Dans une très longue dépêche de l’agence officielle, les responsables de la Banque d’Algérie ont jugé utile ,dans la torpeur de l’été , de dérouler en détail le mécanisme de l’évolution du taux de change du dinar au cours des deux dernières décennies en tentant surtout de justifier la reprise du mouvement de dépréciation constaté au cours des dernières semaines.
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L’essentiel du message concerne en réalité la période la plus récente et se veut rassurant. La Banque d’Algérie “dans son approche prudente et pragmatique de gestion du taux de change, a maintenu sa trajectoire en matière de politique de change inaugurée à compter de juin 2016”, ont indiqué à l’APS des responsables de cette institution financière.
La réaction de la Banque centrale n’est pas inutile et elle était attendue.En plein cœur de l’été, la Banque d’Algérie a repris le mouvement de dépréciation de la valeur du dinar par rapport au dollar qui avait été quasiment interrompu depuis plus de 2 ans. Une décision, qui contredit les engagements récents des autorités financières algériennes.
Voici encore quelques mois, à l’occasion de la présentation de la Loi de finance pour 2018 devant les parlementaires, le ministre des Finances, Abderrahmanre Raouya, avait affirmé que le cours du dinar resterait à un niveau d’ « au moins de 115 dinars pour un dollar jusqu’en 2020 ».
La politique de stabilisation-réévaluation de la valeur officielle du dinar, inaugurée en juin 2016 devait donc se maintenir non seulement en 2018 mais également au cours des trois années à venir.
Reprise du glissement du dinar : pas de quoi s’inquiéter ?
Une promesse oubliée dès cet été par les responsables de la politique monétaire. Dans les dernières cotations officielles de la Banque d’Algérie, le dollar américain a dépassé la barre des 119 dinars algériens, un record historique. La reprise de la politique de « glissement » du dinar semblait donc bien amorcée.
Pas de quoi s’inquiéter nous explique la Banque d’Algérie : « L’ajustement du cours du dinar n’ayant obéi, essentiellement, qu’à des fluctuations, sur les marchés financiers internationaux des changes, des monnaies de référence” que sont l’euro et le dollar ».
Le message est clair et il s’adresse sans doute plus aux décideurs politiques qu’à l’opinion nationale. Pas question de reprendre le mouvement massif de dépréciation du dinar qui avait conduit en 2015 et au premier semestre 2016 à une dévaluation du dinar de près de 30% (19,8% rien que pour l’année 2015 selon les chiffres donnés hier par la Banque d’Algérie).
Le dinar a payé la facture
Résumé des épisodes précédents : juin 2014-juin 2016. Deux ans de crise des marchés pétroliers et de baisse ininterrompue des cours du baril. Le dinar a payé la facture .
Beaucoup d’estimations ont circulé à propos de l’ampleur de la dévaluation du dinar depuis le début de la chute des prix pétroliers. Le professeur Nour Meddahi faisait les calculs : « Entre fin juin 2014 et fin mai 2016, le dinar a baissé par rapport au dollar américain de 28%. La baisse par rapport à l’euro est par contre plus faible : 13,2% pour le dinar, alors que le prix du pétrole a baissé de 55% ». Il s’agit d’ « un ajustement nécessaire suite à l’effondrement du prix du pétrole. La Banque d’Algérie a fait convenablement son travail en baissant la valeur du dinar », commentait le professeur algérien.
Le dinar stabilisé depuis juin 2016
Le changement de décor est complet depuis le deuxième semestre 2016. Depuis son entrée en fonction intervenue en juin 2016, M. Loukal avait totalement stabilisé, voire légèrement amélioré, la valeur officielle du dinar, en prenant, au passage, complètement à contre-pied les recommandations des institutions financières internationales.
Après le limogeage du tandem Laksaci- Benkhalfa, les nouveaux responsables de la politique monétaire ont bien reçu le message, venu manifestement des « plus hautes autorités du pays », qui consiste à cesser de considérer le dinar comme « une variable d’ajustement » et à aller chercher ailleurs que dans la dévaluation de la monnaie nationale les moyens de combler des déficits internes et externes qui restent pourtant très importants encore en 2018.
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Été 2018 : « Des ajustements qui resteront limités »
La Banque d’Algérie l’a donc confirmé hier. Les responsables de la conduite de la politique monétaire vont poursuivre la mise en œuvre de la démarche pour laquelle ils ont été nommés.
Les dernières évolutions du taux de change constatées cet été, même si elles ne sont pas négligeables et semblent désormais viser une cible proche de 120 dinars pour un dollar, ne constituent pas l’amorce d’une nouvelle dépréciation massive du dinar, promet la Banque centrale.
« Ces évolutions traduisent des ajustements limités du cours de change du dinar par rapport au dollar et à l’euro, en relation avec les évolutions de leurs cours sur les marchés internationaux, en contexte de relative amélioration des fondamentaux (meilleure tenue des prix du pétrole et, dans une moindre mesure, réduction du différentiel d’inflation) », rassure la Banque d’Algérie qui ajoute : « Ces ajustements du cours de change du dinar étant limités, cela permet d’éviter d’alimenter de potentielles pressions inflationnistes, notamment en contexte de relative abondance de liquidités, induites par le recours au financement monétaire pour la couverture, notamment, des besoins de financement du Trésor et de la dette publique ».
« L’ajustement économique n’a pas encore commencé »
Si elle reste donc conforme à la mission que lui ont confiée les décideurs politiques, la position réaffirmée de la Banque d’Algérie sur la gestion de la valeur du Dinar laisse entier le problème de la résorption des déficits internes et externes.
Faute de mesures d’ajustement de la valeur du dinar, la politique mise en œuvre depuis juin 2016 à conduit d’abord, dès le début de l’année 2017, à la disparition complète de l’épargne budgétaire accumulée pendant plus d’une décennie avec l’extinction du FRR.
Elle se poursuit aujourd’hui à travers le recours à la planche à billet et l’érosion progressive des réserves de change qui devraient tester la barre des 80 milliards de dollars en fin d’année.
Commentaire d’un banquier : « En Algérie , l’ajustement aux nouveau prix du pétrole n’a pas encore commencé, depuis 2014 , on a juste consommé nos économies et on continue à le faire ».