Le président Abdelaziz Bouteflika a annoncé ce mardi sa démission, poussé à la sortie par un mouvement populaire inédit par son ampleur et son pacifisme.
Tout commencé le 16 février à Kherrata à 60 km à l’est de Bejaia. Plusieurs centaines de manifestants sortent dans la rue pour dire non au cinquième mandat pour Bouteflika. C’est la première grande manifestation pacifique contre le 5e mandat. Une date à retenir puisqu’elle ouvre une série de nombreuses et grandioses marches contre le cinquième mandat et le système dans son ensemble.
Le vent de la révolte s’est ensuite propagé pour atteindre trois jours après Khenchela. Les milliers de citoyens sortis manifester devant la mairie, pour répondre à la provocation du maire qui voulait interdire la ville aux autres candidats à la présidentielle, finissent même par arracher le poster géant de Bouteflika accroché sur la façade de l’APC. À ce moment-là, des appels anonymes à manifester partout en Algérie contre le cinquième mandat sont massivement relayés sur les réseaux sociaux.
La surprise du 22 février
Le 22 février, jour de mobilisation nationale contre le cinquième mandat, des millions d’Algériens sont sortis dans plusieurs villes du pays pour exprimer leur opposition au 5e mandat. À Alger, où 800 000 manifestants font tomber le mur de la peur. Un poster géant président accroché à la façade du siège du bureau de wilaya du RND au niveau de la Grande Poste, est arraché, piétiné par les manifestants.
Sans broncher, Bouteflika, ou son frère, ignore les revendications des manifestants. Il fait la sourde oreille. Alors qu’il se trouvait dans un hôpital en Suisse, le 24 février, à l’occasion de l’anniversaire de la création de l’UGTA, il adresse un message où il parle d' » une continuité qui permet à chaque génération d’ajouter une pierre sur ce qui a été construit avant elle (…) afin de rattraper les échecs marginaux ».
La confirmation du premier mars
Le message est reçu cinq sur cinq par la rue. Les Algériens ont compris que Bouteflika et son clan sont décidés à rester. Une semaine après les manifestations du 22 février, les Algériens sont sortis par millions le vendredi 1er mars, montrant leur détermination à empêcher Bouteflika à rester au pouvoir.
La lettre du 3 mars
Deux jours après, le 3 mars au soir, la Présidence a émis une lettre attribuée à Bouteflika dans laquelle le président annonce sa candidature pour un 5e mandat, en promettant d’organiser des présidentielles anticipées.
La position du Chef d’État-major le général Ahmed Gaid Salah commence à changer vis-à-vis de Bouteflika. Le 6 mars, dans un message, Gaid Salah, contrairement à son habitude, ne mentionne pas le nom du Président. « L’Algérie est forte avec son peuple et sûre avec son Armée », dira-t-il ce jour-là.
Deux jours après le 8 mars, les Algériens descendent à nouveau dans la rue, partout dans le pays, pour dire non aux propositions de Bouteflika.
Deux jours après les manifestations du troisième vendredi, le Chef d’État-major en fera l’éloge dans un nouveau message. L’armée et le peuple partagent « une vision unique du futur de l’Algérie », lance Gaid Salah le 10 mars. Il renouvelle ses éloges au peuple deux jours plus tard, le 13 mars et rappelle « la relation et la confiance qui lient le peuple à son armée en toutes circonstances ».
Le lendemain, lundi 11 mars, le président Bouteflika annonce l’annulation des présidentielles, la tenue d’une conférence nationale, un référendum populaire pour la révision de la constitution et des élections présidentielles.
Des propositions rejetées par les Algériens, qui descendent dans la rue le 15 mars, puis le 22 mars, dans des manifestations grandioses pour réclamer le départ du président et du système, et dire à la prolongation du 4e mandat.
« Avec le peuple » en crescendo
C’est à partir du quatrième vendredi (15 mars) que les choses s’accélèrent. Les discours des tenants du pouvoir se faisant de plus en plus timides, après avoir été provocateurs, voire insolents et ceux de Gaid Salah dénotant de plus en plus l’infléchissement de sa position en faveur du départ de Bouteflika et de son entourage.
Vers la fin mars, Bouteflika est tour à tour lâché par le FLN, le RND, l’UGTA et par de nombreuses autres organisations et personnalités qui gravitaient autour de lui depuis vingt ans, les Algériens ayant, par leurs démonstrations de force tranquille, obligé tout le monde à se ranger derrière ses revendications.
Le 26 mars, Gaid Salah, appelle à la destitution de Bouteflika par l’application de l’article 102 de la Constitution. Un appel qui ne sera toutefois pas entendu par la présidence mais entendu par le peuple qui, lors du sixième vendredi, le 29 mars, réclamera l’application de l’article 7 de la Constitution qui dispose que le peuple est source de tout pouvoir.
Une demande à laquelle le Chef d’État-major répond dès le lendemain, en affirmant, dans un nouveau message que « la solution de crise ne peut être envisagée qu’à travers l’activation des articles 7, 8 et 102 ».
Ce mardi, en fin de journée, les injonctions au départ lancées par Gaid Salah au clan présidentiel atteignent leur paroxysme. Dans un communiqué qui a sanctionné une réunion de tout l’État-major de l’ANP ce mardi 2 avril, Gaid Salah appelle à la destitution « immédiate » de Bouteflika, et qualifié le clan présidentiel de « bande ».
À peine une heure après la diffusion du communiqué du MDN, la présidence annonce, dans un communiqué relayé par l’agence officielle, qu’Abdelaziz Boutelika a notifié officiellement au président du Conseil constitutionnel, sa décision de mettre fin à son mandat en qualité de président de la République.