’arrêter.

Il faut reconnaître qu’on continue parallèlement à ne pas respecter les mesures barrières pour casser cette chaîne de transmission. Les enquêtes épidémiologiques, on n’en parle plus. Le dépistage fait défaut pour les cas contacts, les travailleurs de l’administration y compris les personnels de la santé pourtant exposés directement à la maladie.

Quelles sont les répercussions d’une telle situation sur les hôpitaux algériens ?

Il y a chaque jour encore plus de malades dans les consultations, dans les urgences et souvent des malades finissent par être hospitalisés. Une proportion nécessite une prise en charge en réanimation.

Le seul élément positif, je dirais, c’est qu’en ce qui concerne l’Omicron la plupart des cas, même ceux qui sont hospitalisés ou admis en réanimation, n’expriment pas ce besoin en oxygène qu’on a connu durant la 3e vague.

L’inconvénient par rapport à cette nouvelle vague c’est le nombre très important de malades qui arrivent à l’hôpital. Il faut dire que beaucoup de citoyens ne passent même pas aux consultations.

Ils vont directement dans les pharmacies pour acheter des médicaments, ce qui pose les problèmes de l’automédication, de la non observance du traitement et aussi de la non application des mesures barrières lorsqu’on est malade.

Il y a un confinement sanitaire pour les cas positifs et les cas contacts au 1er degré qui n’est pas respecté, et cela est un élément qui contribue à la diffusion du virus.

Nos confrères pharmaciens sont en train de dispenser des médicaments sans prescription médicale. Cette situation est grave et elle est en train de se répéter à chaque fois. Il y a aussi une catégorie de malades qui passent directement chez les laboratoires pour faire des tests antigéniques à 3 000- 4 000 DA et parfois des PCR. Et là encore, on ne se casse pas la tête. On fait le prélèvement sans prescription et on remet les résultats. Le malade testé positif se dirige directement chez le pharmacien et il est servi.      

Comment les personnels soignants font-ils face à cette flambée épidémique ?

Difficilement. On manque de lits d’hospitalisation. Beaucoup de services affectés à la prise en charge des malades Covid sont rapidement remplis, saturés pour la plupart. Je parle au moins de certaines wilayas du centre : Alger, Blida, Tizi-Ouzou et Bejaia principalement.

Il y a aussi plus de difficulté dans les services de réanimation, parce que tout simplement on n’a pas fait grand-chose depuis le début. On a beaucoup parlé d’augmenter nos capacités de lits de réanimation.

En réalité peu de choses ont été faites et l’on se retrouve pratiquement avec les mêmes capacités. Quotidiennement 5% des cas recensés doivent être mis en réanimation, alors que les capacités ne sont pas extensibles à souhait.

On est donc obligé de faire avec les possibilités qu’offrent cette organisation. Les personnels soignants tous corps confondus sont fatigués, beaucoup d’entre eux sont malades.

On est dans une moyenne de 30 à 50% qui est à l’arrêt (atteints par le Covid-19). C’est quand même beaucoup. Et cela se fait ressentir sur le reste des équipes, tout simplement parce que le volume de travail double avec une augmentation quotidienne du nombre de malades.

Il y a une pression terrible sur tous les circuits. Ajoutez à cela le fait que les personnels du secteur public restent le seul corps mobilisé à réaliser d’autres activités, notamment la vaccination.

On arrive à un stade où on ne comprend plus ce qui nous est demandé : être au niveau des consultations, assurer les permanences de nuit, être dans les services Covid ou bien s’occuper d’autres programmes de santé, etc. On donne l’impression qu’on a affaire à des robots, des machines, et non pas à des êtres humains.   

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