Comme attendu, la rentrée sociale n’a pas été facile pour les Algériens. Aux pénuries et tensions qui durent depuis plusieurs mois, est venue se greffer une hausse généralisée des prix des produits de consommation qui ne pouvait pas plus mal tomber.
Seule bonne nouvelle, les prix du pétrole se maintiennent à des niveaux qu’ils n’ont pas atteints depuis trois ans et permettent d’entrevoir un début de relance si le gouvernement consent à actionner de nouveau la commande publique, en attendant la relance véritable, celle de l’investissement productif.
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La léthargie qui frappe l’investissement est plus que jamais pesante et porteuse de danger pour la stabilité du pays.
Lors de sa dernière rencontre avec les walis, et même à chacune de ses sorties publiques, le président de la République Abdelmadjid Tebboune a parlé de l’investissement comme d’une urgence nationale, appelant à lever les entraves devant les porteurs de projets susceptibles de créer des emplois.
Le chef de l’État a expliqué par des mots simples que seul l’investissement peut garantir un travail et un gagne-pain à une population qui croît de près d’un million d’individus chaque année (de 850 000 précisément).
Or, l’offre de travail ne suit pas la courbe de la croissance démographique et le chômage gagne chaque jour du terrain. Deux jours après le discours du président, des images venues d’Oran ont montré à tout le pays l’ampleur de la crise sociale qu’il traverse.
Des centaines de jeunes qui se bousculent pour déposer leur dossier de candidature pour un poste de travail, c’est assurément du jamais vu.
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Certes, le recruteur s’appelle Sonatrach, l’entreprise qui fait rêver tous les jeunes algériens, et le nombre de postes à prendre était relativement important eu égard à une offre nationale rachitique, mais la présence physique d’un tel nombre de postulants doit être prise pour ce qu’elle est, c’est-à-dire le symptôme de la dégradation de la situation sociale.
Tout engouement ou flux inhabituel est révélateur de quelque chose, d’un malaise ou d’une tendance à venir et constitue un signal d’alarme.
Une situation complexe
Les scènes qui ont eu pour théâtre l’agence de l’emploi de Bethioua à Oran rappellent celles des postulants à un visa d’études qui se sont entassés devant le centre culturel français pour passer le test de maîtrise de la langue française, en 2017. C’était déjà un signal qui annonçait l’ampleur qu’allait prendre l’émigration, légale ou clandestine.
Aujourd’hui, le phénomène est en train de tourner au drame national. Les chiffres annoncés ici et là sur le nombre d’Algériens qui atteignent les côtes de l’Espagne clandestinement sont ahurissants.
Ceux des naufrages en mer aussi. Lundi soir, Marie-Ange Colsa, fondatrice du Centre international pour l’identification des migrants disparus (CIPIMD), sis à Malaga (Espagne), a révélé sur la chaîne BRTV que sur les 40 000 migrants arrivés en Espagne l’année passée, 4 000 étaient Algériens.
Rien que ces deux derniers week-end, 1 600 algériens sont arrivés sur les côtes espagnoles, selon la même source. Mais beaucoup n’ont pas eu cette chance. Dimanche, des sources espagnoles ont évoqué un terrible naufrage en Méditerranée qui a fait 50 morts et disparus. Tous Algériens.
Ils étaient partis la veille de Béjaïa. D’autres, partis d’Alger et d’Oran ont été sauvés dans deux autres naufrages. Le phénomène a pris une ampleur jamais imaginée par les autorités algériennes. Une ampleur qui doit elle aussi être prise comme un autre signe qui ne trompe pas quant au ras-le-bol de la jeunesse et à la précarité de la situation sociale de larges franges de la population.
Dans son discours de samedi, le chef de l’État a annoncé l’accélération de la procédure de mise en place d’une allocation chômage équivalant à un présalaire au profit des jeunes.
C’est peut-être une première réponse pour atténuer l’ampleur du phénomène, à défaut de le juguler. Mais il en faut bien plus tant la situation est d’une grande complexité et nécessite un diagnostic précis et une juste compréhension.
Ce serait une erreur par exemple de conclure que tous ceux qui prennent la mer le font pour des raisons économiques. La mal-vie, ce n’est pas que le chômage et l’inflation.